Fanfiction World of Warcraft

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Le complot des Oligarques

Par LetoNeyris

Chapitre 1 : Fin de la bataille ! Début de la guerre !

Chapitre 2 : Une vérité dévoilée ! Mentir ou mourir !

Chapitre 3 : La fin de Darkshire ! Protégeons Lakeshire !

Chapitre 4 : Le chasseur au grand coeur ! Un assaut difficile !

Chapitre 5 : Situation critique ! Darkangles vs Zlager !

Chapitre 6 : Le concert de sang ! Au-delà de l'épique !

Chapitre 7 : Les cendres du lendemain ! Le vrai visage de Katrana Prestor !!

Des milliers de corps jonchaient la Vallée de Strangleronce, mais Aldrion ne les regardait pas. Avalant à petites gorgées sa fiole de vie, il laissait sur ses lèvres des traces rouge vif qui trahissaient les blessures qu'on lui avait infligées et qu'il tentait de résorber au mieux. Il se demandait encore pourquoi les Trolls de Zul'Gurub avaient attaqué Darkshire alors que jusqu'ici la paix avait régné sur le continent d'Azeroth. A part quelques escarmouches, personne n'avait encore osé attaquer ainsi les humains de front.

Caparaçonné de métal, Aldrion y restait engoncé, l'oeil aux aguets, de peur qu'un troll ne s'extirpe tout à coup du charnier. Son camp était à huit kilomètres au nord, mais il ne savait pas s'il pourrait le rejoindre : on l'avait laissé pour mort. Il était tombé, écrasant douloureusement son visage sur le sol, son casque roulant au loin. Il avait sombré au plus fort de la bataille, son corps recouvert peu à peu par des cadavres manquant de l'étouffer. Mais le monticule avait formé une sorte de bulle autour de lui, lui permettant de respirer et le rendant invisible aux yeux de l'ennemi. Il s'était extirpé du monticule de chair en hurlant, maudissant les instigateurs de cette nouvelle folie alors que la bataille était terminée depuis longtemps.

Maintenant il était un peu à l'écart, finissant sa fiole. Il la remit dans une de ses bourses et se promit de la remplir dès qu'il serait de retour à Stormwind. Son armure lui pesait, mais il n'osait l'enlever. C'était là le meilleur moyen de se retrouver avec une lame plantée dans le dos. Tout à coup, Aldrion vit un être porteur d'un bâton s'arrêter à quelques mètres de lui. Son regard s'habitua à la soudaine apparition même si le soleil, placé dans sa ligne de vision, le gênait.

- Eh l'ami, lança-t-il.

L'autre se tourna doucement, la main enserrant plus fortement le bâton. Un homme à la barbe noire mais aux tempes grisonnantes, portant tissus flamboyants et colifichets magiques se fit jour : un prêtre. Ses yeux étaient verts et ses pupilles étrangement fendus.

- Pouvez-vous me soigner ? demanda Aldrion.

- Cela n'est pas donné l'ami, rétorqua l'autre.

- Quoi ? Mais n'est ce pas aux prêtres de prodiguer gratuitement des soins pour les hommes aux combats ?

- Je ne fais partie d'aucune corporation, je ne suis affilié à aucune cité, ni à aucune guilde. Je monnaye mes services. Et en plus, n'es-tu pas paladin toi-même ? Ne peux-tu te soigner ?

- Je suis épuisé. Je n'ai plus de fiole de mana. Je dois attendre que mes forces reviennent et il me restait juste une petite fiole de vie.

- Il fallait être plus prévoyant l'ami.

Le prêtre sortit une baguette d'un des replis de sa bure. L'énergie crépita autour du saphir implanté dans le réceptacle.

- Que... que fais-tu ? menaça Aldrion faisant mine de se lever.

Il n'en eut pas le temps, la foudre frappa sa tête de plein fouet. Il tomba à terre. Dans un flou douloureux, il entendit l'autre lancer une incantation de guérison. Puis il sombra à nouveau dans un gouffre sans rêve.

Quand il se réveilla, Aldrion était dans les herbes hautes sous les arbres. Il faisait nuit. Maudit prêtre, pensa le paladin. Il y avait encore des charognards pour ramasser les derniers morceaux du festin sanguinolent. En tout cas, le jeune homme se sentait au moins en pleine forme et bien plus léger. Il découvrit bien vite pourquoi : l'autre l'avait délesté de l'ensemble de ses sacoches. Il ne lui restait que son armure et une dague à la lame émoussée. Les bruits de la faune parvinrent aux oreilles du paladin, un tigre hurla au loin. Bon sang, où était-il !? Entre les gobelins, les trolls, les raptors, les animaux sauvages et les bandits de Kurzen, il n'était à l'abri de rien, surtout s'il ne rejoignait pas son campement.

Il marcha quelques mètres avant de croiser une patrouille de trolls Skullsplitter. Il eut juste le temps de se plaquer contre un arbre puis de se bénir pour réduire la menace. Etait-ce des survivants de Zul'Gurub ou des mercenaires venant du sud ? Aldrion frissonna quand il se rendit compte que les premiers démons n'étaient que l'avant-garde d'une troupe plus importante : ils étaient des milliers. Darkshire s'était à peine remis de leur soif de sang : hommes, femmes, enfants, personne n'avait été épargné, avant que les soldats d'élite de Stormwind arrivent enfin en renfort et les repoussent jusqu'à leur forteresse.

Il avait fallu un mois avant d'envahir enfin Zul'Gurub : Mages, Guerriers, Paladins, Prêtres, Voleurs, du Caporal au Connétable, avaient lancé l'assaut final, les tours fières s'écroulant sous les boules de feu et de glace des magiciens, les trolls succombant aux coups d'épées des plus grands combattants. Tout avait été permis pour étouffer à jamais cette tentative d'enflammer le continent. L'épisode douloureux de la Légion Ardente restait encore ancrée dans l'esprit de beaucoup et une guerre totale devait être évitée, quitte à exterminer, quitte à se tâcher les mains de sang.

Des milliers de Trolls déferlaient sur Darkshire à nouveau, première étape avant Lakeshire, Goldshire puis Stormwind. Mais même une armée ne ferait pas le poids face aux défenses de la capitale.

Aldrion se bénit encore pour ne pas être repéré puis se recroquevilla. Il aurait pu en tuer deux, trois, peut-être quatre... mais pas mille. Alors qu'ils s'éloignaient enfin, le paladin expira lentement, se pensant presque sauvé avant qu'une flèche ne se plante dans l'arbre derrière lui à quelques centimètres de son visage. Il mit la main sur son arme mais elle faisait pâle figure. Il entendit un grognement, un loup sortit du fourré. Aldrion s'apprêtait à bondir, mais il y avait quelqu'un d'autre dans l'ombre prêt à lui décocher une autre flèche.

- Je suis de l'Alliance ! cria le paladin.

Si c'était un Hordeux, celui-ci ne comprendrait rien, mais il serait en danger. Si c'était un Allié, il serait sauvé.

- Kitsuné ! cria une voix.

La bête recula doucement en geignant, tandis qu'une Elfe sortait de l'ombre, un arc à la main.

- Bon sang, je pensais que c'était encore un troll, siffla la chasseuse.

- Il faut que j'aille à la Baie du Butin ! cria Aldrion. Il faut que je prenne un gryphon pour Stormwind, c'est une question d'heures !

- J'ai vu la longue ligne de flammes du haut de la tour de Kurzen, dit l'elfe. Tu peux sortir Leto, ça n'est pas un ennemi.

Une Mage, aux cheveux blonds coupés au carré, à l'allure élancée apparut également. Elle généra une boule de feu pour éclairer la scène. Aldrion put alors voir les visages aux traits fins des deux femmes.

- Bon sang Leto, dit l'elfe en tapant sur la main de la mage. Tu vas nous faire repérer.

- Tu as dit du haut de la tour de Kurzen ? demanda Aldrion. Mais il y a toute une meute de bandits là-bas.

- Nous les avons tués.

- T... tous ?

- Oui.

- Qu... quels sont vos noms ? Leto et... ?

- Aramile. Un autre de nos compagnons ne va pas tarder.

- Bon puis-je faire un peu de lumière maintenant ?

- Non Leto. Je sais bien que tu as plus d'expérience que moi mais ne prends pas de décisions à la hâte.

- Alk'Ruj Dror !

Aldrion frissonna. Les Trolls ! Ils étaient au moins vingt. C'était la fin.

- Leto !! cria une autre voix. Encore tes bêtises !

Un autre paladin, à la barbe blonde, à l'énorme moustache et aux cheveux longs, tua trois Trolls d'un coup d'épée. Leto se glissa dans la nuée, une explosion de feu envoya valser cinq autres ennemis. Aramile envoya son loup à l'attaque tandis qu'elle dégainait son arc et tirait plusieurs flèches qui se fichèrent dans les cous, les fronts ou le coeur des trolls.

Leto se téléporta juste derrière Aldrion paralysée et lui tendit une arme.

- Tiens une belle épée pour toi Paladin. Je la gardais pour m'entraîner mais elle te sera plus utile qu'à moi.

Aldrion s'en saisit sans hésiter et plongea dans le flot de la horde.

- Gardez en un vivant ! cria-t-il.

Un Troll entailla la belle robe de Leto, le sang coula vite endiguée par un sort de soins de l'autre paladin.

- Recule Leto, cria ce dernier.

- D'accord Holfroy, accepta la mage à contrecoeur.

Holfroy bénit ces partenaires avant de retourner à l'attaque. Kitsune déchiqueta son dernier ennemi, tandis qu'Aramile roulait à terre évitant un assaut avant de décocher une flèche meurtrière.

- Zul'Rak Dar ! hurla un Troll.

L'épée de Holfroy se ficha dans son crâne pour le faire taire. Aldrion n'en croyait pas ses yeux. A quatre, ils allaient réussir à se débarrasser de vingt ennemis. Quand il n'en resta qu'un, Aldrion se mit en travers des autres et fonça sur l'ennemi.

- Je le veux vivant ! cria le paladin.

Alors que le Troll tentait de s'enfuir, Leto se téléporta juste devant lui pour lui couper la route et lui décocha un Choc de Feu qui le propulsa presque dans les bras d'Aldrion. Kitsune sauta sur l'ennemi manquant de lui fracturer les côtes, l'autre hurla lâchant son arme qu'Aldrion récupéra et mit à sa ceinture.

- Merci à tous, dit-il. Maintenant nous allons savoir qui pousse les Trolls à être si bellicistes ces derniers temps.

Aldrion rendit son arme à Leto tandis que tout le monde se présentait. L'autre se remit à hurler.

- Zul'Rak Dar ! Zul'Rak Dar !

- Allons, dit Aldrion. Depuis le temps que tu es en Azeroth, tu dois bien parler un peu de « Commun ».

- Zul'Rak Dar !

- La victoire au nombre, traduit Aramile. Enfin c'est à peu près ça je crois.

- Tu connais sa langue ? demanda le paladin. Tu as un léger accent, tu es de... ?

- Darnassus.

- Ah oui je comprends mieux.

Holfroy rengaina son arme de manière prononcée.

- Il ne parlera pas, dit-il. Ils sont fanatisés.

- Et bien, il pourrira dans la prison de Stormwind, dit Leto. Là-bas ils trouveront bien comment le faire parler.

- Si c'est pour le torturer..., dit Aramile. Je n'approuverai jamais les méthodes humaines.

- Zul'Rak Dar ! cria le Troll.

- Mon Dieu, faites-le taire, siffla Leto.

L'ennemi fut solidement attaché puis bâillonné.

- A quoi servira de le faire avouer quoi que ce soit, demanda la Chasseuse, si nous ne comprenons pas ce qu'il raconte. Il faudrait mieux l'emmener à Darnassus. Je préviendrai les autorités qui essaieront de...

- Je n'ai plus de temps à perdre, coupa Aldrion. Je dois me hâter pour aller à Stormwind.

- Inutile, dit Leto. Je vais t'invoquer un Portail qui t'emmènera directement à la capitale.

- Par quel prodige ?

- Ma foi, tu ne connais pas bien notre caste si un portail te surprend.

Leto prit une rune de téléportation dans un petit sac, puis elle écarta les bras lentement avant que ses mains ne s'entourent d'une aura bleutée translucide. Quand elle les réunit en un point, le portail apparut et la rune se dissout. Aldrion reconnut alors le quartier commerçant de la capitale dans un ovale trouble. Il tendit ses doigts vers l'étrange apparition et se sentit aspiré. Il retira sa main.

- C'est ici que nos chemins se séparent, dit Holfroy. Nous allons emmener le Troll à Darnassus. Nous te tiendrons au courant.

Ils se serrèrent la main, puis Aldrion traversa le portail, heureux de retourner chez lui mais le coeur alourdit par la nouvelle qu'il allait devoir annoncer.
Aldrion s'écrasa au milieu de la fosse sur d'autres corps déjà morts ou supposés morts. La vue du jeune homme était trouble mais il parvint à percevoir ses bourreaux se gaussant de son sort. Les cheveux noirs du paladin étaient maculés de son sang. Il essaya de lever une main vers le ciel mais elle retomba avec lourdeur sur les corps épars. La fosse se referma dans un cliquetis mortel, Aldrion se retrouva prisonnier des ténèbres. Ses bourreaux n'avaient même pas jugé utile de l'achever. Il avait dit une vérité que le pouvoir ne souhaitait pas entendre, une vérité que certains préféraient voir terrée pour un dessein que le paladin ne saisissait pas.

A chaque heure qui passerait désormais, une couche de corps dans le fond de la fosse serait broyée et servirait d'engrais pour redonner à la terre sa vigueur passée. Aldrion bougea un doigt mais il sentit que ses blessures se rouvraient. Un corps vibra sous lui, très légèrement, mais cela suffit pour éveiller un frisson d'horreur dans son dos. Il ne devait pas mourir, il fallait qu'il empêche Katrana Prestor de parachever ses plans, quels qu'ils soient :

Il était arrivé à Stormwind dans le quartier marchand. Personne ne s'était inquiété de sa brusque apparition, chacun trop affairé à négocier une bonne affaire. Aldrion s'était dirigé d'un pas rapide vers le donjon de la capitale. A son entrée, deux puissantes lames s'étaient mises en travers de sa route. Il avait alors expliqué l'objet de sa visite mais ça n'était pas le roi qui avait bien voulu lui accorder audience mais Dame Prestor, son éminence grise.

- Qu'avez-vous donc raconté à mes gardes ! commença-t-elle légèrement sur la défensive.

- Ma Dame, l'Alliance est en grand danger. Une nouvelle armée de trolls se dirige vers Darkshire.

- Allons, que me comptez-vous là, les Trolls de Zul'Gurub ont été repoussés et anéantis.

- Il faut croire qu'ils leur restaient des ressources, Ma Dame. Nous devons envoyer des hommes à Darkshire pour prévenir une nouvelle attaque.

- Rappelez-moi votre régiment, Paladin Aldrion ?

- J'ai été affecté au huitième groupe de raid, Ma Dame.

- Comment se fait-il que vous soyez le seul à me rapporter de tels faits ?

- J'ai été laissé pour mort sur le champ de bataille, Ma Dame. Je dois être un des rares témoins à avoir aperçu cette nouvelle armée.

- Un des rares dites vous ?

- Oui Ma Dame. J'ai été agressé par une faction de Trolls mais trois aventuriers courageux, Aramile, Holfroy et Leto m'ont porté secours. Nous avons capturé un ennemi qu'ils ont envoyé à Darnassus afin de le faire parler.

- Bon Sang ! cria Dame Prestor en tapant du poing sur la table ce qui fit sursauter Aldrion.

- Ma Dame ?

- Pauvre imbécile ! cria-t-elle alors que la couleur de ses yeux se modifiaient et que ses pupilles se rétrécissaient prenant un éclat vert.

- Aldrion voulut mettre la main sur le pommeau de son arme mais tout objet dangereux lui avait été retiré avant l'entrevue. Quatre gardes cuirassés pénétrèrent dans la pièce.

- A cause de vous, hurla Prestor, nos relations avec les elfes vont se distendre ! Gardes ! Jetez cet homme dans la fosse. Il paiera pour les autres.

Aldrion aurait pu se défendre mais il était complètement abasourdi par la réaction de Katrana Prestor. Il était certain qu'elle aussi complotait à la destruction de Stormwind. Mais pourquoi ? Il avait échoué sans avoir pu se mesurer à elle. Il ne méritait pas la mort affreuse qui l'attendait, il aurait voulu au moins redonner espoir à l'Alliance.

Autrefois, il avait parcouru de grandes forêts envahies par les loups, vaincu les Gnolls des Carmines, mis à mal les Gardiens des Moissons déréglés et il allait mourir là comme un paria dans cette fosse commune, sans avoir pu comprendre.

Alors que ses membres s'engourdissaient peu à peu, il sentit un choc rude et s'enfonça un peu plus dans la fosse avec les autres corps. Il allait mourir comme un chien sans l'ombre d'une chance.

Un rayon de lumière pénétra alors l'endroit. Un pan du ciel apparut. Une échelle de corde tinta sur les parois pour se poser en douceur près du tas humain. Une jeune femme aux habits gris descendit et se posa avec précaution sur un des hommes qu'elle jugeait mort puis elle tâta les lieux avec un bâton. Son périple était accompagné d'une litanie :

- Quelqu'un ? Il y a quelqu'un ? répétait-elle tout en marchant avec précaution.

Quand le morceau de bois heurta le corps d'Aldrion, celui-ci s'en saisit avec le peu de force qu'il lui restait. La jeune fille réprima un cri avant d'appeler :

- Venez !! J'en ai trouvé un !

- Une corde fut lancée et la petite l'attacha autour du torse du paladin.

- Il faut que vous vous accrochiez encore, murmura-t-elle à l'oreille du guerrier. La remontée va être rude.

Aldrion se sentit soulevé brutalement. Il hurla, un cri qui résonna atrocement dans les oreilles de Sicky qui continua à chercher des vivants dans le tas de chair humaine. Son village avait besoin d'hommes. Si on les surprenait, c'en serait terminé de leur combine et de leur vie. La horde de Yowler était cruelle mais il fallait prendre des risques pour compenser les vies qu'ils ravissaient. Un autre corps hulula sous les pieds de la jeune femme. Sicky lui caressa la joue et le réconforta par des paroles douces. Elle attacha aussi une corde autour de l'homme et celui-ci émit un long gémissement quand il fut tiré. Sicky effectua un dernier tour de vérification avant de remonter par l'échelle de corde.

Archy les accueillit en haut de la fosse. Tout en muscles, il saisit avec puissance mais maîtrise les deux corps l'un après l'autre et les déposa dans le foin qui reposait dans la carriole. Puis Sicky et lui prirent place à l'avant avant que les chevaux ne démarrent en hennissant.

La route descendait rudement, entourée de quelques arbres épars. L'odeur du Mage Royal et des Fleurs de Feu firent palpiter les narines d'Aldrion. Il était tout proche des Steppes Ardentes. Sicky regarda les deux passagers à l'arrière : Aldrion était livide, ses lèvres balbutiaient des choses incompréhensibles, l'autre avait les membres disloqués, pantin informe qui tressautait de temps à autre. Sicky s'était habituée à ces scènes d'horreur. Elle avait vu des bras et des jambes séparés de leur tronc, des tripes sortant de leur ventre. Elle serra les paupières très fort pour oublier. Elle était la plus légère, celle qui ne risquait pas de s'enfoncer dans l'amas de chair humaine et finir comme engrais dans les jardins de Yowler. On disait que ce dernier était lui-même aux ordres d'une femme, une sorcière aux pouvoirs inhumains. C'était sans doute vrai car comment expliquer qu'il ait réussi à étendre son emprise sur une bonne partie des Carmines. Ces démons se pâmaient dans la luxure et la frivolité tandis que des gens comme elle ou ceux de son village travaillaient dur pour les engraisser sans qu'ils ne puissent espérer le moindre égard.

La carriole pénétra dans le village, vaste enceinte cerclée de rondins de bois. Sirky poussa un soupir de soulagement. Immédiatement, les deux corps furent transportés dans la bâtisse du patriarche. Le vieil homme ne dérogeait pas à l'antique tradition : longs cheveux blancs, barbe en pic, corps scabreux et décharné. On disait que toute la force des patriarches reposait dans leurs mains, qu'ils gardaient fines et élancées. Aldrion et son compagnon d'infortune furent posés sur des lits à l'armature de métal et au matelas rempli de foin. Le paladin sentit à peine la brûlure quand on le déplaça. Son corps finit par s'apaiser et il crut qu'il sombrait dans le tourbillon de la mort. Il ne sentit même pas les mains du patriarche, maculées de tâches sombres se poser sur ses tempes, puis caresser son corps aux muscles anguleux, mis à mal par de nombreuses blessures.

Peu à peu, Aldrion vit ses forces lui revenir. Quand il reprit vraiment conscience, une petite fille d'environ quatorze ans était en train de lui faire boire une fiole au liquide luminescent. Il passa une main faible et lente sur sa peau mais ne sentit que les bandages recouvrant son torse. La petite fille s'assit doucement au bord du lit. Aldrion tenta de se redresser mais elle l'en empêcha.

- Où... où suis-je ? demanda le paladin d'une voix éraillée.

- Tu es au village Sagamis. Je m'appelle Sicky et j'ai été chargée de veiller sur toi et l'homme là-bas.

Aldrion tourna difficilement sa tête pour voir un autre humain dormant (ou comatant) sur un lit identique au sien.

- Mer... merci, dit Aldrion.

- Oh, ne me remercie pas, parce que quand tu iras mieux, il faudra travailler.

Le jeune homme acquiesça. Sicky passa une main dans les cheveux soyeux du paladin. Celui-ci sentit le contact glacé d'une matière visqueuse s'étalant sur son crâne.

- Ne t'inquiètes pas, dit la petite femme, c'est un produit de druide.

Aldrion, suivant Sicky du regard, vit qu'elle prenait le même soin à s'occuper de lui que de son compagnon d'infortune. Avec une perception nouvelle, le guerrier sentit ses cheveux qui collaient dans son dos.

Il n'avait rien pu faire contre Katrana Prestor et sa garde d'élite. Il avait tenté d'éviter les premières lames mais elles s'étaient plantées douloureusement dans sa chair, traversant son armure comme du beurre.

- Ne le tuez pas ici, avait ordonné Prestor. Donnez-le aux hommes de Yowler, ils iront nourrir sa fosse. Il serait peu inopportun qu'on retrouve le corps de paladin par ici.

Il se souvenait à peine de ceux qui l'avaient saisi ensuite, pour finalement le jeter dans la fosse. Il tenta encore une fois de se redresser mais Sicky intervint. Il devait sauver l'Alliance, prévenir le Roi ! Il avait dit la vérité mais il aurait dû se taire. Il ne pouvait plus avoir confiance en ceux qui les dirigeaient. Il devrait désormais user du mensonge car la vérité avait failli le faire mourir.

Les jours passèrent. Aldrion restait amorphe dans son lit. Son compagnon de chambre avait disparu, remplacé par une nouvelle arrivante : une jeune Elfe violette, très belle, aux oreilles longues et terminées en pointe. Elle semblait mal en point et seul son visage et ses longs cheveux bleus échappaient aux affres des pansements. Les Elfes étaient plutôt rares dans la région. Elle avait dû faire un long voyage pour arriver jusqu'ici.

Lorsque Sicky vint le voir, Aldrion manifesta le besoin de marcher. Il n'articulait pas encore correctement et certains de ses mots ressemblaient plus à des borborygmes barbares. Sicky le prit par les épaules et l'appuya sur son dos. Le bras ballant du guerrier sentit la poitrine naissante frémir sous le poids de son corps.

- Tu te sens capable de marcher tout seul ? demanda Sicky.

- Vous ne possédez donc pas de fiole de guérison ?

- Tout cela est cher et se trouve dans les grandes villes. Nous n'avons pas d'or.

- Je pense que je vais pouvoir...

Aldrion tendit sa main, faisant tourner légèrement son poignet. Il leva son bras et fut recouvert d'une petite poussière dorée. Le paladin retrouva sa motricité, mais titubait encore, ses cheveux noirs effleurant son regard. Il saisit une mèche avec ses lèvres et l'emprisonna dans sa bouche. Etrangement, ceci lui permit de se stabiliser. Il fit un pas puis deux et parvint à la fenêtre. Dehors, des gens s'affairaient à coudre des vêtements, ramasser de la nourriture dans les petits jardins ou à laver du linge. Le village était constitué de maisons de bois aux différents tons, sur l'une des maisons, Aldrion reconnut la couleur de l'acacia, sur l'autre celle du chêne et puis celle de l'araucaria à l'étrange couleur mordorée. Un peu en contrebas, le paladin aperçut une haie d'arbres fruitiers. Le village respirait le calme. Pourtant les gens semblaient inquiets, même la bonne humeur que certains affichaient ne parvenait pas à entamer l'étrange malaise qu'Aldrion ressentait maintenant, renforcée par cette curieuse bâtisse en ébène noire surplombant toute la communauté, étalant son ombre sur les consciences. Sicky tira sur le vêtement du paladin.

- Tu as assez vu, dit-elle. Retourne te reposer.

Aldrion détourna la tête :

- Qu'est devenu... celui... avant... elle ? articula-t-il difficilement en montrant d'un mouvement de tête la jeune elfe.

- Il est mort il y a deux jours.

Aldrion sentit son coeur bondir plus avant dans sa poitrine. Il aurait pu sauver cet homme ! Il s'étala sur son lit. L'elfe semblait dormir d'un sommeil tranquille malgré les nombreuses blessures qu'elle avait dû subir. Son visage était gracieux, de petits tatouages en forme de lignes épaisses détouraient ses yeux. Ses paupières étaient élancées et ses sourcils aussi bleus que ses cheveux. Aldrion, perdu dans sa contemplation, en aurait presque oublié Sicky qui s'affairait à changer certains de ses pansements qu'il portait en moins grande quantité.

- Arrête, demanda le paladin se saisissant de la main de la petite femme. Je vais me soigner seul maintenant.

- Peut-être bien, mais on m'a donné un ordre, répondit-elle. Le village a besoin d'hommes forts et il en manque beaucoup à cause de Yowler, alors les femmes se retrouvent seules et comme elles ne peuvent pas tout faire...

- C'est bien Sicky ton prénom ?

- C'est ça.

- Qui est cette Elfe ?

- Je ne sais pas. On l'a trouvée sur la route qui mène aux Steppes Ardentes. C'est la première fois que je vois cette race dans la région des Carmines. D'habitude, à part les humains, on trouve aussi des Nains Dark Iron mais on les laisse pourrir dans la fosse.

- Je vois. Et vous comptez la garder, elle aussi ?

- On ne veut pas la garder au village. Le patriarche veut l'interroger sur l'étouffante.

- L'é... l'étouffante ?

- Oui, les elfes ne se déplacent jamais sans bonne raison et celle-là vient de loin. Tu connais la légende de l'étouffante ? La fleur de vie ?

Il y avait belle lurette que les habitants de Stormwind connaissaient les propriétés de l'étouffante. C'était l'ingrédient de base des potions de vie. Aldrion fit une moue de dégoût qui n'échappa pas à Sicky.

- Qu'as-tu ?

- Rien... rien. Je me rappelais certaines choses.

- Le patriarche va bientôt venir pour s'enquérir de ton état. Si tout va bien, il a dit que tu pourrais travailler aux champs.

Aldrion ne répondit pas. Son regard s'était rivé sur les fissures de la bâtisse. Il avait mal aux bras et attendait que la douleur passe en se concentrant sur autre chose. Sicky se leva, alla s'enquérir de la santé de la jeune Elfe puis partit en faisant un signe de main à Aldrion qui le lui rendit avec quelque difficulté. Le paladin posa à nouveau son regard sur l'Elfe avant que le sommeil n'engourdisse ses membres puis annihile son esprit.
Les huit régiments (ou du moins ce qu'il en restait) avait terminé les préparatifs de retour pour Stormwind. Les pertes avaient été rudes, la moitié de l'armée envoyée avait disparu dans le carnage, mais l'Alliance avait remporté la victoire.

Le Commandant Alvin Bercar examinait une dernière fois les sacs des recrues parties dormir avant la marche du lendemain qui les ramènerait chez eux. Un émissaire était déjà allé annoncer la victoire mais le commandant gardait un sentiment d'incompréhension quant à la motivation des Trolls de Zul'Gurub. Ceux-ci savaient très bien que leur attaque était vaine. Ils ne pouvaient pas repousser les Humains avec si peu de troupes. Leur dessein réel resterait à jamais obscur.

Alvin Bercar resserra un sac, essaya de rentrer une des étoffes qui en dépassait. Quand le soleil se lèverait, on plierait les tentes et on quitterait le lieu une fois pour toute en espérant ne jamais y revenir. La jungle de Strangleronce était chaude, trop chaude quand on était habitué au climat tempéré de la forêt d'Elwynn. La tête du commandant roula au sol (ses yeux purent voir son corps s'affaisser avant de mourir), écrasée par la patte mécanique du bio-robot de Zlager, le Baron gobelin. Le monocle bien fixé à l'oeil gauche, celui-ci observait le camp encore endormi. Un autre garde au loin arrivait dans sa direction. Il allait bientôt le voir mais cela n'avait plus d'importance.

- Trolls en avant ! cria-t-il.

Une première vague envahit le camp. Les gardes sonnèrent l'alerte avant que des lames aiguisées ne leur transpercent le crâne. La deuxième vague de Trolls acheva le travail. Il ne resta bientôt plus du camp qu'un tas de corps et de tentes affaissées couvertes du sang des hommes. Etrangement, l'emplacement restait vierge du sang violet des Trolls. Zlager émit un rire de dément. Les humains étaient tombés dans le piège des Oligarques : Stormwind avait attaqué Zul'Gurub parce que les Trolls qui avaient assailli Darkshire, la première fois, portaient les vêtements et les insignes de la cité. Il fallait dire aussi que Dame Prestor avait fortement influencé le Général Marcus Jonathan pour la formation d'une milice afin de mener une expédition punitive rapide.

Il ne restait maintenant plus assez d'hommes à Stormwind pour aller protéger Darkshire puis Lakeshire. Et s'il leur en prenait l'envie, une autre mauvaise surprise les attendait.

La fatigue gagna Zlager. Il régla son bio-robot en pilotage automatique, activa le bouclier puis ordonna aux Trolls de continuer la marche tandis qu'il prenait un repos bien mérité, bercé par la marche lancinante de son prolongement mécanique.

***

Après une autre journée de convalescence, Aldrion put se soigner seul. Il reçut la visite du patriarche, qui l'examina sous toutes les coutures. Il appliqua ses doigts plus fortement à certains endroits, pour finalement constater qu'il n'y avait plus de blessures.

- Tu vas pouvoir venir travailler avec nous, dit le patriarche. Tu t'es très vite rétabli. Je n'ai jamais vu quelqu'un se remettre aussi vite de telles blessures.

- La petite Sicky, juste à côté du patriarche, trépignait doucement, tout en souriant. Elle donna de l'eau et de la nourriture au paladin qui savoura son repas.

- Sicky t'aime bien, dit le patriarche de sa voix caverneuse tout en tapotant la tête de la jeune fille.

Aldrion se leva et fit quelques pas.

- Les soins que vous m'avez prodigués ont fait de l'effet, dit-il. Je vous en suis reconnaissant.

- Tu veux venir te promener dans le village, dit Sicky en entraînant doucement Aldrion avec elle.

- Le patriarche examina l'Elfe. Celle-ci affichait un meilleur état et mangeait bien. Pourtant, elle avait l'oeil atone, comme si elle était détachée de l'endroit où elle se tenait. Sa fine chevelure tomba en cascade de mèches sur son visage et son regard s'effaça.

- Dehors, Aldrion fut accueilli par un soleil chaleureux qui baigna son corps d'une nimbe de douceur : seul la nature pouvait offrir de tels bonheurs. Ceux-ci furent interrompus par la vue de l'édifice d'ébène noir. Aldrion se bloqua. Sicky arrêta de marcher.

- Qu'as-tu ? demanda-t-elle.

- Qu'y a-t-il dans ce bâtiment ?

- C'est la nourriture. C'est aussi là qu'ont lieu les réquisitions.

- Les réquisitions ?

- Oui, la horde de Yowler qui vient nous voler régulièrement.

Sicky tendit son doigt vers le donjon au loin. Il vit l'édifice de pierres flamboyantes, qui lui rappela la cité de son enfance aux Carmines, Alyus, avant qu'un étrange conglomérat vienne l'anéantir pour marquer l'avènement des Steppes Ardentes. Cela s'était produit il y a dix ans mais les souvenirs restaient omniprésents dans l'esprit du paladin :

C'était la veille du Zarn, la fête du Dieu de la Paix, Hishyl. Tous devaient festoyer autour d'un bon repas. On croyait alors aux quatre Dieux, Hishyl, Anos, Jkaya et Hao descendus sur Terre pour apaiser les souffrances d'Azeroth. Ils avaient formé un Tétragone sacré se sacrifiant pour le préserver ce qui permit à l'humanité renaissante de conjurer la folie des quatre races qui s'étaient vouées une haine intangible pendant des siècles, en l'occurrence les Humains, les Elfes, les Nains et les Gnomes. Le Zarn célébrait le sacrifice pour la paix et le village d'Aldrion était en effervescence ce jour là, jusqu'à ce qu'ils arrivent...

L'attaque dura à peine une heure. Une armée de dragons et une armada de nains Dark Iron déferlèrent sur le village, fous assoiffés de sang qui se répandit dans le moindre sillon de terre. Le père d'Aldrion cacha son fils dans une excavation de terrain ce qui permit à l'enfant de se glisser sous sa maison et d'avoir du même coup un poste d'observation. Quand le village fut totalement « nettoyé », les chefs du raid se réunirent à quelques pas de lui. Aldrion tremblait de tous ses membres, avec une telle crainte d'être vu ou entendu qu'il se forçait à respirer le moins possible. Il inscrivit dans son esprit les visages de ceux qu'il jugeait les plus importants et dont il apprit les noms plus tard : un gobelin du nom de Zlager, Herin Strom, un humain (le commandant visiblement), visage émacié, nez aquilin, de longs cheveux noirs, des yeux plissés au bleu troublant tachetés de rouge. A ses côtés, Urbella, une Elfe noire. Ses oreilles longues et pointues cadraient avec l'ossature de son visage rectiligne. Cette femme avait l'air d'un ange, mais son âme devait côtoyer les pires démons. Mais ce qui terrifia le plus Aldrion, ce fut cette bête aux cornes de taureau, à la peau rouge et aux ailes gigantesques. Elle devait faire au moins cinq mètres de haut, son corps était énorme, composé de muscles saillants, semblant prêts à exploser au moindre mouvement, striés de grosses veinules où l'on pouvait apercevoir la circulation de son sang noir comme le charbon. Le monstre lécha son arme imbibée du sang des villageois, puis passa sa langue râpeuse sur son museau qui émettait des chuintements stridents.

- Brûlons tout ! cria-t-il.

- Ce ne sera pas nécessaire, dit calmement Herin Strom. Pas besoin de perdre de temps dans ce lieu.

- Mais il y en a sûrement encore qui se terre ! (Aldrion pâlit.)

- Vous voulez discuter de la question Lord Kazzak ?

Le regard d'Herin se glaça. Une sueur visqueuse glissa sur la joue du géant. Il avala sa salive avec fracas.

- Comme tu voudras dragon, concéda-t-il.

Herin fit un demi-tour pour s'adresser au gobelin :

- Vous vous installerez ici Baron Zlager. Le temps de pacifier la région.

- Bien Seigneur.

Herin les regarda arborant sur son visage un sourire féroce.

- Finissons de conquérir cette région, dit-il. Nous irons au-delà de ces montagnes, jusqu'à Stormwind même, une fois que nous aurons enfin unifié les armées de la vieille Légion Ardente.

Aldrion frissonna. Stormwind était la capitale des Humains, là où on disait que le Tétragone des Dieux était caché. Une main puissante pénétra alors dans la cachette du jeune homme. Celui-ci hurla mais ne put faire le moindre mouvement, paralysé par une force bien trop grande. Kazzak souleva Aldrion dans les airs pour le projeter au milieu des soldats.

- Je savais bien qu'il en restait, railla-t-il à l'encontre d'Herin Strom.

Celui-ci fixa un instant le jeune garçon. Urbella se pencha vers lui. Aldrion vit la mort se profiler dans les yeux de cette Elfe aux dents pointues.

- Allez un de moins, aboya Kazzak levant sa hache.

- Arrête !

La hache stoppa sa chute. Urbella, Zlager et Kazzak se tournèrent vers Herin.

- Tu peux partir, dit ce dernier à Aldrion.

- Comment ?! s'insurgea Kazzak.

- J'ai dit qu'il pouvait partir. Petit, je te charge d'informer Stormwind du retour de la Légion Ardente. Dis leur que leurs jours sont comptés et que la lie de l'humanité sera bientôt anéantie. Nous ne laisserons rien. Urbella !

- Oui, Mon Seigneur.

- Raccompagne cet enfant prêt de Lakeshire.

- Mais, c'est juste un villageois ! aboya Kazzak.

- Vous commencez à m'agacer. C'est la deuxième fois que vous vous opposez à mes ordres. Et vous Zlager, voulez-vous aussi vous rebeller ?

- Non absolument pas Mon Seigneur, répondit le gobelin en s'inclinant légèrement.

Kazzak laissa tomber sa hache en jurant soulevant des tombereaux de poussière ce qui fit tousser Aldrion, le tout sous le regard goguenard d'Urbella. Aldrion saisit sa chance. Il courut hors du village sans que personne ne l'en empêche. Il courut jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent. C'est alors qu'un cheval apparut sur lequel se tenait l'Elfe noire Urbella. Elle le saisit par la ceinture et cavala jusqu'aux frontières de Lakeshire. Elle le laissa tomber brutalement au sol, hésitant un instant sur la décision à prendre. Finalement, elle rebroussa chemin.

_______________


Aldrion se redressa dans son lit et saisit un des livres que Sicky lui avait prêté : « La malédiction de Mor'Ladim ». Le paladin tournait rapidement les pages jaunies par le temps, mais il n'était pas vraiment dans l'histoire. Il continuait de ressasser son passé : avant le terrible raid des seigneurs de la Nouvelle Légion Ardente, Aldrion voulait devenir ingénieur et inventer des machines qui permettraient aux hommes de vivre mieux. Cependant, ils semblaient que les Dieux refusaient le progrès à l'humanité, préférant la voir baigner dans les tripes et le sang au moins tous les dix ans. L'espoir subsistait peu sur le continent d'Azeroth. Non, la mort était le prix à payer pour ceux qui voulaient que le monde soit meilleur.

Le lendemain, Aldrion rejoignit les travailleurs du village qui l'avait recueilli. Sicky était là, tournant autour du jeune homme, admirant son endurance. Rien ne semblait entamer sa force et sa ténacité à retourner lopin de terre après lopin de terre. Néanmoins il pensait ardemment au moyen de prévenir le Roi du danger qui guettait la capitale et espérait qu'Holfroy, Aramile et Leto avaient réussi à faire parler le prisonnier Troll. Alors qu'il prenait enfin un peu de repos à l'ombre d'un arbre centenaire, Sicky vint le rejoindre.

- Que devient l'elfe qui était avec moi ? demanda Aldrion.

- Je m'en occupe bien, répondit la jeune fille. Elle sera sur pied dans quelques jours.

- Ah vraiment ? A-t-elle donné son nom ?

- Oui, mais à part ça, elle ne dit pas grand chose. Elle se contente de regarder droit devant elle.

Aldrion se frotta le menton. Ses cheveux noirs dansèrent légèrement avec le vent qui se levait.

- Quel est son nom ?

- Petitpoison.

- Es-tu sûre ? Voilà un nom peu commun.

- Les elfes ont toujours des pseudonymes étranges.

- Dis-moi, serait-il possible de lui parler ?

- Sicky eut un petit sourire :

- Si tu veux.

Le soir, elle vint chercher Aldrion discrètement au bâtiment commun. Tous les deux se frayèrent un chemin à travers les lits où les hommes se reposaient, harassés par une longue journée de travail, ne se préoccupant que de leur sommeil.

Une nuit d'étoiles éclaira le chemin d'Aldrion et Sicky. Cette dernière prit la clé correspondante à la porte de l'infirmerie qui s'ouvrit sans bruit. Petitpoison reposait les yeux ouverts, éclairée par la douce lumière de la pleine lune et celle des flambeaux extérieurs. Aldrion s'approcha et s'assit au bord du lit en évitant de le faire craquer. L'Elfe regarda l'étranger puis détourna son regard de l'autre côté sans un mot.

- Par qui avez-vous été blessée ? demanda-t-il. Dame Prestor ?

Petitpoison regarda Aldrion cette fois.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

- Je m'appelle Aldrion, je faisais parti de l'armée régulière de Stormwind qui a lancé un raid sur Zul'Gurub pour détruire une faction de Trolls rebelles. Nous avons gagné la première manche mais une nouvelle armée se dirige vers Darkshire. J'ai voulu prévenir le Roi mais Dame Prestor semble faire partie du complot.

- Je viens d'Auberdine, dit Petitpoison. J'ai été chargée par Dame Sylvanas Windrunner de convoyer des informations secrètes jusqu'à Stormwind. Comme vous vous en doutez j'ai été intercepté par les hommes de Dame Prestor.

- Quelle était la nature de vos infor...

- Alerte ! Alerte !

La vigie hurlait à l'extérieur. Aldrion et Sicky sortirent précipitamment en même temps que d'autres villageois. Ce qu'ils virent les emplit de terreur.

***

Le Baron Zlager explosa d'un rire de dément quand ses armes placées dans les bras de sa machine (en fait deux fusils d'assaut nains) terminèrent la destruction de l'hôtel de ville de Darkshire. Il ne restait rien cette fois, pas même un mur debout pour prouver l'existence de la cité. Il n'y aurait pas de survivants pour témoigner et les flammes se hâteraient de dévorer les corps où subsistait peut-être encore un souffle de vie. Lakeshire allait tomber juste après, puis Stormwind !
La flèche de Thùle se ficha avec une précision extrême dans le flan du sanglier. Celui-ci s'affaissa avec un grognement brutal. Le chasseur abrégea ses souffrances en plantant son poignard dans la bête encore chaude pour l'éviscérer avec habileté. Aista, son tigre aux dents de sabre, plongea son museau dans les entrailles du sanglier. Son repas fut interrompu par un hurlement humain.

Derrière les fourrés, Thùle vit Lakeshire et dans la descente qui amenait vers la ville, une meute de Sentinelles Dark Iron, golems sans âme au regard vide, broyant ceux qui se mettaient au travers de leur route, se diriger d'un pas mécanique vers la cité. Comment avaient-ils osé traverser la frontière invisible qui séparait les Carmines des Steppes Ardentes ? Thùle se concentra un instant pour lancer un appel mental à ses compagnons présents dans la région. Il utilisait cette habileté avec notamment les membres de sa guilde pour communiquer des informations télépathiquement. Une dizaine d'aventuriers fit écho à son alerte.

Thùle caressa son animal :

- Aista, dit-il. C'est peut-être ici que notre vie va prendre fin. Nous ne fuirons pas n'est-ce pas ? Nous ne pouvons pas fuir.

La bête grogna comme pour acquiescer. Thùle descendit la pente abrupte qui menait à Lakeshire.

***

Dame Katrana Prestor agita légèrement le vin qui restait dans le creux de son verre, puis le porta à ses lèvres. Les derniers délices de la boisson se répandirent dans son palais. Des courtisans trépignaient dans la salle du trône guettant une émotion en leur faveur de la part de l'éminence grise du Roi. Voilà près d'un an que celui-ci n'avait pas paru et cela était tout à fait normal, puisqu'il croupissait dans les geôles de l'île d'Alcaz au nord de Théramore. Les rebelles qui avaient découvert la traîtrise, comme Réginald Windsor, comptaient aussi les jours dans les cachots des profondeurs de Blackrock, surveillés par les nains Dark Iron. Dame Prestor n'accordait que peu d'importance aux courtisans, qu'elles considéraient comme de pâles copies d'insectes, viles sangsues attendant une faiblesse de sa part pour se ruer sur elle et la poignarder dans le dos. Ce qui l'intéressait, c'était l'or qu'ils pouvaient lui offrir pour continuer à mettre ses plans en place. Elle avait déjà convaincu la majeure partie des Oligarques de Stormwind de lui fournir des fonds pour qu'à nouveau la suprématie humaine règne sur Azeroth.

De sa main lisse et fine, elle remit ses cheveux bien en place. Son nez d'aigle, renforcé par un visage sans émotion, contrastait avec des traits à l'apparence fragile. Même si son corps ne dégageait aucune puissance, aucun guerrier n'aurait pu rivaliser avec elle.

C'est en visitant les moindres recoins des deux continents de ce monde qu'elle avait pu acquérir une telle puissance, ne reculant devant aucun combat, ni aucune vilenie. Tant de souffrances et elle allait enfin accomplir ce qu'elle avait tant désiré : réussir là où Herin Strom avait échoué. Un léger souffle attira le regard de Prestor sur la droite. Appuyée sur un des piliers de marbre, une silhouette se détachait dans l'ombre crépusculaire. L'éminence grise esquissa un sourire, puis se tourna vers le soleil qui disparaissait derrière les hautes collines.

- Que veux-tu ? demanda Katrana.

- Nous savons où est l'épée Ma Dame, répondit Urbella.

- Prestor haussa les sourcils. Enfin !

- L'épée est encastrée dans un pan de roche, continua la jeune femme. Impossible de détruire le métal qui l'entoure.

- Normal. Seul un élu peut traverser la voûte qui sépare la Slayerune du monde des vivants et je suis une élue. L'épée est la dernière relique qui me sépare de la puissance absolue !

- Ma Dame, souffla-t-elle. Vous serez bientôt plus forte que les Dieux.

Katrana accepta le compliment sans broncher, mais elle n'était pas dupe. Elle savait qu'Urbella n'hésiterait pas à la trahir avec le premier Humain venu si elle y voyait son intérêt. Dame Prestor avait des espions partout et personne ne pouvait lui cacher une éventuelle trahison. Le verre de vin se brisa entre les mains de celle qui dirigeait Stormwind et les dernières gouttes de liquide se mélangèrent avec son sang pour tomber sur le sol créant une peinture chaotique.

- Ne me trahis pas, dit la suzeraine.

- Urbella frémit légèrement mais ne perdit pas contenance.

- Tu joues avec moi, continua Prestor. Quand nous aurons l'épée, tu n'auras pas intérêt à changer de camp.

- Je...

- Rejoindre Strom par exemple ! Pour le libérer !

Urbella avait tranché depuis longtemps sur ce point et cela Prestor ne le comprenait pas. Mais l'Elfe noire ne pouvait que s'incliner. Katrana leva la main, sa manière à elle de signifier que le débat était clos.

- Je t'invite à ma table ce soir, dit-elle. Pour fêter la fin de Darkshire et de Lakeshire ainsi que l'arrivée du Baron Zlager aux portes de Stormwind.

Les oreilles elfiques d'Urbella tintèrent légèrement. Dans une salle proche, on la raillait, cette racaille de courtisans la raillait ! :

- Oui, il paraît qu'elle est à la botte de Dame Prestor... oh, oh, oh. Mais elle change de camp quand bon lui semble. N'importe quoi pour apaiser son ambition, oh, oh, oh... Dame Prestor a là, une bien piètre alliée.

- Les trois courtisans qui devisaient ainsi se retrouvèrent nez à nez avec l'Elfe. Il y eut un long moment de flottement avant qu'Urbella ne sorte sa dague de son fourreau.

- J'ai l'ouie très sensible, dit-elle à l'encontre des hommes tremblants. Une chose que vous ne saviez pas. Non, vous préférez vous nourrir d'infâmes ragots. Je ne permets pas... qu'on remette ma loyauté en cause.

- Les trois hommes ne répondirent pas, glacés par l'effroi, le visage livide, incapable de prononcer une parole de plus.

- Vous m'avez gravement insulté, dit la jeune femme. Et à travers moi, vous avez insulté Dame Prestor. Défendez votre vie !

- Urbella prit une pose étrange et sa lame se plaça en direction de ses adversaires désignés. D'un mouvement de poignet, ce fut le pommeau qui se retrouva vers eux.

- Je me battrai sans arme, dit-elle, et je vous tends la mienne. Si vous parvenez à me toucher juste une fois, vous pourrez partir.

- Mais... mais, brava un des trois hommes. Nous faisons partie des Oligarques de cette cité, nous vous fournissons les fonds pour...

- Tais toi pauvre idiot ! coupa sèchement Urbella. Et battez-vous !

L'un des courtisans s'empara de la lame puis fit un bond de côté avant de se ruer sur l'Elfe noire. Avec une rapidité fulgurante, celle-ci se retrouva dans le dos de son adversaire. Elle lui saisit le bras et le tordit. Les os craquèrent, se brisèrent. L'autre tomba au sol en hurlant, répandant son sang sur le sol.

- La ferme !

La plante du pied d'Urbella fracassa le visage de l'homme qui s'écroula sans vie. Les deux autres, leurs jambes tremblantes ne pouvant même pas les porter pour s'enfuir, voulurent appeler à la garde mais il savait que leur soudaine ennemie avait autorité dans ce donjon et qu'elle n'hésiterait pas à les faire passer pour des traîtres. Finalement la mort serait peut-être un plus doux supplice que ce qui pouvait les attendre dans les geôles de Stormwind.

- Vous êtes sales, dit Urbella en posant un doigt sur chacun de leur front.

L'Elfe ramassa sa lame. Puis disparut au détour d'un couloir, laissant les courtisans soulagés, heureux de ne pas être le corps démembré à leurs côtés. Ils ne se rendirent compte de l'improbable que peu après quand un liquide visqueux leur coula dans le cou : du sang s'échappait maintenant en fontaine, jets intermittents, de leur carotide transpercée. Ils ne l'avaient même pas senti attaquer... Des mouches dansèrent devant leurs yeux, leurs jambes les abandonnèrent. Ils tendirent un bras suppliant vers un sauveur invisible. La perte de conscience mit fin à leur agonie.

***

Une autre flèche se ficha dans le flan de la sentinelle Dark Iron qui s'écroula au sol. L'invasion de Lakeshire avait commencé depuis quelques minutes à peine. Une nuée de Sentinelles s'abattait sans relâche sur la cité, dernier rempart avant Stormwind. Les civils défendaient leur ville ardemment mais les Sentinelles bien plus grandes et résistantes finissaient par tout écraser de leurs poings de pierre. Les premiers aventuriers, avertis par l'appel télépathique de Thùle, tardaient à arriver et le chasseur Elfe savait qu'il ne résisterait pas indéfiniment avec Aista, plus féroce que jamais, ses crocs traversant les chitines de roc.

Thùle se retrouva tout à coup entouré de trois Sentinelles pressées de le tuer. Le chasseur n'avait pas encore essuyé de blessures préférant attaquer à distance. Il sortit sa dague avec une lenteur extrême. Des mages, il fallait des mages pour mettre à mal cette armée ignoble. Et des démonistes, beaucoup de démonistes ! Aista se rua sur un ennemi qui tomba à la renverse. Thùle enfonça sa lame dans le golem de pierre mais elle ne le pénétra pas en profondeur, ne lui occasionnant qu'une blessure superficielle. Le bras énorme le heurta de plein fouet et il roula au sol. Sa lèvre fendue répandit du sang bleu sur son menton. Thùle sortit son arc et tira trois flèches dans la tête de la Sentinelle qui s'effondra. L'autre fonça vers lui et le piétina une première fois, tandis qu'Aista était rejetée au loin par la troisième Sentinelle.

L'Elfe devait avoir quelques côtes brisées. Les ennemis se dirigèrent vers lui prêts à le fracasser, l'étouffer. Ils n'en eurent pas le temps. Une première salve de boules de glace figea l'ennemi, qui se tourna péniblement vers celui qui avait osé les défier. Azhag sourit dans sa barbe noire avant de lancer un blizzard. Thùle recula aussi vite qu'il put, tandis que le sort, véritable tempête de neige, attirait l'attention des Sentinelles environnantes. Enfin, une nova enserra les jambes des ennemis dans une gangue de glace.

- Fuyons ! cria Azhag. Et attendons les autres !

- Impossible ! lança Thùle. Ils massacrent les villageois.

- On ne pourra rien faire morts !

Une boule de feu traversa les cieux avant de percuter une Sentinelle encore prisonnière. Sa tête explosa dans une gerbe de flammes et il tomba au sol. Alors que l'autre se libérait enfin, une salve de flèches, venue de l'autre bord se planta dans ses jambes. Un choc de feu la fit vaciller, tandis qu'un Gnome passait à toute vitesse et plantait son épée à même le flanc du monstre. Puis Rippern rengaina son épée, petit guerrier, aux yeux humides, son visage en partie masqué par un casque imposant, son corps protégé par une armure lourde. Néanmoins, de telles protections sur un si petit corps laissait un sentiment d'étrangeté. Les gnomes avaient toujours dégagé une certaine fragilité, cela dû à leur taille. Cependant, ils avaient depuis longtemps prouvé qu'ils étaient capables d'exceller dans n'importe quelle classe.

Leto descendit du haut de la colline d'où elle avait lancé son sort, tandis qu'Aramile sautait au-dessus d'un mur de briques.

Thùle sentit ses forces lui revenir alors, une poudre lumineuse se déposant sur son corps.

- Nous avons entendu ton appel, dit Holfroy, réitérant son incantation de guérison sur Aista.

- Merci, dit Thùle. D'autres arrivent. Je n'ai jamais vu une telle concentration.

- En voilà d'autres, dit Rippern avec gourmandise visiblement content d'en découdre.

- Nous ne sommes pas au complet, dit Holfroy, mais nous avons une première base pour les chasser et aider les forces de Lakeshire.

Déjà, de nouveaux golems s'approchaient du groupe. Chacun prépara ses armes.

***

Aldrion n'en croyait pas ses yeux. Des sentinelles Dark Iron aux Carmines ! Et bientôt les Trolls de Strangleronce arriveraient par le sud-est pour prendre la ville en tenaille. Quand il se retourna pour aller avertir Petitpoison, il vit que celle-ci était également sortie et observait froidement l'évènement.

- Allons-y maintenant ! dit-il. Nous devons les empêcher de détruire Lakeshire !

- Attends..., répondit l'Elfe.

- Comment ça « attends » ?!

- Je reçois un appel télépathique.

Aldrion posa la main sur sa tempe. Lui aussi entendait quelque chose même si cela restait trouble : Lakeshire attaqué. Nombreuses Sentinelles Dark Iron ! Venez vite !

- Tu as entendu ? demanda-t-elle.

- Oui. D'où vient ce message ?

- De ma guilde. Elle doit déjà être là-bas. Du moins une bonne partie.

- Allons-y !

- Sans armes ? Sans armures ? Autant courir au suicide.

- Nous ne pouvons pas laisser ces gens mourir !

- Ecoute, nous serons plus utiles si nous essayons de comprendre ce qui se trame à Stormwind, si nous infiltrons le réseau qui corrompt la cité des Humains. De plus, nous pourrons y acheter de l'équipement.

- Et comment allons-nous expliquer aux gens de ce village que nous partons ?

- Regarde-les.

Les villageois s'étaient rassemblés sur la petite place, tétanisés par le défilé de Sentinelles Dark Iron.

- Partons maintenant, dit Petitpoison.

Alors qu'ils s'éloignaient, ils remarquèrent que Sicky les observait avec intensité.

***

Iyac venait de découvrir le Bosquet du Crépuscule et le lieu ressemblait à un véritable paradis. Il n'aurait jamais imaginé un tel endroit, vu que tout autour s'étendait le Bois de la Pénombre, gigantesque cauchemar dont la capitale était Darkshire. Ici, cernée par les flancs d'une montagne, la nature avait repris ses droits. L'architecture présente rappelait un peu celle des Elfes, surtout avec l'étrange portail qui trônait au centre du lieu. Iyac gravit les escaliers qui y menaient. Il passa une main rugueuse dans sa longue barbe rousse, avant de frôler les bords du portail encore en activation. Une étrange lueur verte baignait la construction, une sorte d'entrée de trou de ver qui devait mener vers un autre lieu. Alors que le Nain approchait ses doigts pour toucher la texture qui composait le centre du portail, la terre se mit à trembler. Iyac recula. Une grosse patte rouge émergea et se posa avec fracas sur l'autel de pierres. Le Nain courut le plus loin possible, tandis qu'une gigantesque bête rouge apparaissait dans le Bosquet du Crépuscule. Ce fut Kazzak qui se fit finalement jour.
Lakeshire était en feu. La fière cité commençait à crouler sous l'assaut des flammes. La rivière qui passait à ses côtés luisait des éclats mordorés du lieu prolongeant encore un peu les dernières cendres du jour. Holfroy percuta un morceau de bois calciné, dernier vestige de ce qui avait été une habitation. Le bois explosa dans un nuage sombre et pulvérulent. Le sang coulait sur le front du paladin mais il ne sentait plus les multiples contusions dont il souffrait. Le Golem qui lui faisait face avait déjà un bras et une partie de la tête en moins et il manquait de chanceler à chaque pas. Une boule de feu acheva le travail. Le monstre s'affaissa au sol. Azhag le mage émergea et tendit son bras vers le paladin qui s'en saisit pour se remettre debout.

- Mon empire pour un prêtre, dit-il avec un sourire.

- Nous nous contenterons des fioles et de mes bénédictions pour le moment, répondit Holfroy.

Ils trinquèrent, scène un peu surréaliste au milieu du chaos, et avalèrent avec avidité le liquide rouge qui traversant leur système digestif partit se mélanger avec leur sang ce qui accéléra le processus d'autoréparation de leurs corps.

- Combien il t'en reste ? demanda Azhag.

- Deux et toi ?

- Bah, une.

- Je relance un appel mental à Pierre et tous les autres prêtres de la région.

Il n'en eut pas le temps. Il fut fauché par le bras de l'extension mécanique du Baron Zlager.

***

- Où comptez-vous aller ? demanda Sicky.

- Nous devons aider ces gens, répondit Petitpoison.

- Allons. Je sais que vous n'avez pas l'intention de rejoindre la ville.

- Ah bon ? Et qu'est ce qui te fait dire ça ?

- Pourquoi ne pas lui dire la vérité ? intervint Aldrion. Nous comptons rejoindre Stormwind pour savoir qui corrompt la cité. Nous pensons que l'ordre d'attaquer Lakeshire est venu de là-bas.

- Je ne veux pas que vous partiez.

- Ah ça ma petite, dit Petitpoison, ça n'est pas toi qui décide.

- Nous vous avons sauvé, vous nous êtes redevable.

- Pfff, ce monde est rempli de dangers. Je ne compte plus le nombre de gens à qui je dois la vie et ceux qui me la doivent.

- Ecoute Sicky, dit Aldrion. Laisse-nous partir sans prévenir les autres. Je te promets que lorsque Azeroth sera moins troublé, je reviendrai travailler au village pour vous aider.

- Non, je viens avec vous.

- Allons, dit Petitpoison, tu ne survivras pas longtemps. Nous ne pouvons pas nous encombrer de toi, désolé.

- Tu as peur qu'Iyac te quitte pour moi ?

- De quoi ?! Comment connais-tu ce nom ?

- Elle l'aura sûrement entendu lorsque tu étais alitée, calma Aldrion.

- Pas du tout, dit Sicky. Je suis télépathe et je...

- Bon nous devons y aller, coupa Petitpoison. Viens Aldrion.

- Tu n'aimes pas prendre du bon temps, dit Sicky, quand tu en prends, tu n'as qu'une envie, c'est retourner à l'aventure. Tu aimes l'Hydromel plus que de raison. Toi Aldrion, tu as connu les pires affres dans ta jeunesse. Ton village a été détruit ! Je ne veux pas qu'il arrive la même chose aux miens sans avoir rien fait ! Je pourrai vous être utile pour décoder le vrai du faux auprès des gens que vous croiserez.

Aldrion et Petitpoison se regardèrent sans rien dire un instant.

- Eh bien, essaye de nous suivre, dit l'elfe avant de dévaler la colline menant vers Lakeshire.

***

Iyac sentit chacun des poils de sa barbe rousse se figer. Ses jambes s'étaient déjà dérobées et il était caché par un bosquet de manière précaire. Kazzak, de sa hauteur, pouvait encore facilement le voir, mais il ne prêta pas attention au nain. Il agita ses ailes projetant un vent violent. Alors qu'il s'envolait vers dieu sait quelle direction, Iyac retrouva sa motricité. Il avait eu peur mais n'en avait pas honte. Qu'aurait-il pu faire seul contre un tel démon. Il était déjà anormal de le trouver dans cette partie du monde d'Azeroth. Un grand évènement avait dû le faire sortir de sa tanière. Iyac voulut lancer un appel mental à sa guilde, mais c'est une avalanche de détresse qui l'interpella. Quelques membres des Darkangels lançaient des appels désespérés dans toutes les directions pour sauver Lakeshire.

***

- Maudits ! lança Zlager, vous pensez pouvoir stopper l'invasion d'Azeroth et l'éradication de vos races respectives !

- Encore deux côtes brisées, dit Holfroy avec un sourire forcé.

Derrière Zlager, des troupes de Trolls caparaçonnés et lourdement armés attendaient l'ordre de raser la ville.

- Darkshire a été détruite humains. Il en sera de même pour Lakeshire, mais rassurez-vous, je prendrai mon temps pour Stormwind, histoire de me délecter de la déchéance de votre race.

Holfroy se saisit de sa masse et la propulsa vers le Baron. L'arme heurta un écran invisible et retomba au sol.

- Ah, ah, ah, s'esclaffa Zlager. Un peu de magie combinée à de la technologie m'offre la meilleure protection contre vos lamentables attaques.

- Azhag...

L'explosion pyrotechnique heurta de plein fouet la machine du Baron Zlager, un nuage de fumée enroba la machine alors que se dessinait sur le visage du magicien une expression de satisfaction qui se termina en rictus lorsque le monstre réapparut intact, brillant d'un halo doré.

- Nous préparons cette attaque depuis des années maintenant. Vous croyez que deux moustiques vont m'empêcher d'arriver au bout de notre projet.

- Les moustiques ne sont pas lâches au moins, lança Holfroy, il ne se cache pas derrière une machine pour dissimuler leurs faiblesses. Azhag ! Ramène-les autres vite !

- Non Hol, je ne peux pas te laisser là, seul.

- Je fais des appels mentaux, mais je n'ai plus assez de force. Ramène le plus de monde possible !

Holfroy se releva avec difficulté.

- Qu'est ce que tu attends pour faire charger tes chiens de garde, sale lâche, lança le paladin. Tu es incapable de te battre sans tes sbires ?

- Ah, ah, tes provocations ne me touchent pas. J'attends simplement que les golems terminent le travail. Inutile d'user de mes troupes pour le moment.

Le paladin regarda dans la direction d'Azhag, celui-ci avait disparu. Satisfait, Holfroy se releva, passa une main dans sa moustache blonde tâchée. Il saisit une fiole rouge, puis une bleue, les avala d'une traite. Une incantation lui redonna toute sa santé. Revigoré, il prit sa lame à deux mains et prépara sa tactique.

***

Le Golem se figea, emprisonné dans une gangue de glace. Le piège de Thùle avait marché à merveille. L'autre sentinelle encore mobile, se prit une salve de flèches, une avalanche de boules de feu et de puissants coups d'épée.

- Bon sang, lança Rippern, nous n'y arriverons jamais avec aussi peu de monde.

- Nous devons tenir, dit Thùle, jusqu'à ce que les autres arrivent. Nous sommes en train de livrer un combat qui restera dans les annales. Même si nous mourrons, nous aurons apporté notre pierre à l'édifice de la défense d'Azeroth.

- Ouais tu parles, dit Leto reprenant son souffle. J'ai surtout l'impression que tout cela nous dé...

- Je reçois un appel de détresse d'Holfroy, dit Aramile.

- Oui moi aussi, dit Rippern.

Ils virent alors Azhag courir vers eux :

- Vite ! dit-il. Il faut nous regrouper. Hol se bat contre une sorte de gobelin mécanique. Il est suivi par toute une armée de trolls.

Les épaules s'affaissèrent.

- Comme si nous n'avions pas assez des sentinelles Dark Iron, lança Leto.

- Quelqu'un doit s'occuper de lancer les appels mentaux, dit Aramile. C'est notre dernière chance de sauver Lakeshire.

- Occupe-t-en, dit Thùle. Nous allons aider Holfroy.

***

- Descends donc de ton engin ! cria le paladin. Tu as peur que je te pourfende en deux coups d'épée.

- Pfff.

Le bras mécanique de Zlager se saisit de la masse que lui avait envoyé Holfroy et la réduisit en bouillie.

- Bon sang ! Une arme épique, espèce d'ordure !

- Mon bio-robot est à lui seul une armure et une arme épique. Un objet que ton petit cerveau étriqué ne peut même pas concevoir.

- Je suis ingénieur, alors qui sait. Je te propose un duel à armes égales. Si tu perds, tes troupes se retirent, si tu gagnes, nous te laissons Lakeshire.

- Ah ah ah. Mais au nom de qui parles-tu ? Tu ne manques vraiment pas de culot. Néanmoins je vais accéder à ta requête, pour d'une part me dégourdir les jambes et d'autre part te faire ravaler ton insupportable arrogance.

- Viens donc Gobelin assassin. Je vais te donner la leçon que tu mérites.

Une échelle apparut sur le côté du bio-robot, elle débuta sa course au niveau du siège de Zlager pour se terminer au sol. Le gobelin descendit sans précipitation. Une fois à terre, il sortit une télécommande de sa poche et appuya sur un bouton. Holfroy vit un reflet l'espace d'un instant s'inscrire autour de la machine. Zlager s'étira longuement.

- Voilà qui fait du bien, sussura le Gobelin en faisant craquer ses doigts vert olive. Tu sais, au cas où tu aurais l'espoir de me battre, sache que même si tu y parvenais, quelqu'un de bien plus fort que moi suivrait, une créature que même cent aventuriers aguerris par des années de combats auraient du mal à vaincre.

- Tu... tu mens.

- Ah oui je mens... Kazzak ça ne te dit rien ?

- Im... impossible...

- Autrefois, ce démon était un de mes plus sûrs alliés... parmi d'autres. Tu n'as pas idée de la coalition qui s'est formée pour redonner aux races que vous avez volontairement proscrites une chance de renaître. Stormwind deviendra la capitale des Gobelins.

- Tu penses bouleverser un ordre que des siècles n'ont su ébranler !?

- Rien n'est éternel. Et puis de toute façon, la destruction de vos cités est due en partie à vos oligarques. Ils nous ont fourni les fonds nécessaires à la constitution d'une armée.

Holfroy ne savait pas s'il devait écrémer le faux du vrai. Zlager parlait avec des accents de sincérité qui en ferait presque un héros de sa cause, mais le paladin se remémora le nombre de morts que sa croisade avait engendré. Tous les orphelins, les familles décimées ravivèrent sa haine. Il planta son arme à deux mains, se bénit pour augmenter toutes ses caractéristiques, puis chargea.

***

Aldrion vit la ville de Lakeshire en feu. Il y a encore quelques dizaines de minutes avant que les sentinelles Dark Iron ne descendent la route qui mène à la ville, celle-ci affichait encore une certaine splendeur. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, les flammes qui la dévoraient seulement circonscrites par l'eau du lac Everstill d'un côté et le roc des chaînes de montagnes de l'autre.

- Ne nous attardons pas, dit Petitpoison. Nous allons traverser le lac puis nous rejoindrons Stormwind.

- Tu avoueras que ça n'est pas facile, s'insurgea Aldrion.

- Tu peux aller à Stormwind sans souci, dit Sicky.

- Ah ? Et pourquoi ?

- Il y a un concert de voix.

- Un concert de... ?

- Un tourbillon de pensées. Allons à Stormwind, nous ne croiserons que des amis.

L'elfe et le paladin se regardèrent, haussèrent les épaules puis plongèrent à l'eau, suivis de près par Sicky.

***

L'épée rebondit lourdement sur le gantelet de protection de Zlager.

- Petit mélange d'ingénierie et de forge : du mithril combiné à du zlagerian.

- Du Zla... gerian...

- Finalement je ne pense pas que je vais regretter ce duel. Cela me dégourdira un peu et te montrera l'étendue de notre pouvoir. Résister est inutile mais comme d'habitude les humains ne peuvent s'empêcher d'avoir de l'espoir.

- Ferme-là. Je vais te montrer ce que vaut un paladin humain.

Holfroy sauta en arrière. Après de nouvelles bénédictions, il se saisit de deux fioles et en but rapidement le contenu.

- Pfff. Que comptes-tu faire encore ?

L'épée à deux mains du paladin lui parut tout à coup bien légère. Il combina dans sa main droite une boule de magie qu'il lança sur le Gobelin. Celui-ci dévia l'attaque d'un geste. Quand il reposa son attention sur le paladin, ce dernier avait disparu. Zlager leva les yeux au ciel. Trop tard, car Holfroy tombait sur lui. Le baron eut juste le temps de se protéger le visage avant que l'épée ne s'abatte sur lui. Ses gants se fendillèrent. Il eut assez de forces pour repousser son ennemi et le frapper en plein plexus mais Holfroy ne ressentit rien. Il profita du visage à découvert du Gobelin pour lui envoyer son poing couvert de métal clouté en plein nez. Zlager roula jusqu'à son bio-robot. Les effets des potions d'invisibilité et de force s'arrêtèrent presque en même temps.

- Tu vas me payer ma masse épique, dit Holfroy en reprenant difficilement son souffle.

Le baron se releva avec lenteur. Son oeil était mauvais, son menton était entaché de sang vert mais il ne l'essuya pas.

- Tu vas mourir, dit-il laconique. Mourriiiiiiiiiiiiiiiiiir !!!!!!

Le sol se mit à trembler alors que les autres Darkangels rejoignaient le champ de bataille. Thùle, Azhag, Leto et Rippern se mirent en position de combat. Thùle donna quelques ordres avant de bander son arc sur l'ennemi. Holfroy se mit à reculer vers le groupe, tandis que le corps du baron commençait à grandir, laissant apparaître sur ses bras, ses jambes et son torse de larges veines pulsantes.

- Ça tombe bien que vous soyez tous là, dit Zlager dans un chuintement malsain, petites engeances, je vais me faire un plaisir de retirer la vie à vos petits corps.

- Ça ne changera rien mon gros, dit Leto. Tu peux toujours essayer de nous impressionner avec tes gros muscles...

- Arrête Leto, cria Holfroy, tu ne sens pas sa puissance ?!

La mage cessa de parler. L'énergie que dégageait le baron était maintenant perceptible, presque solide. Une chape de plomb s'abattit sur le groupe. Derrière eux, les Sentinelles Dark Iron se réunissaient pour les attaquer mais Zlager les arrêta d'un geste, leur ordonnant de former un cercle, la première moitié étant composée de trolls, la seconde de golems. Les Darkangels étaient cernés. Aramile se retrouva au milieu de l'ovale, survolant d'un saut puissant le groupe de Trolls avec Kitsune.

- Tiens, une autre vient se joindre à la procession funèbre, lança le Baron. Pauvres fous.

- Alors Ara ? demanda Thùle.

La jeune elfe désigna la montagne qui séparait les Carmines de la Forêt d'Elwynn, des ombres de plus en plus nombreuses firent leur apparition.
Armando Epyon avait des serres en guise de mains, couvertes de tâches hépatiques, un nez crochu, des yeux profondément enfoncés dans leurs orbites pour dissimuler la lecture de son âme. Epyon était un aigle à visage humain. Il était assis en bout de table, trônant presque au milieu de ses compagnons répartis sur les côtés.

Il y avait là Shanka Handarak, l'Elfe Noir, brigand sans renommée, travaillant dans l'ombre, vivant du pourcentage que touchait sa mafia sur toutes les rapines des voleurs. Handarak, oeil perçant, nez camus, cheveux très longs, tombant sur des oreilles elfiques entaillées et couvertes de boucles de thorium.

Il y avait aussi, Moyron, le Nain ayant fait fortune en engageant des déserteurs dans les mines, qu'ils avaient ensuite traités comme de véritables esclaves : l'or et le mithrill avaient coulé à flots engrangeant les caisses de cet être vénal qui ne vivait pratiquement que pour l'or. Son visage buriné, mangé par une barbe brune, contrastait avec un corps presque fluet, ce qui pour un nain était assez antinomique.

Alindra, la Gnome au monocle d'argent rivé sur l'oeil droit, aux vêtements rutilants et à la mine poupine était également présente. Elle contrôlait en grande partie l'apport de bois avec de nombreuses compagnies implantées un peu partout chargées de couper, scier et traiter le bois pour en faire des bûches, des rondins, des meubles ou du papier. Récemment un moratoire avait été mis en place dans les territoires elfes empêchant les employés d'Alindra de couper les arbres.

Enfin, Minoslav Sartrone, un orc, aux dents acérées, à la mine verte foncé, aux yeux fendus, crâne rasé, cicatrice descendant du front au menton, coupant son visage en deux, attendait comme les autres l'ouverture de la séance. Ses traits étaient en général dissimulés par une bure qu'il avait relevée. Malgré ce déguisement, sa stature était trop imposante pour éviter les doutes et Minoslav devait toujours faire preuve d'une ruse extrême afin de s'aventurer dans les territoires humains et éviter les contrôles. Il avait fait fortune en se lançant dans le commerce de fioles de toute composition. Il avait maintenant plus de six cent alchimistes à son service et distribuait ses produits dans une grande partie de Kalimdor. Il avait même engagé des humains récemment pour promouvoir ses pouvoirs dans la Forêt d'Elwynn, le Marais de la Pénombre et les Carmines.

Les cinq personnages n'étaient que l'avant-garde, la représentation d'une corporation plus vaste réunissant d'autres gens riches oeuvrant pour s'emparer du pouvoir. En face d'Armando Epyon, Lady Prestor s'installa avec à ses côtés Urbella.

- Nous avons trouvé la Slayerune, dit Katrana.

- Enfin, dirent de concert les cinq membres.

- Vous pourrez avertir les autres que la victoire n'est plus qu'une question de temps. Une fois que le Baron Zlager sera aux portes de Stormwind, la capitale tombera.

- Nous la régirons alors, dit Alindra la Gnome.

- Bien entendu, vous quatre, à part notre ami Minoslav bien sûr, dirigerez ce qu'il restera de la ville. Une fois que nous aurons pris le pouvoir ici, Zlager aura assez de main d'oeuvre et de cobayes pour relancer son programme de cuves.

- Oui c'est la clé de la victoire, acquiesça Moyron le Nain, même si ce procédé de non-vie me répugne.

- Tout le monde a déjà approuvé le programme, dit Handarak l'Elfe Noir. Nous avons engagé trop de fonds pour nous faire stopper par quelques considérations éthiques.

Moyron grommela avant d'acquiescer.

- Nous avons déjà commencé à ralentir nos apports de mithrill, de thorium, de fer à Darnassus, dit-il, arguant que les réserves s'épuisent. Pour l'instant le mensonge semble fonctionner mais les Darnassiens risquent de s'adresser à nos concurrents pour leur fournir de nouvelles ressources.

- D'où la corruption, dit Katrana.

- Et le meurtre, ajouta Urbella avec un sourire.

- Oui, pas le choix, dit Handarak. Ils ont leurs mines également. De toute façon, ils ne tarderont pas à se rendre compte qu'on se moque d'eux.

- Quand ils seront au dos du mur, dit Moyron, ils reviendront vers nous et nous doublerons nos prix.

- Bon venons en au plan pour Ironforge, demanda Sartrone l'Orc.

- Le voici, commença Katrana : Ironforge est imprenable vue sa position. L'accès à la ville est trop étroit pour tenter une attaque de front. Un assaut aérien a été envisagé mais il repose sur de trop nombreux aléas. Et surtout, la ville n'est pas exposée au ciel. J'ai pensé à une opération plus longue mais qui devrait finir par porter ses fruits : l'embargo combiné à une technique de terre brûlée. Grâce aux cuves, nous aurons assez de main d'oeuvre pour assurer nos positions pendant que d'autres troupes anéantiront les autres villages autour d'Ironforge, bloquant ainsi l'apport de ressources vers la capitale des Nains.

- Il faudra s'attendre à une contre-attaque terrible du Roi Bronzebeard, dit Moyron.

- Aucune importance.

- Pourquoi aucune importance ?

- Parce que la technique de la terre brûlée n'a d'intérêt que si les troupes d'Ironforge viennent reprendre leurs territoires.

- Soyez plus explicite, incita Minoslav avec plus d'autorité dans sa voix qu'il n'en aurait voulu.

- Une fois Stormwind conquise, les nains d'Ironforge vont sans doute faire condamner le tram des profondeurs.

- Oui et ?

- Nous allons leur donner un aperçu de notre puissance. Je vais faire introduire quelques trolls dans Stormwind. Ceux-ci embarqueront pour un aller simple vers la cité des nains. Avec un peu de chance, ils faucheront Bronzebeard.

- On les tranchera en mille morceaux avant qu'ils aient fait un pas dans la cité.

- Eh eh. Oui mais avant ils se feront exploser grâce à la bombe conçue par Zlager et implantée dans leur corps.

- Eh bien voilà qui est intéressant, dit Handarak. Je vois les pièces du puzzle s'imbriquer parfaitement les unes dans les autres.

- Vous ne parlez pas beaucoup Lord Epyon, dit Katrana.

- J'attends de voir. J'ai investi la moitié de ma fortune dans des promesses.

- Des promesses qui se sont réalisées. Zlager est aux portes de Stormwind. Et vous serez là quand il sera l'heure d'affamer Stormwind.

- Et je serai aussi là quand il s'agira de redistribuer la nourriture.

- Vous avez acheté la plupart des auberges et magasins d'Azeroth, où est le problème ?

- Darnassus. Tant que cette cité ne sera pas prise, je n'accepterai pas votre hégémonie.

- Ah nous y voilà.

- Je ne sais pas si les autres sont d'accord avec moi, mais vous étendez une main de fer sur les divers leviers du pouvoir. De plus, vos séides vous assurent un certain ascendant.

Epyon désigna Urbella d'un signe de la tête.

- J'admire votre façon de dire ce que vous pensez Lord Epyon.

- Humm. Qui me dit que les Trolls de Zlager nous laisseront administrer la cité une fois conquise ? Promesses, promesses.

- Il a raison, dit Minoslav Sartrone l'orc. Qui me dit que moi aussi un jour j'administrerai Orgrimmar ? Qu'est ce qui vous empêchera de nous tirer dans le dos, le moment venu.

- Vous savez très bien que vous avez chacun un moyen d'assurer vos droits : l'or.

- Bientôt vous n'en aurez plus besoin grâce à vos pillages.

- Il suffit. Je vous ai dit que vous seriez nommés administrateur des cités conquises et que vous pourriez y imposer vos commerces. Car c'est cela qui vous intéresse : l'or et le pouvoir. Moi j'ai juste besoin d'une arme épique et d'une partie de Kalimdor. Le reste sera à vous.

Epyon se renfonça dans son fauteuil, apparemment satisfait des propos de Katrana. Les autres semblaient adopter sur leur visage une expression de convenance.

- Bien messieurs, nous allons vous laisser vaquer à vos occupations. Lord Sartrone, un mage vous téléportera à Orgrimmar.

La tablée se dispersa. Urbella et Katrana se retrouvèrent seules.

- L'or, ils ne connaissent que ça. Ils pensent que la vie se résume à cette équation : l'or donne du pouvoir et le pouvoir donne de l'or.

- Que voulons-nous Dame Prestor ? demanda Urbella.

- Quelque chose de bien plus précieux : l'accomplissement.

***

Zlager détourna son regard fiévreux vers les centaines d'ombres qui fondaient sur Lakeshire. De nombreux aventuriers avaient répondu à l'appel des Darkangels. Aramile s'était concentrée au-delà de ses limites pour appeler tous ceux souhaitant sauver les Carmines. De fil en aiguille, des dizaines d'autres voix s'étaient jointes au coeur de l'appel. Ils arrivaient maintenant pour braver les flammes, braver les sentinelles, braver les trolls, braver le Baron.

- Alors qu'est-ce que tu dis de ça ?! dit Holfroy.

De l'écume brûlante coulait sur le menton de Zlager. Il ouvrit plus grand les yeux, se préparant à fondre sur ces proies qui le défiaient. Tous se mirent en garde. Holfroy, Aramile, Azhag, Leto, Thùle, Rippern préparèrent leurs armes et leurs sorts. Les nuages recouvrirent la cité, des nuages noirs prêts à exploser pour répandre sur la ville une pluie bienfaitrice. Zlager fit un geste vers les troupes qui courraient maintenant vers l'ennemi. Une clameur explosa dans le ciel. Les hommes chargeaient avec leurs montures : chevaux, machines à vapeur, bouc haletaient fonçant à brides abattues.

Les Trolls et les Sentinelles se ruèrent sur la vague d'assaut, tandis que Zlager lançait un regard de haine vers les Darkangels.

- Nous ne perdrons pas, dit-il. Impossible.

Leto lança une boule de feu sur lui pour le faire taire. Le sort explosa en plein visage du baron mais la fumée se dissipant, révéla que le monstre n'avait pas subi de dégâts.

- Leto ! cria Holfroy.

- Besoin d'aide ?

- Pierre ! crièrent-ils tous de concert.

Le prêtre venait d'apparaître derrière eux. Sans doute avait-il abandonné les autres aventuriers venus si nombreux, pour les rejoindre. Crâne rasé, barbe noire, yeux bleus, Pierre avait une certaine réputation auprès de sa caste. Il parcourait depuis très longtemps la contrée de long en large et savait être là aux moments opportuns.

- Avec un prêtre nous avons une chance de le vaincre, lança Aramile.

- Rippern fonce sur lui, dit Holfroy. Pierre et moi te soignerons. Thùle et Aramile, vous enverrez un peu après, Aista et Kitsune. Leto et Azhag, attendez un peu, mais dès que vous verrez Zlager flancher, envoyez vos sorts.

- S'il flanche, dit Azhag.

- Il le faudra bien, sinon nous sommes tous morts.

Des bruits d'explosions sonnèrent non loin. La bataille pour la survie des Carmines et la préservation de Stormwind était engagée.

Rippern chargea en hurlant. Zlager para ses premières attaques et lui infligea un prodigieux coup de poing, qui fracassa l'armure du guerrier. Ce dernier cracha du sang mais sa vive douleur s'atténua presque aussitôt grâce aux soins combinés de Pierre et d'Holfroy. Rippern retourna au combat. Il entailla enfin le bras du démon qui recula d'un pas.

- Leto ! Azhag ! cria Holfroy. Visez les jambes !

Une boule de feu renforcée par la combustion et une lame de glace touchèrent respectivement le genou gauche et le genou droit du baron. Azhag fit tomber le blizzard ralentissant les mouvements de l'ennemi. Rippern sortit sa hache épique accrochée à son dos et la planta de toutes ses forces dans le torse de l'ennemi désorienté. La chair se fissura. Les bénédictions d'Holfroy donnèrent une force supplémentaire à Rippern et son arme s'enfonça dans le corps de Zlager qui finit par repousser violemment le guerrier. Ce dernier vola sur cinq mètres avant de retomber douloureusement au sol. Pierre le soigna.

- Attaquons ensemble, dit Holfroy. Pierre, tout reposera sur toi. Les chasseurs allez-y maintenant !

Aista et Kitsune sous l'impulsion de leurs maîtres respectifs se ruèrent sur Zlager qui arrachait la hache plantée dans son corps à grande peine. Quand il y parvint, une gerbe de sang vert gicla sur le sol. C'est à ce moment que les bêtes lancèrent l'assaut. Le baron brisa le coup du tigre, tandis qu'il explosait le nez du loup. Les animaux se remirent immédiatement grâce aux soins de Pierre. Le baron jeta un regard mauvais vers ce dernier. Holfroy et Rippern se mirent en travers de sa vision.

- Pfff, dit-il avec mépris. Un humain et un gnome. Je vous anéantirai tous !

Zlager projeta les bêtes qui lui griffaient les jambes dans des coins opposés tandis qu'il marchait vers le paladin et le guerrier pour les balayer eux aussi et tuer ce prêtre qui l'empêchait d'asséner le coup de grâce. Une salve de boules de feu freina sa progression. Du sang coula sur sa tempe. Une pluie de glace ouvrit des estafilades sur ses épaules et ses bras, ravivant les plaies. La douleur pulsa dans son corps. Il ne l'avait pas ressenti depuis sa défaite contre les prêtres de Darnassus.

Azhag bloqua l'adversaire avec une irruption de glace qui enferma les pieds du baron dans une gangue froide. Enfin le monstre parvint à la hauteur de ses adversaires, le combat s'engagea à nouveau tandis que Pierre reculait préservé des coups par une bulle de protection. Aramile et Thùle décochèrent leurs flèches avec une rapidité extrême, les bêtes revinrent à la charge. Zlager se retrouva noyé sous une pluie d'attaques. Enfin, Rippern fit un saut prodigieux et sa lame rencontra le menton du baron qui partit en arrière. Il décolla légèrement avant de retomber au sol.

- Je n'ai plus de magie, dit Pierre.

- Moi non plus, dit Leto, je suis à sec de mana.

- Peut-être est-il vaincu, dit Holfroy reprenant difficilement son souffle, son sang goûtant sur le sol, créant une tâche sombre.

Zlager respirait avec emphase, son souffle ressemblant à celui que produit le dragon avant de cracher son feu.

***

Le gryphon de Katrana Prestor passa loin au-dessus de Lakeshire ; La femme apprécia avec délectation, les flammes qui envahissaient la ville et les armées qui combattaient, déversant un déluge de sang. Du haut de sa position, elle entendait les cris, le bruit des armes qui s'entrechoquent, les cris de victoires, les derniers râles. C'était un concert prodigieux, une musicalité évidente se dégageait de l'ensemble, une musique qui ravissait ses oreilles. Le gryphon prit de la hauteur et fondit sur les Steppes Ardentes.

Peu après, il se posa tout près de l'immense entrée de Blackrock, un endroit souterrain creusé dans les profondeurs d'un volcan, une cité aux dimensions dantesques, plongeant jusqu'au coeur des ténèbres. Katrana fut accueillie par l'Empereur Thaurissan, un Nain à la carrure imposante. A ses côtés se tenait une autre Naine timide, aux yeux perdus dans le vide. L'Empereur fit une révérence.

- Où est l'épée ? demanda Katrana sans autre forme de cérémonie.

- Je vais vous conduire Ma Dame, répondit Thaurissan.

Ils empruntèrent une longue série de dédales avant de parvenir à la salle où les Nains Dark Iron finissaient d'ôter la pierre qui entourait encore la gangue de métal inconnu où se tenait fichée la Slayerune. Les yeux de Katrana brillèrent, retrouvant leur forme première : des pupilles de reptile ceinturées d'un iris vert clair tâcheté de noir.

Elle s'approcha de l'arme rutilante, le pommeau couvert de diamants aux teintes innombrables. Malgré les années, la lame était encore pure et de nombreuses runes aux dessins délicieux pour le regard la couvraient. Quand Katrana prit le pommeau (alors que les nains Dark Iron cessaient leur travail et reculaient), elle sentit une puissance incroyable déferler dans son corps. Elle relâcha l'arme. L'épique faisait bien pâle figure face à un tel pouvoir. Elle se tourna vers l'Empereur. S'il avait senti cette puissance, il ne devait rêver que d'une seule chose : s'emparer lui aussi de la Slayerune et ce, à n'importe quel prix.

- Qui a touché l'épée ? demanda Katrana.

- Personne encore Ma Dame, répondit l'Empereur, comme vous l'avez ordonné.

- Menteur ! Qui pourrait résister à ce désir. Avez-vous envie de me tuer Dagran ?

De la sueur coula sur le visage de l'Empereur. Il était à deux doigts de se ruer sur elle, sans doute avec tous les nains qui avaient côtoyés l'arme.

- Savez-vous pourquoi je suis venue seule, sans escorte Dagran ? A moi seule, je peux tuer une centaine de vos Nains d'un simple geste de la main. Ce qui vous retient de vous jeter sur moi, c'est ce constat : vous ne pouvez rien me faire. Et si par hasard, vous essayez, vous serez mort avant de m'avoir touchée.

Les nains avancèrent d'un pas vers elle. Katrana haussa les épaules.

- Je ne peux pas ôter l'arme avec ma puissance actuelle, dit-elle. Je vais devoir utiliser ma vraie forme. Je vous conseille donc de quitter ce lieu sans plus attendre.

Katrana plia légèrement les genoux, serra les poings et se mit à hurler. Une aura d'énergie déferla dans la salle et envoya valser les Nains. Thaurissan s'enfuit avec sa garde du corps. Le visage de Katrana se convulsa, son corps de chair explosa.

***

Zlager se releva avec difficulté. Il jeta un oeil vers la bataille que ses trolls et les sentinelles Dark Iron livraient contre les forces protégeant Azeroth. Et il sentit que ses soldats étaient en train de perdre du terrain.

- Qu'est ce qui vous donne tant de forces ? demanda-t-il.

- Nous n'avons pas peur de mourir, dit Holfroy. Nous nous battons pour nous-mêmes et pour tout ceux qui peuplent Azeroth. C'est leur clameur qui nous donne la force.

- Pffff. Je vais vous montrer ce que c'est de mourir.

Une ombre passa fugitive au-dessus des Darkangels. Tous se figèrent d'effroi quand Kazzak se posa devant Zlager enfonçant le sol sous lui de plusieurs dizaines de centimètres.

- Tu es en train de perdre Gobelin, dit-il en croisant ses bras lourds.

- Mes trolls vont l'emporter, s'insurgea le Baron.

- Non. Tu n'apprécies pas la situation sous tous ses aspects. Nous sommes dans une partie d'échecs. On ne peut pas bouger indéfiniment ses pièces pour les empêcher de se faire prendre. C'est l'heure du sacrifice.

- Depuis quand connais-tu les échecs ? railla Zlager.

- J'ai eu le temps d'apprendre à y jouer Gobelin. Donne ton ordre !

Les Darkangels ne savaient pas si c'était la stature incroyablement imposante de Kazzak ou sa voix d'outre-tombe qui les terrifiaient le plus. Toujours est-il qu'il ne pourrait pas le vaincre en aussi petit nombre.

- Donne ton ordre !! réitéra Kazzak plus fort.

- Zlager ragea avant de faire craquer quelque chose entre ses dents.

***

Au plus fort de la bataille des Carmines, des tombereaux de sang et de boyaux maculaient le sol. Mais cela n'était rien. Les ventres des Trolls se contractèrent tous. Ils se figèrent, tordus dans une position impossible puis explosèrent les uns après les autres. Un geyser rouge s'éleva haut dans les cieux, mélangé avec des membres déchiquetés, des tripes brutalement extirpées, des têtes séparées de leurs troncs levant des yeux surpris. La pluie tomba enfin, comme si elle attendait la fin de la bataille pour purger la terre de cette nouvelle hécatombe. Un lac de sang se forma, une étendue de liquide éphémère, qui s'effacerait emportant avec elle, la folie qui pousse vers de tels conflits.
Sicky s'agenouilla en gémissant puis se prit la tête dans les mains psalmodiant une litanie incompréhensible. C'est quand Aldrion et Petitpoison se retournèrent vers elle que l'explosion retentit et qu'un vent violent tacheté de sang et de chair les enveloppa.

- Qu'est ce que c'est que ça ?! cria Petitpoison.

Sicky se mit à hurler, une monumentale concentration de voix sortit d'entre ses lèvres. Aldrion se boucha les oreilles, mais même ainsi cela ne calmait pas le son qui lui vrillait les tympans. Enfin, tout s'estompa. Le souffle retomba, Sicky s'apaisa et s'évanouit.

- Bon sang, jura Petitpoison. Qu'est ce que...

- Il faut aller voir, dit Aldrion.

- Non, le retint Petitpoison en lui prenant fermement le bras. Tu n'as pas senti tous ceux qui partaient combattre pour Lakeshire ?

- Et cette explosion ? Encore une invention infernale de l'ennemi. Ce sont des démons comprends-tu ? Des démons !

- Si tu veux rejoindre le combat, je ne t'en empêcherai pas, (Petitpoison relâcha son étreinte) mais cela nous fera une chance de moins pour découvrir ce qui se trame à Stormwind. Tu n'as pas confiance en ceux qui sont déjà là-bas ? Te penses-tu indispensable ?! Tu n'es pas celui qui sauvera le monde Aldrion, mais tu peux apporter ta modeste contribution pour sa préservation.

Aldrion baissa la tête, puis ferma les yeux pour mieux analyser les différentes données du problème.

- Bien, finit-il par acquiescer. (Il prit Sicky encore inconsciente sur son dos.) Continuons jusqu'à Stormwind.

***

L'Empereur Thaurissan fuyait avec ses nains loin, très loin de la zone de tumulte. A présent, tout Blackrock semblait trembler sous les assauts de la transformation de Dame Prestor. Les murs de pierre se fendillaient, vacillant vers le sol en de gros blocs grossiers. Le corps et le visage de Katrana explosèrent, laissant apparaître une peau noire couverte d'écailles, un faciès au nez allongé, aux narines sans fond dégageant un souffle de soufre épais pestilentiel, aux larges yeux fendus d'un vert luisant, terrifiant, scrutant l'épée. Des ailes poussèrent dans son dos, prenant une ampleur démesurée, fracassant encore un ou deux pans de roche. Un dragon, noir comme le charbon, apparut, aux griffes acérées, aux dents longues et tranchantes, à la queue hérissée de pics battant la mesure sur un parterre déjà fissuré.

- Le pouvoir, dit Katrana en saisissant l'arme dans sa gigantesque patte. Le pouvoir pour Onyxiaaa !!

De l'énergie enflamma le corps du dragon, alors qu'il tirait sur le pommeau de la Slayerune. Le métal réceptacle se fendilla.

- Le pouvoiiir !!! cria encore Onyxia en assurant sa prise sur l'épée et en tirant encore plus fort.

Le métal qui tenait prisonnière l'arme se brisa en deux alors que l'épée libérée de sa gangue s'approchait des ambitions de son nouveau maître.

Puis Onyxia redevint Katrana, ses traits reprirent une apparence humaine tandis que son corps rapetissait rapidement. Une pierre se détacha d'un des pans de mur et tomba à grande vitesse vers la femme. Celle-ci leva les yeux au ciel tandis qu'elle se mettait en garde avec son épée. Un simple coup dans l'air fut nécessaire pour couper le roc en deux parties parfaitement symétriques qui tombèrent de part et d'autre de Katrana, qui admira la découpe parfaite.

Rien qu'en bougeant l'arme, elle sentait les ondes d'énergie que celle-ci dégageait. Ainsi, il lui suffisait d'un coup à distance pour tuer un ennemi. Un coup... peut-être deux, voire trois, tout dépendant du niveau de l'adversaire bien entendu.

- Approchez Nains ! cria Katrana. Je suis la nouvelle reine de Blackrock !

Le pouvoir irriguait tout son corps. Aucune force ne pourrait lui résister désormais, encore moins Herin Strom, qu'elle avait condamné à une vie d'errance. Qui sait jusqu'où l'arme augmentait ses caractéristiques. Quelqu'un pourrait-il seulement la toucher.

- Envoyez-moi vos nains Thaurissan, cria-t-elle. Je veux tester mon nouveau jouet !

Mais personne ne vint. Katrana se rua à l'extérieur de la pièce. Elle vit un groupe s'éloigner dans les corridors étroits. Au moment où elle se mit à courir, elle sentit son corps s'alléger et elle avala la distance qui la séparait de l'empereur et de ses sbires en quelques secondes. Le groupe fit une halte précipitée alors qu'ils la voyaient apparaître devant eux.

Katrana fit bouger son épée une seule fois, des gerbes de sang coulèrent des corps de dix ouvriers Dark Iron. Ils s'affaissèrent en hurlant. Katrana se déplaça très rapidement, trop rapidement pour les cinq soldats de Thaurissan qui virent leur ventre éclater avant de pouvoir faire un mouvement. Il ne resta bientôt plus autour de l'empereur et de son assistante qu'un tas de corps sans vie, baignant dans une mare de sang putride. Ils s'agenouillèrent tous deux :

- Que... que voulez-vous ? implora Thaurissan.

Pour toute réponse, Katrana tendit l'arme vers le nain.

- Prenez-là, dit-elle.

- Co... Comment ?

- Prenez l'épée !

Thaurissant ne se le fit pas redire. Il se rua sur la Slayerune se préparant ensuite à protéger chèrement sa vie grâce au pouvoir qu'il allait obtenir mais au moment où le pommeau se posait dans sa paume, il cria et l'arme retomba au sol. Là où se tenait il y a un instant un gant de métal, il ne restait plus qu'un trou et une boursouflure de chair purulente extrêmement douloureuse. Thaurissan roula au sol en tenant sa main, soufflant sur la plaie.

- Ah, ah, ah, se moqua Katrana. Moi seule peux tenir cette arme car elle m'est liée à jamais. Il sera impossible à quiconque de me la voler sous peine d'endurer les pires souffrances. Thaurissan, je veux que vous augmentiez la production de Sentinelles Dark Iron, que vos gnomes augmentent la cadence. Il me faut mille pièces dans six jours.

- Six... Six jours ? Mais c'est impo...

- N'oubliez pas que je détiens la Slayerune. Je veux que ma commande soit effective dans les délais que j'indique, ou bien...

Katrana se détourna, elle n'avait pas besoin d'en ajouter plus. La jeune naine s'agenouilla aux pieds de l'empereur :

- Dagran, dit-elle, vous... Tout va bien ?

Elle l'aida à se relever.

- Ne t'inquiètes pas Moira, répondit Thaurissan qui regardait son ennemie s'éloigner. Maudite sorcière... Je trouverai bien un moyen de te tuer.

Ces imbéciles de nains ignorent ce qu'ils m'ont abandonné, pensa Katrana. Un pouvoir qui me rapproche du panthéon et qui me permettrait de conquérir Stormwind à moi seule. Néanmoins, je n'ai pas besoin d'afficher encore ma puissance. Préservons les apparences et gardons mes forces pour le jour où je devrai livrer la bataille qui me permettra de contrôler Azeroth et Kalimdor. Toute arme a ses faiblesses. Ces maudits elfes ont déjà démontré qu'ils pouvaient rivaliser face à un pouvoir qui leur était supérieur. Ne jouons pas toutes nos cartes en un seul tour. Analysons calmement la situation : Zlager a utilisé le Campement de la Kapitalrisk pour construire ses premières cuves et créer une armée de Trolls. Il a massacré la garde principale de Stormwind à Strangleronce et a assuré la position Est du Bois de la Pénombre. Il a détruit Darkshire et a conquis le Sud des Carmines avant de détruire Lakeshire. Hu, hu, hu. Il laminera ensuite le camp de bûcherons d'Eastvale, puis Goldshire d'où il lancera l'attaque finale sur Stormwind. Hu, hu, hu. Katrana enfourcha son gryphon qui s'envola vers la capitale. Je dois m'assurer que j'ai la confiance de tous les hommes les plus riches de ce monde, ainsi le monde entier s'effondrera tel un château de cartes lorsque je leur ordonnerai de cesser tout commerce. Quand je détiendrai le conglomérat des voyages aériens, je couperai les moyens de communication entre les différentes cités. Le brouillard général nous profitera et dans le chaos qui s'ensuivra, un gouvernement d'Oligarques se mettra en place pour assurer un pouvoir temporaire et donner à la population un apport de nourriture et de ressources premières. Oui, hu, hu, hu, le monde est à ma portée.

***

Des larmes coulaient sur les joues d'Aramile, tandis qu'Azhag et Thùle s'agenouillaient comme terrassés par ce qui venait d'arriver. Un flot de sang, une vague d'écume rougeâtre coulait maintenant le long des Carmines. Combien de morts ? Y avait-il au moins un survivant ? Un seul pour témoigner de ce carnage, afin que tout cet héroïsme n'ait pas servi à rien.

Zlager se releva péniblement, retrouvant sa forme première. Il s'épousseta tout en sortant un mouchoir blanc de sa veste extensible. Il essuya le sang qui perlait de ses blessures et qui n'était déjà plus que de minces estafilades grâce notamment à la réduction de son corps.

- Partez, dit Holfroy. Je les retiendrai le temps qu'il faudra pour que vous soyiez loin.

- Ne dis pas n'importe quoi, protesta Leto. Kazzak va te tuer d'une seule main.

- Nous n'avons pas le choix. Toi et Azhag, enserrez-le dans une gangue de glace et filez.

- Mais... mais..., balbuti Aramile. Je ne veux pas te laisser Hol...

- Il faut bien que quelqu'un prévienne Stormwind...

- Eh, lança Azhag. Où sont passés Thùle, Rippern et Pierre ?

Les Darkangels regardèrent autour d'eux mais il n'y avait plus signe de vie de leurs compagnons. Kazzak se tourna alors vers eux et fit craquer ses doigts.

- Je vais m'occuper de vous, dit-il. Histoire de terminer le travail.

Le monstre serra les poings. Un flot d'énergie noire entoura son corps. Aramile et Leto disparurent elles aussi.

Kazzak colla ses paumes de main l'une contre l'autre, une boule d'énergie maléfique apparut.

- Arrête ! cria le Baron gobelin dans le tumulte. Tu vas détruire toutes les Carmines.

- C'est mon but cher Zlager, sourit Kazzak.

Il remarqua alors qu'il ne restait plus que deux ennemis face à lui.

- Bon sang, ragea-t-il. Ces maudits démonistes !

Holfroy se mit en position de défense devant Azhag.

- Inutile ! hurla le monstre tandis qu'il lançait sa boule vers les deux derniers Darkangels.

Ceux-ci disparurent au moment où l'attaque parvenait au menton d'Holfroy. La boule ne rencontrant plus d'obstacle continua sa course jusqu'à l'hôtel de ville de Lakeshire. Une explosion étrangement silencieuse s'en suivit. La ville se consuma, un cratère gigantesque se creusa où l'eau du lac Everstill s'engouffra.

Kazzak était maintenant haut dans le ciel, ses ailes battant la mesure pour assurer sa position. Dans sa main gauche, il tenait fermement Zlager.

- Argh ! cria celui-ci. Mon Bio-robot ! Mon Bio-robot !!

- Ne fais pas tant d'histoires pour un tas de ferraille. Tu t'es déjà assez fait humilier par ces vers de terre. Sans mon intervention, ils t'auraient vaincu.

- Pas... pas du tout ! Je n'avais pas encore usé de tous mes pouvoirs.

- Pfff... Bon retournons à Strangleronce. Nous allons envoyer un émissaire pour prévenir Onyxia des derniers évènements.

- Mais... Mais... Regarde les dégâts que tu as causés ! Dame Onyxia avait demandé d'agir avec des troupes pour cacher la véritable nature de notre force et de nos ambitions. Et toi tu débarques et anéantit Lakeshire en une seule attaque.

- Peu importe Gobelin.

- Que penses-tu qu'il va se passer maintenant ? Tous les aventuriers d'Azeroth et Kalimdor vont te traquer ! Ce qui semblait un combat entre horde et alliance, va passer à un niveau supérieur. Toute la communauté va se sentir...

Kazzak lâcha Zlager qui tomba dans le vide en hurlant. Le démon se mit à battre des ailes plus rapidement vers le gobelin et le rattrapa par la jambe.

- Maintenant, ferme-là.

Et ils se dirigèrent vers Strangleronce.

***

Je suis mort, pensa Holfroy. Quand il rouvrit les yeux il se trouvait à Goldshire avec tous les autres membres de sa guilde qui avaient participé à la bataille. Baissant les yeux, il vit Kalhu, le démoniste, un autre membre des Darkangels qui lui souriait.

- Il s'en est fallu de peu, dit ce dernier.

Holfroy prit le gnome dans ses bras.

- Ah merci, merci mon ami ! dit-il en le serrant fort.

Puis, le paladin vit les autres, tous ceux qui avaient pu échapper au massacre des Carmines, grâce à des portails de mage ou des appels de démonistes restés à l'écart.

- Combien ont pu être sauvés ? demanda Azhag.

- Une centaine, répondit Kalhu.

- Une centaine sur... ?

Le visage du démoniste s'assombrit.

- Une centaine sur environ mille cinq cent.

- Bon sang, jura Pierre. Je dois retourner là-bas avec d'autres prêtres et paladins pour essayer de ressusciter ceux qui peuvent l'être encore.

- Inutile, dit Holfroy. A mon avis, il ne doit plus rester grand chose de Lakeshire.

- Et maintenant qu'allons-nous faire ? demanda Leto.

- Organiser une grande réunion de toutes les grandes guildes d'Azeroth et Kalimdor afin de lancer des raids sur Strangleronce et Blackrock, répondit le paladin. C'est à Strangleronce que se trouve la base du gobelin. Kazzak l'a appelé Zlager. Et c'est à Blackrock que sont fabriquées les Sentinelles qui ont attaquées Lakeshire.

- Attaquer Strangleronce, je veux bien, dit Kalhu. Mais Blackrock, c'est de la folie.

- Pas si nous sommes assez nombreux. Ils viennent de déclarer la guerre aux Humains.

- Leto, Holfroy et moi, nous avons capturé un Troll à Strangleronce, dit Aramile, et nous avons sondé sa psyché à Darnassus. Il nous a révélé l'attaque sur Lakeshire ce qui nous a permis d'intervenir. Nous avons pu aussi voir le lieu où l'ennemi a été engendré...

- Engendré ? coupa Leto.

- Oui, ça n'est pas un Troll. C'est une sorte d'hybride, un squelette mécanique couplé à un cerveau organique. Je n'avais jamais vu une telle forme d'existence jusqu'à aujourd'hui.

- Mais depuis combien de temps de telles manoeuvres ont-elles lieu, s'insurgea Thùle. Sommes-nous donc aveugles pour ne pas avoir remarqué le moindre indice sur ce qui se tramait contre Azeroth ?

- Ne perdons pas plus de temps, dit Holfroy. Organisons dès à présent la riposte.

***

Katrana se posa sur les contreforts du donjon de Stormwind. Urbella l'attendait, un demi-sourire aux bords des lèvres.

- Et bien ? demanda Katrana en descendant de sa monture.

- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, dit Urbella.

-Bah ! Ne tergiverse pas !

- Nous avons remporté la bataille des Carmines mais au prix de la destruction de toute notre avant-garde. Kazzak est intervenu, à la place de Lakeshire, il y a un nouveau lac.

La colère déforma le visage de Katrana.

- Quel pauvre idiot !! ragea-t-elle. Y a-t-il eu des survivants du côté de l'Alliance ?!

- Je ne pense pas mais sait-on jamais. De toute façon, la disparition de Lakeshire ne restera pas longtemps invisible aux yeux du monde.

- Heureusement que j'avais demandé d'être discret dans l'utilisation des pouvoirs !

Katrana frappa un créneau, celui-ci s'effondra sur lui-même.

- Ah bon sang !

Urbella remarqua alors le pommeau qui luisait dans le fourreau attaché à la taille de Katrana. L'arme eut sur elle un effet hypnotique et elle fut prise de vertiges. Elle secoua la tête pour se rétablir.

- Vous avez eu ce que vous vouliez ? demanda-t-elle.

- Oui. Tu vas aller voir Kazzak et tu lui diras qu'à la prochaine bourde, j'irai lui régler son compte.

- Mais Ma Dame...

- Va.

- Mais Ma Dame, il va me tuer.

- Va te dis-je !

Urbella n'insista pas. S'opposer à Onyxia, c'était la mort assurée. Elle gageait également que ce qu'elle devait dire à Kazzak ne serait pas bon pour elle. Il faudrait encore qu'elle use de sa faconde habituelle pour passer entre les gouttes. Elle avait longtemps attendu l'ouverture pour tenter de sauver Herin Strom mais avait abandonné, Onyxia obtenant toujours plus de puissance. Le passé... Il ne servait à rien, sauf à avoir des regrets sur les occasions manquées.

***

Sicky se réveilla quand Aldrion et Petitpoison abordèrent le pont de Stormwind.

- Où sommes-nous ? demanda la jeune fille.

- Au point d'arrivée, dit Aldrion.

Il la fit descendre de son dos. Elle regarda l'entrée gigantesque, la statue imposante, les drapeaux qui battaient fièrement au vent. Sicky n'avait pas imaginé une construction aussi démesurée. Ils pénétrèrent tous les trois dans la ville et s'arrêtèrent dans une auberge.

- Désaltérons nous et mangeons un peu, dit Petitpoison.

- J'ai un appartement dans le Vieux Quartier, dit Aldrion. Nous pourrons y aller après pour préparer notre enquête.

- Avant je veux aller chercher des affaires à la banque.

Ils prirent une tablée et se firent servir un repas aux effluves appétissants mais le coeur n'y était pas. Aldrion chipota dans son assiette tandis que Petitpoison mangeait avec lenteur et que Sicky semblait attendre qu'on lui donne l'autorisation de plonger sa fourchette dans l'assiette.

- Déjà, dit Petitpoison, nous sommes « personna non grata » au donjon de Stormwind. Nous aurons donc du mal à accéder à la bibliothèque royale. Nous allons nous focaliser pour le moment sur des rencontres : une avec Jennea Cannon dans le quartier des mages, une autre avec Caledra Dawnbreeze, une elfe, dans le quartier des nains, enfin une dernière, Place de la Cathédrale, pour interroger l'Archevêque Benedictus.

- Pourquoi ceux-là ? demanda Aldrion.

- Parce qu'il faut bien commencer quelque part et que nous devons savoir si les hautes instances sont corrompues ou pas. Benedictus dirige l'Eglise de Stormwind, Jennea Cannon, l'ordre des mages et je dois transmettre un message à Darnassus par l'entremise de Caledra Dawnbreeze. Cela te va ?

- N'oublie pas que Sicky est inconnue des services de Stormwind. Elle pourrait aller à la bibliothèque royale.

Petitpoison regarda autour d'elle. Le brouhaha de l'auberge couvrait leur conversation.

- Pour le moment, Sicky nous suit. Si elle sent quelque chose de louche, elle nous prévient.

- Bien, acquiesça la jeune fille.

- Une fois que nous saurons à qui faire confiance, nous essayerons de renverser Dame Prestor et nous délivrerons le Roi de Stormwind.

- Que t'est-il arrivée aux Carmines ? demanda Aldrion à Sicky.

- Je... Je ne sais pas, répondit la jeune fille, j'ai senti que la vie quittait des centaines de corps, j'ai vécu leurs derniers instants en une seule fois, une douleur immense m'a traversée, une douleur que je n'ai pas supportée. (Sicky s'assombrit.) Je ressens trop les choses. Cela me terrifie parfois, j'entends tellement de voix dans ma tête.

- Et en ce moment ?

- J'ai juste un brouhaha ténu au seuil de ma conscience, mais j'ai appris à me focaliser sur une seule personne, cela effaçant le reste du tumulte.

Ils terminèrent leur repas sans dire un mot puis rejoignirent l'appartement d'Aldrion non sans être passés par la banque de Stormwind.
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