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Souvenir de Vanilla

Par Mortelune#277

Lardeur la terreur

Je furetai près des campements gnolls, camouflé dans l'ombre. Elwynn était une jolie forêt selon les critères humains. Des fleurs colorées semblaient sourire béatement au milieu de l’herbe grasse tandis que des oiseaux piaillaient leur bonheur sous le couvert paternaliste d’immenses feuillus. Même la lumière du jour paraissait gentille. D’une platitude affligeante.

Les campements de gnolls devant mes yeux étaient certes parvenus à transformer le vert ambiant en marron poussiéreux mais, même dans ce recoin reculé où je traquais ma proie, aucune aura de mystère ne venait enhardir les bois. Pour tout dire, la douce lueur du jour ne faisait qu’accentuer l’aspect glauque du lieu. Ca sentait le chien mouillé et l’urine, avec un parfum diffu de décomposition pour couronner le tout. 

Un village de furbolgs corrompus était plus accueillant...


Après avoir observé pendant de longues minutes ces créatures mi-hyène mi-humaine depuis les fourrés, j’en étais arrivé à la conclusion que les gnolls étaient plus stupides que dangereux. D’accord, ils avaient des crocs impressionnants mais se battre entre eux semblait leur passe-temps favori... Ils étaient cependant nombreux et leur chef de meute avait réussi à les transformer en véritable menace pour les habitants d’Elwynn. Or, s’il y avait une chose que j’avais retenue de mon entraînement à Teldrassil (outre le fait de se fondre dans l’ombre et de frapper héroïquement quand l’ennemi ne s’y attendait pas), c’était que parfois la nature avait besoin d’un bon coup de dague dans les fesses pour garder son équilibre.

J’étais donc là pour botter le fameux Lardeur que je n’avais pas réussi à apercevoir depuis mon poste d’observation. Il était sans doute bien planqué au fond de son camp, comme tous les chefs machiavéliques. Bien sûr, j'aurais pu passer à travers son armée de gnolls sans me faire repérer mais, même si je finissais par le trouver, l'attaquer au milieu de ses gardes aurait vite fait de moi une effluve pourrissante supplémentaire dans le sous-bois.


J’hésitai encore de longues minutes. Je n’étais pas là pour me sacrifier au nom de l’Alliance mais j’avais quand même une mission à remplir. A cours d’idée, je sortis mes lames et me préparai à un grand nettoyage ethnique quand deux jeunes et bruyants guerriers humains arrivèrent. Énormes épées mal aiguisées, côtes de mailles empruntées à leur arrière-grand-oncle et bottes achetées quelques piécettes à un marchand ambulant… Ces deux-là sortaient tout droit de Comté-du-Nord, l’usine à transformer le paysan en héros (pour peu qu’il survive assez longtemps).

L’un semblait un tout petit peu plus expérimenté (il arborait fièrement une paire de gantelets gravés d’une tête de lion) et fanfaronnait devant  l’autre qui le regardait avec une expression stupide de ferveur. Ils semblaient vouloir comme moi abréger la vie puante de Lardeur et je sortis des ombres pour me faire connaître, tout en réprimant un sourire condescendant.

Ils sursautèrent si haut en me voyant que je faillis moi-même crier de surprise. D’accord j’étais furtif mais tout de même ! Ils n’avaient sans doute jamais vu d’elfe de la nuit, et certainement aucun avec autant de classe que moi. Des bottes de cuir noires pour la furtivité, un pantalon noir en cuir pour la minceur, des gants de cuir noirs pour la précision, un pourpoint noir en cuir pour me fondre dans les ombres ; et un petit joyau azur sur ma dague comme rappel de mes longs cheveux bleus. Tant d’originalité avait dû leur sauter aux yeux en comparaison à leur propre équipement hétéroclyte que je toisai dédaigneusement. 

Quand ils finirent par comprendre que je n’étais pas un ennemi et que je poursuivais la même quête qu’eux, ils acceptèrent de joindre leurs forces à la mienne pour tailler dans le lard des gnolls. La subtilité ne semblait pas faire partie de leurs compétences.


Je ne fus pas déçu. Les guerriers foncèrent dans le tas comme s’ils chassaient de vulgaires sangliers sans défense. Mais cela s’avéra plutôt efficace, et confirma ma première impression sur l’inutilité de la race gnolle. La suite ne fut qu'un enchaînement de coups de taille et d’estoc dans une cacophonie de jappements et le sang des monstres vint s’ajouter à la saleté environnante. 

Après quelques minutes de carnage, nous réalisâmes que nous avions atteint la rivière à l'autre bout du camp. Lardeur était invisible et seuls d'innombrables corps ratatinés nous entouraient. Du beau travail. Pour être tout à fait exact, il restait un petit groupe de gnolls, cachés derrière une tente. Mes deux comparses, en pleine furie sanguinaire, s'empressèrent de les charger en hurlant avec virilité. 

A ce moment précis, Lardeur déboula de derrière un arbre, encore plus hideux et menaçant que je ne l’avais imaginé. J'eus juste le temps de crier "Attention !" et de disparaître dans les ténèbres avant que le monstre ne prenne à revers les guerriers combattant les gnolls survivants. Les cris se firent moins virils et la mêlée devint confuse.


Personne ne m'avait vu mais, moi, je voyais une bataille perdue d'avance. Pendant une seconde j'hésitai à fuir pour sauver ma peau. Bah ! La couardise attendrait un autre jour, c’était le moment de montrer ce que j’avais dans le ventre (de manière non littérale).

Je m'approchai furtivement de Lardeur et le poignardai de toutes mes forces dans le dos. Ce n'était malheureusement pas suffisant pour abattre la créature. Son armure était épaisse et sa crasse plus épaisse encore. Il se tourna vers moi et tenta de me tailler en rondelles avec sa hache, en gloussant de ce rire horripilant propre aux gnolls. 

Nous ferraillâmes quelques instants et le combat tournait quand même à mon avantage jusqu’à ce que mes alliés blessés ne succombent face à leurs adversaires. Le plus jeune, épuisé, fut renversé par plusieurs gnolls qui l’achevèrent à coup de crocs sous le regard ahuri de son ami qui mangea un vilain coup de hache dans la mâchoire avant de terminer sa vie dans un gargouilli de guerre désespéré.

Seul contre tous il ne me resta plus que ma concentration et mes compétences. Un beau spécimen comme moi ne pouvait pas périr face à ce genre d’ennemi de bas étage ! J'esquivai la majorité de leurs attaques grossières, bus une potion revitalisante, et me focalisai sur les points faibles de l'armure de Lardeur. Un, deux, trois, quatre, cinq. Je lus de la surprise dans ses yeux stupides quand elle tomba en pièces puis je l'éviscérai avant qu'il ne comprenne que sa fin était arrivée. Classe et méthode.

Néanmoins, alors même que leur chef mordait la poussière, les autres gnolls entrèrent en folie meurtrière et je tentai courageusement de m'enfuir. Ralenti par mes blessures, mon sprint final fut bien trop court pour me mettre hors d'atteinte. Je sentis alors ma fin approcher avec rage et désespoir ; une fin puante et bruyante que j’avais peut-être un brin sous-estimée.



Je ne crois que modérément en Elune et la Lumière des humains me fait bien rigoler mais c'est un véritable miracle qui se produisit alors. Sous mes yeux ahuris, un puissant paladin apparut de nulle part et écrasa mes ennemis à grands coups de marteau, comme de simples mannequins de paille. Que faisait là un personnage de ce rang, je n’en avais aucune idée et pour tout dire je m’en fichais pas mal. Les gnolls auraient dû être en train de déféquer sur mon cadavre en riant à cet instant précis mais cet improbable énergumène avait inversé la tendance.

Encore bouleversé d’avoir frôlé la mort de si près, je me laissai soigner sans un mot par le paladin. Puis, comme si un prodige en amenait un autre, il implora à nouveau la lumière et les deux guerriers revinrent à la vie. Sonnés, couverts de sang, de boue et d’autres substances non identifiées, mais heureux, nous laissâmes éclater notre joie à grands cris.

Haha oui les amis, bravo ! 

Discrètement, je coupai une patte de Lardeur alors que les humains démarraient une ridicule danse de la victoire, puis je filai en douce. Il fallait que je retourne à Comté-de-l'Or avant eux pour réclamer la récompense. 


Vous ne croyiez quand même pas que j'agissais par pure bonté ?

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