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Les Ombres de Zul'Gurub

Par Ephira#576
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Zanzili

Les ongles noirs du troll émirent un crissement désagréable en frottant sur la pierre du rempart. Presque malgré lui, il serrait les poings. A ses pieds, devant la herse épaisse, un groupe d'aventuriers riait aux éclats. Agacé, il fronça les sourcils, qu'il avait fort épais.

On verrait bien s'ils trouveraient toujours leur situation risible, une fois qu'ils auraient pénétré dans la forteresse de Zul'Gurub...

Son souffle se fit légèrement chaotique, alors que la lueur de folie caractéristique s'allumait dans ses yeux cruels. Les rires... Ces imbéciles ne pouvaient-ils pas cesser de ricaner ?

Sa vie entière avait été placée sous le signe du rire. Il fallait que cela s'arrête.

*

Déjà dans sa jeunesse, bien avant l'accident, il avait été raillé, méprisé, jalousé... Sa propre tribu, les féroces Casse-crânes, le craignait et le rejetait.

Comment auraient-ils pu tolérer un sorcier-vaudou qui osait souiller la magie ancestrale en y mêlant cette discipline complexe connue sous le nom d'alchimie ? Et, pire que tout, un sorcier qui tirait de cette profanation un pouvoir sans égal ?

Un être à part, tel que lui, ne pouvait que s'attirer des ennuis. Et cela n'avait pas manqué d'arriver. Nombre de ses frères avaient secrètement rêvé de le faire payer pour l'utilisation impie qu'il faisait des maléfices traditionnels.

Alors, pourquoi ne l'avaient-ils pas tué, tant qu'ils le pouvaient encore ? Tant qu'ils en avaient l'occasion ? Il était jeune. Puissant, mais encore inexpérimenté. S'ils avaient agi plus tôt...

Mais ils ne l’avaient pas fait. C'était une erreur. Pas des moindres.

Et, pour cela, il leur en voulait terriblement.

Il sortait à peine de l'adolescence lorsque l'accident s'était produit. Comme à leur habitude, les jeunes trolls étaient venus le trouver dans la hutte qu'il appelait crânement « son laboratoire ». Comme à leur habitude, ils s'étaient joués de lui, brisant ses flacons, mélangeant ses poisons, saccageant son irremplaçable refuge, sous ses yeux impuissants.

L'idée de leur jouer un mauvais tour lui avait paru, sur le moment, excellente. Se mettant en travers de leur chemin, il leur avait ordonné de reculer et de ne surtout pas s'approcher de son chaudron bouillonnant. Il avait prétendu que l’élixir sur lequel il travaillait devait permettre d’accroître la force et la résistance de son consommateur.

Grâce à ce breuvage, il offrirait à son clan une suprématie manifeste lors des combats contre les autres tribus de la région.

Comme il les avait suppliés, implorés de ne pas renverser sa précieuse mixture !

A vrai dire, le troll ignorait tout des propriétés sa potion. Cela faisait partie du jeu : mélanger des ingrédients improbables, sans but précis... Il tirait de nombreux enseignements des résultats obtenus, apprenant ainsi au gré des facéties du hasard.

Alors, tandis que le cadet de la bande, Jin'do, l'emprisonnait de ses bras noueux, les autres avaient bu de tout leur soûl, raillant ses pitoyables efforts pour se libérer.

Et, lorsqu'ils avaient cessé de rire, ils avaient également cessé de vivre.

Devenus des esclaves sans volonté propre, tous s'étaient tournés vers lui, le fixant de leurs yeux vides, dans l'attente de ses ordres.

L’élixir lobotomisait et asservissait ses victimes.

Passés la sensation de triomphe et le plaisir de les voir réduits à l'état de zombis, il s'était effondré : au fond de lui, il savait que ces trolls ne pourraient être sauvés. Trois Casse-crânes venaient de périr par sa faute. Personne ne croirait à ses excuses, et la théorie de l'accident serait écartée d'un  geste nonchalant...

Le reste pouvait facilement être deviné. On le jugerait pour trahison... Les chefs de la tribu y verraient une occasion de se débarrasser de lui, l'alchimiste renégat. Le troll trop talentueux, trop curieux... trop dangereux.

En un sens, il espérait qu'on le condamnerait à mort. Sa sorcellerie altérée s'était retournée contre lui, comme tout un chacun le lui avait prédit. Une véritable honte pour sa famille. Pour son clan. Pour l'ensemble du peuple troll.

On citerait son nom pendant des éons pour rappeler aux apprentis sorciers-docteurs qu'on ne trichait pas avec le vaudou.

Et pire, pire que tout, il savait qu'il recommencerait. Cette nouvelle forme de magie le fascinait presque autant qu'elle le dégoûtait. Il y aurait d'autres victimes. De toutes races. Il fallait qu'il sache. Et peu importe le prix que cela devrait lui coûter.

Cependant, et contre toute attente, sa tribu lui avait refusé la douceur d'une fin rapide, se contentant de le condamner à l'exil. Ils avaient fait de lui un paria. Un troll solitaire.

Il avait considéré les Casse-crânes avec mépris. Derrière cette fausse clémence, il avait lu dans leur jeu. Pour eux, il n'était qu'une arme. Une arme trop menaçante pour la garder chez soi, certes. Mais trop prometteuse pour être détruite. Nul doute n'était permis : si le clan venait à avoir besoin de ses services, son exil serait levé à l'instant.

Son mépris s'était lentement mué en une haine pure et profonde.

Assurément il était un monstre. Mais sa propre tribu, elle, cachait, derrière un apparent respect des anciens, un opportunisme impie qui le mettait hors de lui.

Fuyant dans la jungle profonde de Strangleronce, sous les menaces, les quolibets et les crachats, il avait sombré dans le désespoir. A plusieurs reprises, il avait tenté mettre fin à sa vie.

Il en avait été incapable.

Dans sa tête, une petite voix insidieuse exigeait qu'il poursuive les expériences.

Et, tout aussi indigne de vivre qu'il pensait être, il n'avait cessé de donner naissance à des zombis. Ses enfants. Des créatures stupides, faibles, ramenées des morts pour l'accompagner dans son existence d'exilé.

Tout ce qu'il méritait. De toute façon, il ne se jugeait plus digne d'une meilleure compagnie.

Leurs chuchotements affamés, pressants, avides de le servir, résonnaient sans cesse à la lisière de sa conscience.

Mais, malgré son dégoût et sa folie croissante, il s'était réfugié dans cet univers dont il était le maître absolu et tout-puissant.

Dans les ruines qui parsemaient la jungle, lentement, presque malgré lui, il s'était constitué une armée. Une part de lui rêvait de vengeance. Une autre ne demandait pas mieux que de se noyer dans les vapeurs hallucinogènes de ses chaudrons.

Lors de ses rares moments de lucidité, il avait maudit sa faiblesse, décapitant brutalement ses créatures par dizaines, à grands renforts de cris de rage. Les morts-vivants ne bronchaient pas, et il se sentait d'autant plus misérable qu'il était incapable de les détester. Ses fils. Sa famille.

Quand il avait eu vent de la chute de Zul'Gurub, il s'était contenté d'un haussement d'épaules. Le sort des Gurubashi lui importait peu. Tout au plus avait-il été amusé d'apprendre que son vieil ennemi Jin'do avait été massacré par un groupe de héros vertueux.


Cependant, lorsque Jin'do était revenu à la vie et l'avait contacté, il n'avait su résister. Sa curiosité avait eu raison de sa méfiance.

Sans surprise, le troll, qui avait grand besoin de son aide, lui proposait d'effacer l'ardoise en échange de sa participation à la réouverture de Zul'Gurub. Tôt ou tard, il savait que ce jour arriverait. Et le temps avait eu raison de ses réticences.

Ses scrupules avaient disparus, laissant place, au fil du temps, à un troll nerveux, paranoïaque, psychotique et sadique.

Désormais, seule importait une promesse : dans la capitale des Gurubashi, il serait libre de s’adonner à ses expériences. On lui offrait enfin la reconnaissance dont il rêvait.

A la demande de Jin'do, ses élixirs avaient donc relevé les gardiens de Zul'Gurub.

*

Au sommet des murailles, surplombant l'entrée de la capitale, le troll fébrile retenait difficilement une nouvelle crise de démence. Les chuchotements de ses enfants l'exhortaient à la colère, au plus profond de son esprit.

Les aventuriers, inconscients du danger qui les guettait, riaient toujours.

La voix du troll, montant dans les aigus, frôlait l'hystérie, et se répercuta sur les remparts de pierre jaune, étrangement menaçante :

- Uh ! Vous aussi vous êtes venus vous moquer de Zanzil ? Non ! Plus maintenant ! Vous me le paierez ! 

Il les jaugea, le regard fiévreux. Ces cinq-là feraient des esclaves de premier choix.

Les tout premiers d'une longue série.

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