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Thorgenssen, barbare freelance

Par Diiesirae

Chapitre 1

La Dame voilée marchait d'un pas décidé, tous les sens aux aguets. Les bas quartiers, elle ne pouvait pas se vanter d'en avoir grande expérience et s'en satisfaisait plutôt pas mal ; en fait, le moins elle sortait, le mieux elle se portait.

Quelqu'un de plus initié lui aurait probablement judicieusement fait remarquer que se balader parmi les traîne-savates habillée en toge de satin pourpre, capuche enfoncée sur le crâne, avec une excroissance à la taille faisant particulièrement penser à une bourse bien fournie, question discrétion il y aurait peut-être eu plus efficace. Mais la chance était de son côté, et la mouflette qu'elle tenait au bout de sa main devait agir comme un puissant répulsif pour tous les vagabonds aux mauvaises intentions qui auraient pu s'intéresser à son cas. Les gamins, c'est imprévisible. Les gamins, ça crie plus fort qu'un cochon qu'on égorge. Les gamins, ça sait même la magie des fois, preuve s'il en est que le monde est définitivement bien mal foutu d'accepter de donner de tels pouvoirs aux pires créatures de l'enfer.

Arrivée dans le coupe-gorge qu'on lui avait indiqué, elle s'arrêta devant la porte qu'elle cherchait. Une plaquette en bois vermoulu pendait de travers du dernier clou qui lui restait.

THORGENSSEN - BARBARE FREELANCE
TOUTE MISSION ACCEPTEE
SANS RENDEZ-VOUS
ENTREZ SANS FRAPPER

Elle regarda à gauche, puis à droite et ne vit personne.

- Anaïade, c'est ici. Entrons.

Thorgenssen était vautré sur sa chaise, les pieds bien calés dans l'emplacement que ses bottes en plaques avaient rabotés dans le coin de sa table depuis le temps. Le sommeil le gagnait insidieusement, malgré ses efforts répétés à déloger un gluant intrus haut perché dans sa cavité nasale à l'aide de son index. Sa tête s'inclinait de plus en plus en arrière, irrémédiablement attirée par la forte propension de ses longues nattes cendrées à être sensibles à la gravité terrestre - en général, cela se terminait par un torticolis mémorable qu'il mettait plusieurs heures à faire passer à coup de bière tiède - il était initié en médecine naine.

- Tata! Le monsieur y s'cure le nez !

Sursaut. Panique. Fracas digne d'une étagère à argenterie qui s'effondre. Thorgenssen reprit ses esprits le nez dans le parquet, pas certain de ce qu'il venait de se passer.

- On vous dérange ?

Thorgenssen se releva, le pif un peu rougi, et très maître de lui-même entrepris de se dépoussiérer les cuisses et le torse du revers de la main. Il vit la femme rabattre sa capuche et se retrouva face à une très belle Dame, probablement noble. Son sens aigu du commerce le fit immédiatement s'imaginer de l'or...beaucoup d'or, des MONTAGNES D'OR!

- Pas du tout ! J'étais perdu dans mes pensées et ne vous ai pas entendus entrer. Je rentre d'une mission périlleuse et manque de sommeil. Asseyez-vous donc. En quoi puis-je vous être utile?

Ca, périlleuse, la mission l'avait été. Traiter les nains de la taverne, à trois heures du matin, d'erreur du Créateur, spéculant qu'ils étaient probablement le résultat d'une bonne blague un soir où il était bourré lui avait valu un bon dépoussiérage de ses talents en course de fond et esquive de hache de lancer.

La Dame resta debout, le menton relevé de l'arrogance des nantis.

- Comme vous vous en doutez, je n'ai pas pour habitude de faire appel aux services de mercenaires bas de gamme de votre espèce. Mais la situation l'exige.

- Merci, vous me flattez. Je vois que ma réputation me précède jusque dans les beaux salons. Vous avez frappé à la bonne porte ! En quoi consiste donc cette mission si délicate ?

La Dame releva légèrement sa robe pour y glisser sa main jusqu'à la ceinture, décrocha la bourse et la jeta sur la table, en résultant un bruit qui aurait réveillé tout percepteur d'impôt dormant à un kilomètre à la ronde.

Thorgenssen dont le sang froid n'était plus à prouver, subit ce qu'on pourrait appeler un décrochement de mâchoire intériorisé. C'est comme un décrochement de mâchoire, ça fait mal tout pareil mais on se retient pour pas avoir l'air con. Il tendit sa main, et les quelques dizaines de centimètres qui la séparait de la bourse lui semblèrent une éternité, comme si le temps suspendait son vol ; après moult efforts il la saisit et la rangea vite dans un tiroir avant que la Dame ne change d'avis.

- La moitié maintenant, la moitié à l'arrivée.

- Très bien, mission acceptée ! Je suis ravi de faire affaire avec vous. Serrons-nous la main pour sceller l'accord.

- Bon, mon gros, le jour où une partie de ton anatomie touche une de la mienne, en premier lieu je me fais désinfecter dans un bain d'alcool médical, en deuxième lieu je te fais écorcher, écarteler, découper en morceaux que je ferai pendre individuellement avant de les faire frire et donner à manger aux porcs.

- Ah, on se tutoie maintenant.

Thorgenssen était adepte de l'adage populaire " femme qui rit, femme dans ton lit " qu'il avait expérimenté avec succès à maintes reprises. Bon, au moins trois. Mais trois c'est déjà maintes si on veut bien. Là, vu la barre que formait le front de son interlocutrice et les éclairs que ses yeux lui envoyaient, son sixième sens lui disait que ce coup-ci, c'était pas forcément gagné et qu'il allait falloir la jouer fine.

- Bon, on rigole on rigole, mais vous ne m'avez toujours pas expliqué la mission.

- Une escorte.

Sa poitrine se bomba sous son armure. Ca, c'est de la mission classe ! Escorter une Dame de la haute...sa carrière prenait un nouveau départ. A lui l'argent, les femmes, l'argent, l'argent, le pouvoir, les réceptions chez l'ambassadeur, l'argent, les petits-fours et l'argent. Et finalement, son petit numéro avait peut-être touché juste. Elle n'avait pas franchement ri à gorge déployée, mais elle ne s'était pas tirée non plus, ce qui en soi était une petite victoire. Il trouverait la faille pendant la mission. Le symbole du protecteur, l'abandon insouciant dans la sécurité de deux grands bras forts...

- Parfait, c'est ma spécialité ! Et où qu'elle doit aller la p'tite dame?

- Ce n'est pas pour moi, sot.

Déglutition difficile. L'instant lui rappela la fois ou il avait commandé un pudding à l'aileron de murloc aromatisé aux algues, qui s'était avéré plutôt ressembler à un pudding aux algues aromatisé au goût de chiotte.

- ....ah ? Mais pour qui donc, alors ?

- Pour ma nièce ici présente.

Sueur qui perle sur le front et les tempes. Mains moites. Sa gorge se serra comme empoignée par un ogre en période de reproduction.
UNE ENFANT ! Calamité. Enfer et damnation. Il aurait préféré accepter de s'inoculer la peste que d'escorter une môme. Les enfants, c'est imprévisible. Les enfants, ça crie plus fort qu'un cochon qu'on égorge. Les enfants, ça sait même...bref, vous avez été initiés je crois. Le con, il avait déjà accepté, attiré par le gain. C'était sûrement stratégique en fait. Mieux vaut parler d'argent d'abord, parce que personne de sensé n'accepterait une escorte de môme. Mais bon, il fallait se rendre à l'évidence, c'était BEAUCOUP d'argent. Prenant son courage à deux mains et se rappelant l'état de ses finances, il soupira :

- D'accord...et où ça qu'il faut l'amener?

- À Telredor. Elle y sera en sécurité.

- Ah ouais...la porte des ténèbres, quand même. Que risque-t-elle ?

- Le moins vous en savez, le mieux vous vous porterez.

- C'est encourageant. Pourquoi moi, si c'est si périlleux et important ?

- Parce que sa disparition doit être discrète. Avec votre faciès et apparence de vagabond, cela se passera sans problème.

- J'aime bien la direction que prend notre relation.

- Imbécile.

Note pour plus tard : ne pas réessayer l'humour. Danger de mort.

- Vous la gardez ici chez vous ce soir. Vous l'habillez comme si cela pouvait être votre fille. Vous la laissez dormir un moment qu'elle reprenne des forces, mais la surveillez à chaque instant, interdiction pour vous de dormir. A deux heures du matin, vous la réveillez et vous sortez. Vous trouverez une charrette sur la place de la cathédrale que quelqu'un aura laissée à votre intention. Vous prenez votre propre cheval pour l'atteler. Vous avez bien un cheval ?

- Erm...si on veut. J'ai un tigre offert par les elfes pour service rendu à Darnassus. Une histoire d'accident, j'ai écrasé par erreur...euh bref, j'vous raconterai. Par contre je ne suis pas certain qu'il soit très enthousiaste à l'idée de servir de bête de trait.

- Je vous souhaite bonne chance.

Son regard se perdit dans le vide. Il était vraiment dans la merde.

Quelques sanglots le tirèrent de sa rêverie. La petite chouinait.

La Dame se baissa pour être à la hauteur de sa nièce. Et là, Thorgenssen vit un miracle. Ce visage si dur, si fermé, ce regard si pénétrant, devint en un instant tout en rondeurs. Un sourire laissa apparaître des dents si blanches, un visage tellement illuminé qu'elle aurait pu servir de torche en cas d'extinction de lanterne. Ce faciès auparavant si dur malgré sa beauté, devint un paradis miraculeux dans lequel n'importe qui aurait voulu plonger.

- Bonne chance Anaïade, petit Amour. Tu es très jeune, tu ne comprends pas ce qu'il t'arrives, pardonnes-moi cette épreuve...tu as un destin, et ce destin sera corrompu si tu restes ici. Nos chemins se recroiseront ma chérie. Suis bien le monsieur, obéis-lui, malgré son apparence miteuse et son intellect proche du mollusque, je sais, je sens qu'il est l'homme de la situation.

Thorgenssen ne l'entendis même pas. Il était en suspens, noyé dans le visage de la Dame.

Elle posa un long baiser sur le front de sa nièce, puis le regarda à nouveau. La magie est parfois trop éphémère. Si l'on pouvait tuer quelqu'un du regard, il serait mort par trois fois au moins.

- Et vous...n'échouez pas ! Suivez mon plan ! Allez directement direction la porte des ténèbres, puis à Telredor ! Vous ne vous arrêtez pas dans les auberges, vous vous reposez par petites tranches, à l'écart des routes et à l'abri des regards ! Si l'on vous interroge, vous répondez que c'est votre fille unique, que la maman est morte et que vous êtes obligés de l'emmener en Outreterres avec vous ! Si vous échouez...si vous échouez...

Note pour tout de suite : lâcher l'affaire, aller se saoûler et aller se taper une prostituée pour se venger de la vie.

- Je n'échouerai pas.

- Quelqu'un fait sonner la cloche de votre porte ?

- Non, c'est mes genoux. La plaque, ça résonne.

- Arrivés à Telredor, vous l'amenez à l'auberge à un Draeneï appelé Bal'Gina. Il l'attend. Vous ne lui adressez pas la parole. Vous lui donnez la petite, il vous donne la bourse de fin de votre mission, vous partez et vous oubliez cette histoire.
Thorgenssen ne se rappelait plus bien quand il avait perdu l'initiative dans cette affaire. Ah si, dès le début en fait.

- Entendu...

- Je vous laisse, j'ai déjà passé trop de temps ici, c'est dangereux. Bonne chance. Au revoir ma chérie, sois forte.

Elle fit le tour de la pièce, s'assurant par quelques regards par les fenêtres que les rues adjacentes semblaient vides. Vu l'heure et le temps, les gens seraient de toute façon plutôt dans les tavernes ou au coin du feu qu'à traîner dehors.

Sans un regard en arrière, elle se glissa par la porte de sortie tel un félin et disparut.

Thorgenssen reprit ses esprits comme quelqu'un se réveillant d'un mauvais rêve...était-ce bien réel? En général, la réalité à des façons bien cavalières de vous revenir....

- Je dors où moi ? Tu t'appelles comment ? J'ai faim... Pourquoi t'as une coiffure de fille ?

Il était vraiment dans la merde. Mais il était riche.
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