Fanfiction World of Warcraft

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La quête de Mélissandre

Par ellonlutha#466

Chapitre 1 : Nuits agitées

Chapitre 2 : Emilie

Chapitre 3 : Mise à pied

Chapitre 4 : Tableau macabre

Chapitre 5 : Dalaran

Chapitre 6 : Précipitation

Chapitre 7 : Comme une grande

Chapitre 8 : Direction Strangleronce

Chapitre 9 : Loulou et Olga

Chaptire 10 : Espions

Chapitre 11 :Laissé pour compte

Chapitre 12 : Expédition Nesingwary

Chapitre 13 : KapitalRisk

Chapitre 14 : Transport de marchandises

Chapitre 15 : Déchargement de la cargaison

Chaptire 16 : La mobilisation du 6ème baraquement

Chapitre 17 : Insurrection

Chapitre 18 : Le dilemme

Chapitre;; 19 : Pauvre Fatalité

Epilogue

Il n'y avait pas de temps à perdre, il fallait à tout prix les... Le choc lui coupa le souffle. Elle tomba du cheval et atterrit par terre, dans la boue. Ses membres étaient douloureux. Non pas à cause de cette chute, mais à cause de cette horrible journée. Pas le temps d'y repenser, ils allaient arriver d'une minute à l'autre. Elle se releva tant bien que mal et boitilla quelques mètres avant de s'effondrer dans le sous-bois. Elle n'avait plus de force.
Quelques secondes plus tard, une troupe de trois cavaliers déboula à toute vitesse sur le chemin. Malgré l'obscurité, en cavalier aguerri, ils évitèrent tous la branche basse qu'elle avait heurtée. Elle entendit le bruit des sabots s'éloigner. Elle n'en était pas moins en danger. Qui sait ce qui rôde la nuit dans ces bois ? Mais, elle n'y pouvait plus rien car déjà le sommeil la prenait dans ses bras. Non...Elle n'y pouvait plus rien...

La petite fille se réveilla en sursaut. En se redressant si subitement elle heurta le nez de l'homme qui soignait ses coupures. Ce dernier jura quelques mots puis prit un air sévère.

"- Ah non ! Ne bouge pas, je n'ai pas que ça à faire ! Pourquoi devrais-je ramasser les gosses qui traînent dans les bois ? Ne méritais-je pas mieux ? Oh ! Bien sûr que si, j'aurais pu être commandant ou général tient ! Servir moi-même le roi, en personne ! J'aurais aussi pu être un célèbre héros. Et bien non ! Je me retrouve à soigner les enfants égarés triste monde ! Ah monde cruel !"

La jeune fille ne bougea pas d'un poil se demandant qui était cet homme, quel était cet endroit. En effet, elle se trouvait dans une sorte de tente beige, du moins c'est la déduction qu'elle en avait tirée en remarquant la toile. À bien y regarder, elle était allongée sur un tapis à même le sol, ce dit sol était en faits couvert d'épines et de feuilles. Oui, elle était bien dans une tente plantée dans la forêt. Légèrement sonnée, elle ne remarqua que quelques instants plus tard le vacarme en dehors de la tente. Des bruits métalliques, des voix toutes différentes, les hennissements des chevaux, les chopes contre les tables... Et l'autre qui continuait à se plaindre. Il n'était plus à ses côtés mais agenouillé près d'un coffre cherchant des vêtements. Elle ne remarqua qu'à cet instant qu'elle était en chemise grise avec son pantalon de pyjama rayé noir et blanc. Sa robe bleue tâchée et en lambeau pendant misérablement quelques mètres plus loin sur une chaise accompagnée du sac de grains qui contenait ses affaires.

Ses affaires. Ce qu'elle avait réussi à sauver la veille. Tout avait commencé tard dans la nuit. Le vacarme des voix, des rires et des chants l'empêchaient de dormir. Elle était dans la taverne de sa tante et de son oncle qu'elle considérait comme ses parents car ils l'avaient élevée avec leurs deux autres garçons. N'y tenait plus, elle avait pris sa couverture, son doudou et son petit couteau porte bonheur puis elle était descendue par l'escalier de derrière. Rejoignant l'écurie rapidement car la porte extérieure. Elle s'était endormie là, au-dessus des chevaux, dans le foin. Une odeur forte de fumée la fit se réveiller. À tâtons elle s'approcha des fins morceaux de bois servant de mur. Elle mit son oeil en face du trou que elle seule connaissait pour observer la cour. L'auberge brûlait de haut en bas. Elle entendit des voix, en bas, dans l'écurie. Elle colla son oreille au plancher. Ils parlaient peu fort, elle ne comprit pas grand-chose d'utile. Elle resta ainsi pendant plusieurs heures. Mais les hommes restèrent là. Il ne restait plus rien de l'auberge à part des cendres encore chaudes. Le soir arrivait à grands pas.

Elle descendit par la fenêtre à la nuit tombée, sautant sur le tas de bois puis par terre sans faire de bruit. Un seul cheval ne dormait pas dans l'écurie car il avait très mauvais caractère, elle devait s'enfuir, retrouver sa tante et son oncle. Grimpant à cru sur le cheval, elle le talonna. Il partit brusquement au galop, bondissant par-dessus la clôture. Entendant ce raffut, les hommes sortirent de l'écurie. Voyant quelqu'un s'échapper, ils prirent leurs chevaux et s'élancèrent à sa poursuite.

Elle sortit de ses pensées lorsqu'un homme plutôt bien équipé rentra dans la tente. Il portait son casque sous son bras et à chaque pas, son fourreau se balançait le long de sa jambe. Sa moustache exceptionnelle formait une espèce de champ de bataille à elle toute seule lui donnant un air sévère. Il s'arrêta toisant l'enfant.

"- Bonjour mademoiselle. Je suis le commandant Victor Gasdame. Vous êtes ici dans le camp de ma section, actuellement en mission, ici. Nous vous avons trouvé par le plus grand des hasards dans ce bois ce matin alors que la nuit vous avait très refroidi. Vous avez eu beaucoup de chance. La région est peuplée d'ours et de loups, oui, vraiment, vous avez beaucoup de chance. Quel est votre nom ?"

Légèrement intimidée par ce grand spécimen, elle eut du mal à ouvrir la bouche.

"- Je...Je m'appelle Mélissandre, monsieur. Mélissandre Coulomb."

Il sembla un moment pensif puis haussa les épaules.

"- J'espère que le sergent, ici présent ne vous embête pas trop. Lorsque vous vous sentirez prête à sortir, vous pourrez vous installer dans ma tente. On y trouve des gens de valeurs voyez-vous."

Ces derniers propos firent déglutir bruyamment le dit sergent qui apparemment était à cet endroit en guise de punition. Ne trouvant rien à répondre, Mélissandre osa adresser un sourire timide au commandant. Ce dernier s'inclina et sortit de la tente avec un pas théâtrale.
Le sergent se retourna vers la petite, il tenait dans ses bras un tabard usé dont les couleurs avaient déteint formant un ensemble à peu près grisâtre. De l'autre main, il portait une ceinture avec un fourreau vide pour une dague. Parfais, elle pourra y mettre son couteau. Elle attrapa le tabard qu'elle mit aussitôt, le serrant avec la ceinture car il était nettement trop grand. Le garde déchira les deux bouts qui traînaient par terre, lui faisant ainsi comme une longue tunique à manches courtes. Elle glissa son couteau dans son fourreau.

"- Merci monsieur le sergent."

Il la regarda droit dans les yeux et lui sourit en lui donnant une petite tape sur la tête. À y voir de plus près, il n'était pas si vieux que ça. Il aurait sûrement eu l'âge de l'aîné de ses deux cousins.
Le sergent lui donna également une paire de bottes beaucoup trop grandes qu'il bourra avec des chiffons. Elle perdait ses bottes mais au moins elle ne marchait pas pieds nus. Elle sortit de la tente en le suivant. Ils étaient dans une clairière au milieu d'une forêt de conifères. De multiples tentes avaient été dressées et des soldats s'étaient installés autour des feux de camp mangeant leur ration, jouant aux cartes, s'occupant de leurs armes ou discutant avec leurs camarades. Ils approchèrent d'une tente plus large que les autres. Le sergent souleva la toile et passa le premier, elle le suivit. À l'intérieur trônait une grande table avec des cartes. Des hommes dont le capitaine discutaient en pointant divers endroits sur la table.

"- ... Il faut d'abord suivre ce ruisseau là...Ah ! Tient, Damoiselle Coulomb."

Le capitaine fit signe à ses hommes de vaquer à leurs occupations tandis qu'il s'approchait de l'enfant.

"- Nous allons bientôt passer par le campement de la brigade de la Marche de l'Ouest. Enfin, quand nous aurons mené à bien notre mission. Je pensais vous laisser là-bas, nous ne pouvons malheureusement pas garder un enfant dans nos rangs. Je ferai en sorte que l'on vous mène à la capitale pour votre sécurité. Mais vous ne m'avez pas conté ce qui vous est arrivé."

Elle lui raconta ce dont elle se souvenait. Il l'écoutait en lissant sa drôle de moustache et en hochant la tête.

"- Oui, d'accord, oui, je vois. La Horde peut-être, les worgens, les morts-vivants... Oh, il existe de nombreuses factions en désaccord avec la nôtre. Mais, ne vous en faites pas, je ferai remonter cette histoire à mes supérieurs. Avez-vous de la famille quelque part ?

- Non.

- Oh... Je vois. L'orphelinat Rossignol à Hurlevent est un endroit très réputé, vous y serez à l'abri le temps que vous finissez votre enfance. Vous pouvez disposer."

Il fit un signe de la main. Le sergent et Mélissandre sortirent de la tente. Mais elle ne voulait pas aller à l'orphelinat. Hors de question. Elle devait découvrir qui avait brûlé l'auberge de son oncle et sa tante et pourquoi.

Elle décida malgré tout d'attendre dans le camp. Elle retourna donc dans la tente où elle s'était réveillée. Il fallait absolument qu'elle trouve d'autres bottes.

Elle n'en eut cependant pas le temps, à peine rentrée elle entendit le commandant beugler des ordres.

"- SERGENT, FAITES DEMONTER LE CAMP !

- Oui, capitaine !"

En quelques minutes les tentes avaient été pliées, ficelées et attachées aux chevaux. Les ustensiles et autres affaires se trouvaient à présent dans des coffres solidement fixés sur les mules. Chaque soldat s'était mis en ligne sous l'ordre du sergent, avec leurs mules. À présent, c'était le départ, ils marchaient l'un derrière l'autre, le capitaine en tête suivit de près par le Sergent. Quelques éclaireurs se trouvaient juste derrière eux, ils venaient de rentrer de mission tandis que d'autres balayaient encore les environs. Ils attendaient de nouveaux ordres. Mélissandre avait presque été placée en queue de file. Ils marchèrent toute la matinée puis firent une rapide pause lorsque le soleil était à son zénith laissant les chevaux boire et se restaurer tandis que eux-même mangeaient et se reposaient. Ils repartirent une heure après environ.
Mélissandre, s'émerveillant de la nature à chaque pas, avait hérité de la dernière place de la file, car les soldats qui devaient la suivre en avaient marre de traîner autant. Elle laissa rapidement la troupe prendre de l'avance même si plusieurs fois le dernier soldat l'avait interpellée pour qu'elle se dépêche. Lorsque ce dernier disparu de son champ de vision à cause d'un tournant du sentier, Mélissandre se mit à suivre un petit sentier à travers le bois faussant ainsi compagnie à nos amis de l'armée.
Mélissandre semblait assez fière d'elle. Selon elle, c'était la seule solution pour éviter l'orphelinat Rossignol. Et puis, un peu de liberté ne faisait de mal à personne. Maintenant, elle devait déterminer par où commencer son enquête sur cet incendie. Elle avait déjà une petite idée de sa première étape. Déjà, elle devait trouver des témoignages. Ses cousins feraient parfaitement l'affaire pour la renseigner sur leurs parents. Elle savait que l'un d'eux habitait dans la grande citée des mages : Dalaran. Le seul problème résidait dans le fait qu'elle n'avait aucune idée de comment atteindre la cité volante.

C'est en essayant de résoudre ce problème qu'elle entendit derrière elle une branche craquer. En se retournant elle vit un loup énorme lui bondir dessus. Elle parvint à l'éviter mais ce dernier revint à la charge. Cherchant un abri, elle se mit à courir le plus vite qu'elle pouvait en suivant le sentier, poursuivie par le loup. Le sentier menait à une drôle de clairière avec un grand bâtiment au centre dont la porte était fermée. Elle gravit les marches et tambourina à la porte. Quelqu'un lui ouvrit, et elle tomba à l'intérieur. Elle se releva rapidement et ferma la porte en se plaquant contre elle juste au moment où le loup y engouffrait son museau. Il couina, puis se mit à gratter sauvagement la porte. Mélissandre poussa le loquet et s'assit contre la porte d'accordant un moment pour souffler. Elle dévisagea la personne qui l'avait aidée. Ou plutôt l'enfant. C'était une petite fille, un peu plus jeune qu'elle qui venait de lui sauver la vie. Cette dernière la regardait, terrifiée par le vacarme des loups, en serrant un lapin très fort contre elle. D'un coup elle prit la parole.

"- Tu crois qu'ils vont rester ? Monsieur Toumou a très peur. Nous aussi, on se cache. Et puis, on est perdu aussi. Toi aussi tu cherches le camp des soldats ?

- Non, moi justement je ne veux pas y aller. Mais ils vont sûrement envoyer de l'aide pour me retrouver, et ils te sauveront aussi, avec monsieur Toumou. Moi, je cherche Dalaran.

- Oh, mon frère Walter il m'en a déjà parlé. Mais c'est loin, je crois, vers le Nord Ouest. Sinon moi je m'appelle Emilie.

- Bah, moi c'est Mélissandre. Ils sont partis les loups ?"

Effectivement, les assauts contre la porte semblaient terminé. Mélissandre osa entrebâiller la porte tandis qu'Emilie se cachait au fond avec Monsieur Toumou. Aucun loup à l'horizon. Mais d'un coup, ils entendirent un glapissement et une chute. De loin, Mélissandre croyait apercevoir une sorte de bagarre entre les loups et une personne. Les loups tombèrent les-uns après les-autres. L'étrange personnage s'approchait de la tour où les deux petites filles attendaient.

"- Oh, non, voila quelqu'un."

Mélissandre se cacha derrière une pile de tonneaux tandis qu'au contraire, Emilie courut vers la porte. Elle l'ouvrit en grand et fit signe à la personne.

"- Excusez-moi, est-ce que vous savez comment rentrer au camp des soldats ? Monsieur Toumou et moi, on voulait se promener dans les bois, et Walter, mon frère, devait venir avec nous, mais il a eu des trucs d'écuyer à faire. Alors, Monsieur Toumou et moi, on est partis tout seuls, mais on s'est perdus, et puis il y a eu des loups affamés, et puis on a trouvé cette tour. Les loups sont partis, mais on est toujours perdus. J'ai demandé à Monsieur Toumou, mais il ne sait pas rentrer. Vous voulez bien nous aider ? S'il vous plaît ?

- Mmh...

- Oh ! Merci ! Je savais bien que vous voudriez bien m'aider !"

La petite posa monsieur Toumou au sol et se mit à trottiner à côté de l'inconnu qui s'éloignait vers le campement des soldats. Mélissandre n'eut pas le temps de savoir de qui il pouvait bien s'agir. Sachant la voie libre, elle sortit du refuge et prit la route qui semblait aller vers l'Ouest.
Elle entendit un cri lointain "Oh, un loup attaque monsieur Toumou !". Elle haussa les épaules se disant que l'inconnu l'aiderait sûrement comme lorsqu'il avait terrassé les autres loups.

La route pivotait lentement vers le Sud, mais Mélissandre ne se laissa pas démonter par ce changement jugeant que si le chemin tournait vers le Sud, il pourrait tout aussi bien revenir vers l'Ouest. Au bout de quelques heures, elle arriva à un croisement balisé par un panneau indicateur. Il n'y avait pas d'indiqué Dalaran. Elle ne souhaitait pas revenir sur ses pas, deux choix s'offraient donc à elle. L'une des deux routes descendait vers le Sud, il était indiqué "Grisegueule", l'autre se perdait rapidement dans des virages et menait à un chantier d'abattage et une certaine "Drak'Tharon". Elle ne savait pas trop ce que s'était ni l'un ni l'autre. Elle suivit le chemin du Sud en ce disant que "Drak-machin" sonnait comme un nom de la Horde et qu'ils étaient pas gentil avec l'Alliance.
Le chemin passait sous un énorme tronc d'arbre taillé pour favorisé le passage. Elle le traversa sans encombre. De l'autre côté, une vieille femme avait installée son camp avec un roulotte. Elle avait un bandeau sur les yeux, signe surement qu'elle était aveugle. Aveugle ne signifie pas dénudé de sens, c'est ainsi qu'elle se tourna vers Mélissandre lorsque celle-ci approcha.

"- Que voulez vous ?

- Euh..Excusez-moi madame, je cherche un endroit où passer la nuit.

- D'accord. Tu peux rester avec moi dans ma roulotte petite. Tu peux m'appeler Ruuna même si on m'appelle aussi Ruuna l'Aveugle."

Elle resta en compagnie de la vieille femme toute la soirée. Elle apprit ainsi qu'elle pouvait voir le passé et l'avenir. Mais Ruuna la gronda lorsqu'elle demanda de voir ce qui était arrivé à son oncle et sa tante : Voir le passé était dangereux et voir l'avenir portait de lourdes conséquences et ce n'était sûrement pas à une petite fille que l'on laissait voir des choses qui changeraient leurs vies. Elle passa la nuit dans la roulotte, se réveillant en sursaut à chaque hurlement de loup. Heureusement, le feu de camp les tenait à distance.
Au petit matin, la petite fille demanda à Ruuna l'aveugle où se trouvait Dalaran. Celle-ci éclata de rire.

"- Ah, tu es brave, mais Dalaran est très loin tu sais."

La femme prit un bâton et traça grossièrement une carte du Norfendre.

"- Regarde, nous sommes ici, aux Grisonnes. Là, c'est la Désolation des Dragons, un endroit très dangereux. Il y fait très froid, et il y a beaucoup de monstres. Mort ou pas. Et là-haut, c'est la forêt du Chant de cristal, c'est très beau mais également très dangereux, peut-être plus que la Désolation des Dragons. C'est au-dessus de ce pays que se situ Dalaran. Tu ne peux pas y aller à pied, il faut un griffon, un portail...Enfin, ce n'est pas possible à pied. Oui, en griffon c'est possible malgré le froid en altitude."

Elle continua ainsi pendant un petit moment à lui dire ce qu'elle pourrait faire ou pas et quels seraient les chemins à prendre. Mais pendant ce temps, à l'autre bout de la forêt se tramaient d'autres évènements.

"- Comment ça, disparue ?! Mais je vous confie à nouveau une mission et vous échouez lamentablement ! Croyez-vous avoir une place dans cette garnison Sergent ?! Retournez fouiller tout le camp ! Et vous avez intérêt de la retrouver entre deux tentes sinon je vous mets à pied pour le restant de vos jours !"

Le pauvre sergent, paniqué fit un rapide salut militaire et quitta la tente au pas de course. Il fouillait dans tous les coins qu'il trouvait, lorsqu'il entendit la conversation entre un des écuyers et sa soeur :

"- Elle nous a dit qu'elle s'appelait Mélissandre, mais elle n'est pas venue avec nous."

Il interpella la petite.

"- Dis-moi, vers où est-elle partie alors ?

- Oh, elle nous a demandé si nous savions où était Dalaran. Mais ni moi ni monsieur Toumou ne savions.

- D'accord, d'accord. Merci petite."

Il fonça directement vers la tente du Commandant. Ce dernier discutait avec plusieurs autres hommes dont le capitaine Roidemantel et ses deux sergents. Il patienta plusieurs minutes le temps que ces messieurs terminent. Le Commandant Gasdame se tourna vers lui.

"- Alors ? Dois-je vous mettre à pied ou vous féliciter ?

- Ni l'un ni l'autre, je n'ai pas retrouvé la jeune fille mais je sais où elle va.

- Expliquez-vous sergent Randet.

- Une petite fille l'a aperçut, elle se dirige vers Dalaran.

- Bien, les occasions me poussent à vous donner une dernière chance. Retrouvez-moi cette gamine, il ne faut en aucun cas que mes supérieurs apprennent ma faute. Et puis, nous ne voulons pas son mal mais la protéger. Nous serions irresponsables de la laisser dans la nature avec toutes ces bêtes, le fléau et je ne sais quel autre danger. Tenez, la Horde ? Si la Horde la capturait, quelle en serait notre réputation. Oh, je n'ose même pas imaginer. Vous êtes mis à pied Sergent, mais vous pourrez être réhabilité si vous retrouvez la petite avant que quelqu'un ait l'idée de parler de sa disparition. Récupérez des affaires civiles chez l'un des commerçants du coin et filez. Demandez aussi une partie de votre paie, vous en aurez plus après. Peut-être même un grade en plus de votre réhabilitation en hommage à votre action "héroïque" de sauvetage d'enfant."

Le sergent exécuta un nouveau salut et sortit de la tente, moins pressé. Il se dirigea vers un homme qui nettoyait un casque en exposition.

"- Intendant McCarty, je voudrais des habits de civil pour une mission donnée par le commandant Gasdame.

- Le Commandant m'a déjà remis un communiqué, votre armure vous attend là ainsi qu'une bourse. Vous avez ordre de me remettre vos habits de fonction. Désolé pour votre mise à pied sergent. Sachez que je faisais partie des gens qui vous admiraient. Je suppose que vous ne voulez pas évoquer la raison de votre expulsion.

- Exact, McCarty, bonne continuation à vous."

Il alla dans la tente trouver son nouvel équipement. Il laissa là ses vieilles affaires tout en accrochant la bourse à l'intérieur de son plastron de cuir. Une fois dehors, il prit son cheval, et se mit en route vers Dalaran.
Mélissandre avait quitté la roulotte depuis au moins trois heures. Elle marchait continuellement depuis. Ruuna l'Aveugle lui avait donné quelques pièces d'argent, un sac et un repas. La petite fille trouvait cette dame bien gentille et elle trouvait dommage de ne pas rester avec elle. Peut-être qu'elle reviendrait après son enquête. Au dernier croisement elle était partie vers le Nord comme l'avait suggérée l'honorable dame. Elle avait soigneusement évité le poste de la Tremblaie car à ce qu'on disait il y vivait des braconniers pas très sympathique mais elle n'avait pas été vérifier. Elle avait ensuite passé la rivière grâce à un pont. Elle trouvait que ça faisait drôlement longtemps que personne ne l'avait embêtée. C'est alors qu'elle entendit un bruit de sabots. Alliance ou Horde ? Ennemi ou ami ? Vite fait, elle plongea dans le sous-bois et se cacha parmi les arbres. Un homme monté sur un cheval passa, il cherchait visiblement quelques choses. Elle crut reconnaître le sergent, mais il n'avait pas son armure, ça ne pouvait pas être lui. Elle patienta un moment, jusqu'à ce qu'elle n'entende plus rien d'autre que les oiseaux. Elle avait une mauvaise impression. Cependant elle continua son chemin, tout droit toujours. C'est alors qu'au détour d'un tournant, elle s'arrêta net. Devant elle, à travers les bois, elle distinguait le bastion de la Horde. Un immense bâtiment cerclé de métal. Personne ne devait pouvoir s'en échapper. Elle en eut des frissons. Elle coupa à travers bois pour rejoindre la prochaine boucle de sentier et ainsi ne pas trop s'approcher de l'immense forteresse.

Au bout d'une dizaine de minutes, elle distingua une nouvelle tour. Celle-là, d'après l'Aveugle, était habitée par des orcs, une sorte d'avant-poste. Mais, il régnait un chaos pas possible. Une odeur forte la prit au nez. Une odeur affreuse, elle réprima un haut-lecoeur et continua d'avancer. Les membres de la Horde s'étaient fait massacrer. Ses yeux ne pouvaient se détacher du charnier et elle continuait à avancer, toujours et encore. Les corps orcs et taurens étaient mélangés aux corps humains. Tripes, sang, cervelle formaient comme un tapis au sol, mélangé formant de drôle motif sanglant. Les corps avaient des angles improbables. Certains regardaient le ciel, les yeux exorbités, d'autres semblaient rire, la bouche grande ouverte. Cette fois, elle ne put retenir, s'agenouillant, elle vida son estomac rajoutant des couleurs dans cette scène macabre. Elle commença à paniquer, sa vision devenait floue, ses genoux menaçaient de céder sous son poids. Elle allait s'évanouir, au milieu du massacre. Elle se sentit projeter, et tomba lourdement au sol. Quelqu'un plaqua sa main sur sa bouche tandis qu'elle entendait une troupe de soldats lourdement équipée venir. Ce quelqu'un lui chuchota "Pas de bruit" à l'oreille.

Elle ouvrit les yeux. Ils étaient sous le bâtiment. Dehors, des orcs regardaient le massacre et parlaient dans leurs langues. Quelques-uns d'entre eux partirent vers leur bastion, les autres commencèrent à entasser les corps humains.
Elle leva les yeux vers celui qui plaqua sa main sur sa bouche. C'était un jeune homme, habillé entièrement de vert. Il la regarda et lui fit signe de ramper derrière lui. Ils sortirent par l'arrière et coururent jusqu'à la rivière. Après avoir repris leur souffle, il se tourna vers elle.

"- T'es une écarlate ?

- Non.

- Mais qu'est ce que tu fous là alors. On a déjà assez d'ennuis avec la Horde pour avoir une gamine dans les pattes ! Deux secondes après et t'étais bonne pour l'arène ! T'imagine, les loups qui viennent te manger et qui te cours après. Ils attendent que t'es fatiguée, et après, quand t'es à bout de souffle ils te dévorent."

Mélissandre se recroquevilla sur elle-même et se mit à pleurer, encore sous le choc. Il vint s'installer près d'elle et lui posa une main sur l'épaule.

"- Désolé, c'était affreux. On en voit rarement autant, et puis, ça fait toujours super mal la première fois. Moi c'est Ruffin. Pour te servir.

- ...Mélissandre...

- Tu vas où comme ça, toute seule ?

- Dalaran.

- Oh, ça fait un paquet de chemin."

Il demeura quelques instants silencieux, cherchant sans doute un moyen d'y aller sans danger.

"- Je ne connais pas de chemin sûr. Je t'accompagne.

- Hein...Mais on ne se connaît même pas !

- Bah justement, moi je n'ai rien à faire dans ce fichu pays, alors je viens avec toi. Et puis, moi aussi je vais à Dalaran. Je dois apporter une missive du gîte Ambrepin."

Elle accepta, un peu méfiante. Ensemble ils traversèrent la rivière. Il faisait de plus en plus froid, tout commençait à être gelé, et la neige recouvrait petit à petit les bas côtés. Ils marchaient côte à côte, en silence, guettant la moindre chose susceptible de les mettre en danger. Plusieurs fois un bruit les avait figé, puis rien, ou alors un lapin était sorti des fourrés. Mais là, le vacarme était beaucoup plus puissant, et l'odeur de pourriture aussi. D'un coup, percevant un mouvement sur sa gauche, Ruffin poussa Mélissandre dans le fossé et la suivit aussi sec. Ils risquèrent tout deux un oeil. Des morts-vivants. Mélissandre se recroquevilla cherchant à échapper aux regards sinistres qui surveillaient les lieux. Ruffin se laissa glisser un peu dans la neige puis se releva quelques mètres plus loin. Il se mit à avancer péniblement dans la neige. Mélissandre le suivit. Au bout de quelques minutes, ils distinguèrent un immense monticule de neige. Pour ne pas se fatiguer, ils entreprirent de faire le tour par le bas. La neige se détacha sous la pression des deux mains qui se servaient du monticule pour avancer plus aisément. Un gigantesque os apparut ainsi au grand jour. Mélissandre eut un mouvement de recul. Ruffin lui, ne semblait pas du tout surpris.

"- Ouah, cette chose devait être immense.

- Un dragon, il y en a des dizaines dans la région. Je ne sais pas ce qui c'est passé ici. Dépêchons, si les morts font une patrouille, ils nous trouveront, ne risquons rien."

Il lui tendit le bras pour l'aider à avancer. Ainsi, agrippée à lui, elle parvint à son niveau. Puis, tout en lui tenant le bras ils continuèrent à avancer vers l'Ouest, suivant la pente de plus en plus raide. Jugeant que c'était bon, ils remontèrent sur le sentier tant qu'ils le pouvaient encore. Leurs bottes étaient trempées ainsi que leurs pantalons. Le froid les engourdissait, mais ils continuaient à marcher quand même, à une allure réduite. Arrivant à un croisement, un panneau indicateur leur indiqua de suivre la grande route. Le sentier qui montait menait vers un camp de réprouvé, ce n'était pas une bonne idée du tout. Mais devant eux, entre les arbres, ils distinguèrent des hommes en armure rouge.

"-...Des écarlates, croassa Ruffin de sa voix durci par le froid."

Ils s'accroupirent dans la neige cherchant un moyen de passer. Quand d'un coup, ils entendirent un coup de fusil. Les écarlates tournèrent la tête, sortirent leurs armes de leurs fourreaux et chargèrent leurs ennemis. L'un d'eux parti en courant prévenir ses amis de la forteresse d'un danger immédiat. Il fut transpercé d'une flèche. Une silhouette agile se glissant dans le dos des ennemis en descendant d'un arbre tandis qu'un individu apparemment musclé les chargeait par-devant. Un troisième individu apparut sur leur champ de vision, le propriétaire du fusil et visiblement d'un animal terrifiant qui, à toute allure, venait de projeter un des écarlates à plusieurs mètres.
Ruffin arracha Mélissandre à sa contemplation du combat : Il fallait profiter de la diversion. En oubliant leurs muscles raidis par le froid, ils se remirent à marcher, le dos légèrement courbé pour moins risquer de se faire voir. Ils longèrent la falaise tout en ne quittant pas le combat des yeux.

Ils arrivèrent à une intersection à nouveau puis prirent le chemin de l'Ouest. Les arbres se faisaient de plus en plus rares. Le chemin se mit à descendre doucement. Passant un tournant, ils découvrirent un incroyable paysage. Une immense étendue de neige et de glace avec quelques pitons rocheux par endroits. On distinguait aussi de vieilles carcasses de dragons recouvertes en partie de neige. Puis, au milieu de ce désert se dressait une tour visiblement très ancienne.
Suivant des yeux le chemin, Mélissandre se rendit compte qu'il s'arrêtait progressivement jusqu'à laisser la neige prendre le dessus. Mais Ruffin lui fit remarquer un autre détail.

"- Des dragons, regarde."

Il pointait le doigt vers la tour en effet, d'immenses bêtes volaient au-dessus et semblaient patrouiller continuellement autour d'elle.

"- Ce sont des dragons rouges pour la plupart, expliqua-t-il, il ne faut pas en avoir peur, ils sont amicaux avec nous, les humains, et avec les autres races aussi. Peut-être voudront-ils bien de nous pour la nuit.

- On va aller sonner à leur porte pour demander l'hospitalité ? Ce n'est pas un peu...dangereux ?

- As-tu une autre solution ?"

Elle ne répondit pas et il se mit à avancer. Lentement et difficilement dans la neige, ils avançaient vers la tour. Mais elle semblait toujours aussi loin. Ils marchèrent longtemps. Une heure ? Quelques dizaines de minutes ? Mélissandre ne savait pas trop. La nuit tombe vite dans le grand nord. Il faisait déjà nuit depuis longtemps lorsqu'ils gravirent les gigantesques marches sous les yeux interrogateurs des immenses Protecteurs du Repos du ver. L'un d'eux tapota l'épaule d'une elfe de la nuit puis désigna vaguement leur direction. Elle posa ses yeux sur eux puis les détailla un instant. À ce moment-là, Mélissandre comprit que ce n'était pas vraiment une elfe de la nuit. Elle était autre chose en même temps. Cette dernière s'avança vers eux d'un air décidé.
"- Salutations à vous, voyageurs. Que nous vaut l'honneur de ce déplacement ?

- Eh bien, chère dame, entama Ruffin, nous souhaitons avoir l'immense honneur de devenir votre hôte."

"L'elfe-chose" les toisa un moment, les examine de haut en bas et usant sûrement de magie ou de quelques autres maléfices que se soit pour les identifier.

"- Allez voir dame Lamevraie, vous la reconnaitrez avec son tabard de l'Alliance. Bon séjour."

Sur ces quelques mots, "l'elfe-chose" tourna les talons et repartit à ses activités.
Sur les talons de Ruffin, Mélissandre rentra ainsi dans l'immense tour. L'intérieur était tout aussi impressionnant, une immense salle s'élevant à plusieurs dizaines de mètres. Les quelques personnes rassemblées en bas semblaient ridicules. Mélissandre regardait partout autour d'elle, elle regardait avec admiration le bâtiment. Elle remarqua que le plafond était peint et qu'il représentait des sortes d'êtres avec des ailes. Peut-être les fameuses Val'kyrs dont elle avait entendu parler. Puis, se rappelant qu'elle n'était pas ici pour admirer l'architecture, elle baissa la tête et chercha autour d'elle Ruffin. Il s'était éloigné et parlait avec une elfe au tabard de l'Alliance, surement la fameuse Lamevraie. Elle s'approchait au moment où l'elfe désigna un coin derrière les étales puis s'éloigna.

"- Ah, te voilà. La dame m'a dit qu'on pouvait dormir ici, à condition de ne pas déranger."

Ils passèrent une nuit agitée à cause des souvenirs de la journée et ils étaient transis de froid.
Il chevauchait depuis deux jours. Rien, rien, toujours rien. Personne n'avait vu une petite fille aux cheveux châtains et aux yeux bleus. Personne du nom de Mélissandre Coulomb. Rien, rien, rien. Peut-être que l'enfant avait changé de voie. Il plaça ses doigts gercés autour de sa tasse de thé. Même les aventuriers qu'il avait croisés n'avaient rien vu d'autres que des écarlates ou des morts-vivants.
Il porta la boisson à ses lèvres, but quelques gorgées puis la reposa à côté de sa carte. Il l'avait acheté à un marchand de passage qui lui avait déclaré que c'était une carte très précieuse...Il avait finalement réussi à l'acheter pour la somme élevée de 52 pièces d'argent, la moitié du prix d'un livre. Précieuse ou pas, la carte était tâchée de sang. Randet ne savait pas qui avait été l'ancien propriétaire mais il ne doutait pas qu'il ait passé la limite entre la mort et la vie. Peu importe. Où avait bien pu passer cette gamine ?!
Peut-être que l'enfant était morte ou alors elle avait trouvé un moyen de voyager comme un mage ou un chevaucheur de griffon. Il ne pouvait pas attendre trop longtemps sinon elle lui échapperait aussi à Dalaran.
Il hésitait ? Aller maintenant chercher un mage pour qu'on lui fasse un portail vers la ville, ou attendre encore une journée ou deux ?
Il reprit sa tasse et la finit d'une traite. Mieux valait atteindre la ville, la petite fille y arriverait forcément si elle n'était pas morte. Il pourrait demander à tous les habitants s'ils l'avaient vu et si personne ne l'avait vu c'est qu'elle n'y serait pas encore arrivée. C'était une bonne idée. Il se leva et roula sa carte puis remit ses gants.
Il descendit les marches de l'auberge, remercia le tavernier puis sortit. Il resta un instant sur le palier à observer les gens affairés ou les quelques clients qui allaient vers l'auberge. Plus loin il vit qu'un homme habillé de vert discutait avec le maître de vol de griffon. Il alla vers les clients et leur demanda s'ils avaient aperçu une petite fille. Personne ne l'avait vu. Tant pis.

Il remonta son sac sur son épaule et se dirigea vers le nichoir à griffon. Le maître des griffons était à présent tout seul, l'homme en vert était parti sans doute. Il acheta un ticket de griffon à un prix onéreux. L'homme lui désigna un griffon pour la route. Il grimpa dessus.

"-Attention au froid glacial."

Il tapa un léger coup à l'arrière du griffon du bout des doigts et ce dernier s'envola. Randet tourna la tête vers le sol, se sentant pris de vertige. Ah qu'il déteste ces bestioles. Il remarqua alors une petite fille qui marchait au côté d'un homme...habillé en vert. Il pesta mais au moins il savait qu'il arriverait à la grande ville avant eux. L'homme devait sûrement aller à Dalaran aussi pour une quelconque raison, il n'aurait qu'à attendre que l'enfant soit seule.


Mélissandre leva les yeux vers le griffon qui s'envolait. Elle croyait avoir reconnu l'homme de loin lorsqu'il achetait un billet. C'était le même cavalier qui l'avait doublé dans la forêt. Celui qu'elle avait pris pour le sergent. Bizarre. Ruffin avait été acheter les tickets pour le lendemain. Ça leur laisserait le temps de sécher leurs vêtements pour pas qu'ils ne gèlent pendant le trajet ainsi que le temps de se restaurer et de se reposer.

Ils rentrèrent dans l'auberge et s'installèrent à une table près de la cheminée. Ils commandèrent des boissons chaudes et un bout de quiche qu'ils partagèrent. Mélissandre conta à Ruffin son histoire entière car ils n'avaient pas vraiment eu le temps d'en parler.
"- Ah ouais...Alors comme ça tu t'es enfuie de la garnison et t'as fait tout ce chemin toute seule. C'est fou comme c'est mouvementé ta vie. Et tu vas voir qui à Dalaran ?

- Mon cousin. Il fait ses études là-bas. Je vais lui apprendre la nouvelle, et il saura peut-être quelques choses de plus.
- Oui, c'est surement une bonne idée. J'aimerai biens voyager, si cette aventure continue, ça te dérange que je reste à tes côtés ?
- Je n'osais pas le demander, je n'y arriverai pas toute seule.
- Je viendrais alors, j'irai régler mes affaires pendant que t'iras chez lui, puis après on se retrouvera à l'Abracadabar. D'accord ?
- D'accord, je trouverai.
- Oh, t'en fais pas, je te montrerai
- Tu connais bien la ville ?
- Suffisamment, dit-il avec un air mystérieux."

Elle l'observa un instant puis termina son verre qu'elle posa sur la table. Il fit de même.

"- Bon, je crois que nous devrions aller nous reposer, demain va être une dure journée."

Il tapota son doigt contre son assiette pour récupérer les dernières miettes et se leva. Il gravit les marches et partit se coucher dans le dortoir de l'auberge. Mélissandre resta un moment encore devant le feu, perdue dans la contemplation des flammes. Elles lui rappelaient son auberge en flamme. Et de fil en aiguille elle repensa à sa vie tranquille d'antan, son oncle, sa tante et les clients. Elle sortit de ses pensées pour essuyer ses larmes et gravit à son tour les escaliers.


Il volait loin au-dessus des cimes. Et il avait le vertige. Ce griffon de malheur volait n'importe comment depuis le matin. C'était sûrement une coalition de ces maudites bestioles, mammifère ou oiseau, contre lui. Ils étaient tous comme ça, c'était joli à voir au sol toutes ces cabrioles agiles et gracieuses. Mais c'était moins drôle une fois sur leur dos. Les petits animaux gracieux devenaient d'immenses machines de torture. Plusieurs fois, il avait senti son coeur se soulever et il avait senti son estomac se contracter. Mais comme il était vide depuis le matin, rien ne sortait. Il avait pourtant eu la jugeote d'acheter un sandwich avant de partir, mais il ne le consommerait pas. La tâche dans le ciel s'était agrandie et désormais il apercevait les tours de la cité se distinguer sur le ciel nocturne. Il ne s'y était jamais rendu mais il avait entendu dire que c'était une belle ville de riche pleine de mages, pas étonnant vu qu'elle était dirigée par le Kirin tor.

Il y arrivait à peine un quart d'heure plus tard. L'arrivée fut aussi brutale que le voyage, le griffon ne le portait pas dans le coeur non plus. Lorsque se dernier toucha la piste, il ramena vite ses pattes arrière pour continuer à courir sur plusieurs mètres et ainsi éviter une chute. Le mouvement fut quand même assez brutal pour que le sergent se fasse éjecter de la selle et tombe sur la piste sous les rires discrets des cavaliers aguerris présents, tandis que d'autres personnes jetèrent un simple coup d'oeil. Il se releva tant bien que mal se retenant d'injurier et de frapper la pauvre bête ce qui n'aurait surement pas été dans son affaire ni pour sa réputation ni pour sa santé. Les griffons sont des créatures assez coriace et très dangereuse lorsqu'on est parmi ses ennemis. Il alla décrocher ses affaires de la selle de l'animal. Ce dernier, tout content de sa farce, le laissa faire sans problème. Ne jamais plus monter sur une de ces bestioles.

Il quitta l'Aire de Krasus par le petit escalier et se retrouva dans la rue. Et ça bougeait dans tous les sens. Les aventuriers aimaient beaucoup Dalaran qu'ils proclamaient presque comme la capitale du Norfendre et ils venaient faire le stock de munitions, de vivre et de sommeil avant de partir faire des quêtes. Ils aimaient exposer leurs trophées. C'est ainsi que la plupart d'entre eux chevauchaient de gigantesques monstres allant du raptor aux mammouths en passant par les tigres et les béliers. Les rues de la ville étaient une vraie ménagerie. Il se félicitait de ne pas s'être engagé à Dalaran. Garder tous ces malades...Pourvu qu'on ne le mute jamais dans une grande ville.
Il joua du coude pour arriver à l'Abracadabar. Quelques aventuriers discutaient stratégies autour de table, certains fouillaient dans leurs sacs et déballaient un tas d'objets étranges qu'ils posaient contre le comptoir et que le tavernier leur achetait avec l'espoir de le revendre plus cher chez ses confrères. Il s'accouda en attendant que l'homme finisse de marchander.
Le tavernier fini par l'emporter et il récupéra les marchandises contre de l'or. Il se dirigea ensuite vers Randet.

"- Bonjour à vous, voyageur, je vous sers quelques choses en particulier ?
- Bonjour à vous, oui pourquoi pas une chope de bière et, j'aimerai aussi avoir une chambre.
- Nous ne servons pas de bière mais du Chouchen oui si vous voulez, nous sommes un établissement de prestige.
- Va pour un chouchen alors."

Le tavernier se mit à parler plus fort : " Amisi, il y a un client pour toi !".

Une femme à la peau foncée et vêtue d'une robe légère se retourna alors qu'elle rangeait une étagère. Elle s'approcha des deux hommes.

"- Bonsoir monsieur, une chambre ?
- Oui, si possible.
- Bien sûr que c'est possible, une vue particulière ? Ou un souhait précis ?
- Euuuh...Une chambre à la portée d'un citoyen pas très aisé."

Elle prit un air dépité pendant quelques instants puis se reprit en lui adressant un magnifique sourire.

"- Bien sûr, je vois. J'ai une chambre pour vous, spacieuse, propre, sans fenêtre malheureusement mais accessible pour les personnes de votre niveau de richesse."

Elle lui fournit une clé après qu'il eut marchandé un peu avec elle. Il alla directement poser ses affaires puis redescendit. Il avala alors son verre de chouchen et sortit dehors attendre Mélissandre et son compagnon habillé de vert pour cela il se re-rendit à l'air de Krasus ou il s'installa sur un banc.

La petite fille et son compagnon avaient passé une excellente nuit dans l'auberge malgré les cris horribles des morts-vivants qui déchiraient de temps en temps le silence. Ils avaient pris un petit déjeuner copieux puis un sandwich pour la journée à l'auberge. Ils étaient ensuite partis voir le maître des griffons qui les avait confiés à deux de ses bêtes moyennant argent évidement. Ils volaient-au dessus de la neige depuis le début de la matinée.

Mélissandre admirait le paysage. Elle serait contre elle sa poupée. Au départ elle avait eu très peur de l'altitude mais maintenant elle était habituée. Elle s'ennuyait un peu et dès que quelque chose d'inhabituel apparaissait à l'horizon elle le regardait en détail.

Quelques heures après, ce qui lui semblait une éternité, ils arrivèrent à la cité. L'atterrissage fut brusque mais pas assez pour les désarçonner. Ils descendirent ensuite dans les rues encombrées jusqu'à l'Abracadabar sans se rendre compte qu'un individu mystérieux les suivait à travers la foule.

"- C'est ici qu'on se retrouve, d'accord ?
- Oui, oui, je n'espère juste pas me perdre à cause de tout ce monde.
- Oh, ne t'en fais pas, je pense que tu sauras t'y retrouver, où il habite ton cousin ?
- Quelque part dans le quartier des artisans.
- D'accord, bon, je t'attendrais ici aussi."

Ruffin regarda Mélissandre s'éloigner. Il se sentait un peu "papa poule" et se demandait qu'est ce qui le motivait à aider cette petite fille qu'il ne connaissait pas la semaine précédente. Il espérait que la petite n'irait pas faire du tourisme dans les égouts. Elle n'en ressortirait pas par la même porte, ou pas du tout. Déjà qu'un adulte seul était en danger, alors un enfant qui de surplus est une fille, il n'osait même pas imaginer ce qu'on lui ferait.

Il tapota sa veste et sentit la missive à travers le tissu. Il devait aller la remettre.
Ruffin continua le long de l'allée et se retrouva devant un imposant bâtiment. L'immense porte était surmontée d'un vitrail représentant un lion. L'enclave argentée, l'ambassade de l'Alliance surveillée et dirigée par le Concordat argenté. Il se dirigea vers un des gardes à l'entrée.

"- Bonjour, excusez-moi, je cherche à porter une missive à Madame Coursevent."

Le garde le détailla de la tête aux pieds. Ce n'est pas souvent qu'on venait apporter du courrier à sa chef sans passer par tout un tas de subordonné. Il jugea mieux de la jouer prudent.

"- Notre général ne reçoit pas en personne.

- Eh bien, j'aimerais lui faire parvenir cette missive de façon confidentielle et directe au maximum.

- Mmh. Je vais vous fouiller, donnez-moi vos armes."

Il confia ses armes à l'homme et le laissa le fouiller. Il le suivit ensuite à travers un couloir qui menait dans une cour intérieure, un habile mélange entre forteresse et palais. Ils montèrent quatre à quatre les marches arrivant dans une salle administrative. On le fit s'asseoir et il patienta une bonne demi-heure avant qu'un haut-elfe ne vint à sa rencontre.

"- Je suis l'Arcaniste Braedin, pas vraiment qualifié pour être secrétaire personnel de notre général mais je tâcherai de lui remettre votre missive en main propre. Désolé pour l'attente.

- Pour ma part je suis Ruffin, un simple trappeur des Grisonnes. Cette missive vient du gîte Ambrepin."

Tout en parlant il défit la doublure de son vêtement et sortit la missive qu'il lui remit.

"- Bon d'accord, ne perdez pas plus votre temps, je m'en occupe. Au revoir monsieur."

Il lui serra la main et s'en alla, la missive en main.
Ruffin espérait que la missive arriverait bien mais à présent il n'y pouvait plus rien. Il sortit de l'enclave argentée par la porte qu'il avait empruntée dans l'autre sens. Le garde lui remit ses armes.
Sachant que Mélissandre trainerait sûrement, ce qu'il comprenait, il allait faire un tour dans plusieurs boutiques d'armures. Il était temps qu'il quitte cette armure trop voyante à son goût. Il opta pour une tenue en cuir brun sombre avec une capuche marron. Ainsi, il se sentait plus camouflage parmi les Citadins. Il revendit ses vieilles affaires se doutant qu'elles ne lui seraient plus d'aucune utilité. Flânant dans les rues, il finit par se retrouver devant l'Abracadabar. Ne voyant plus d'autre chose à faire, il rentra à l'intérieur et s'assit à une table. Il observa un à un les clients. Derrière lui, un homme parlait à voix basses à un autre. S'ennuyant, il tendit l'oreille.

"- Donc. Nous avons dit, pour votre entrainement, vous me ferez un portail aléatoire.

- Oui monsieur.

- Bon. Munissez-vous du matériel, je vous attendrai à l'heure des lampadaires près de la statue d'Antonidas."

Les deux mages se séparèrent. Quelques dizaines de minutes plus tard, deux autres hommes virent s'asseoir.

"- Donc, ce que je te disais pour réintégrer mon poste. Je dois trouver des types. Ils sont deux. Un gars, et une fille. La jeunette avait un truc à faire ici, elle est partie se promener dans le coin, puis le gars j'l'ai pas suivi, je crois qu'il avait aussi à faire. Elle devrait revenir voir son copain à l'Abracadabar c'est après que je pourrais les choper, quand ils sortiront. Faut absolument que je la ramène.

Ruffin tira un peu sur sa capuche sentant un mauvais pressentiment, comme si on parlait d'eux. Il sortit un livre de son sac et le porta assez haut pour masquer partiellement son visage tout en continuant d'écouter.

"- Bon, allez Randet, ce n'est pas tout ça mais ma femme m'attend. J'espère sincèrement que tu vas pouvoir réintégrer ton poste même si ça ne sent pas net tout ça. Passe nous voir à l'occasion.

- Ouais, on verra."

L'un des deux hommes se leva et quitta la taverne. L'autre se mit à surveiller les deux portes. Ruffin alla s'accouder au comptoir près de la porte espérant apercevoir Mélissandre en premier. Lorsqu'il vit la forme familière, il se leva et sortit à toute vitesse. Mais il n'était pas le seul à l'avoir aperçu sous les lampadaires de Dalaran. Le sergent était sur ses talons. Comprenant que quelques choses n'allaient pas, Mélissandre se mit à courir devant Ruffin. Elle tourna au hasard dans la ville. Ruffin, plus endurant, la doubla, il lui prit le bras et la tira pour l'entraîner à sa suite, il savait où aller. Ils repassèrent devant l'Abracadabar en courant après avoir fait le tour du pâté de maisons et là, ils foncèrent droit à côté de la banque, vers la statue. Le mage et son apprenti s'entraînaient à faire des portails. L'apprenti semblait avoir réussi à en maintenir un stable et le maître lui donnait des conseils pour le faire durer. Il sursauta lorsqu'il vit deux fous foncer droit sur lui, le pousser et sauter dans son portail. Déconcentré, le mage ne parvint pas à le garder ouvert et il disparut quelques secondes après avoir englouti les deux fuyards. Le poursuivant sauta vers ce dernier avant de réaliser qu'il avait disparu et il atterrît lourdement dans l'herbe. Alors il se releva d'un bond, empoignant le col de la robe de l'apprenti le secouant violemment.

"- Vers où ? Vers où ton fichu machin les a amenés ?! Hurla-t-il

- Je...Je...Je ne sais pas, bégaya le mage."

Il relâcha le pauvre bougre en pestant. Les deux mages le regardèrent comme un demeuré ne sachant pas trop comment réagir.


Mélissandre sentit le vide sous ses pieds, elle hurla. Puis heurta le sol. Ruffin tomba à côté d'elle. Ils se relevèrent en gémissant. Ils regardèrent autour d'eux. Des arbres, une odeur nauséabonde, de l'eau partout. Il faisait nuit et pourtant ils n'eurent pas longtemps à trouver où ils étaient, ou du moins dans quel genre d'endroit ils étaient. Dans un marécage.
Ils avançaient à tâtons dans le noir. Ils avaient peur des trous d'eau. Ils étaient déjà tombés à plusieurs reprises, se prenant les pieds dans les racines, glissant dans la mousse ou tout simplement à un endroit qu'ils n'avaient pas vu. Ruffin s'orientait mal dans ce bois humide mais d'après ce qu'il avait vu les étoiles entre les arbres, ils se dirigeaient vers l'Est. Ce que Ruffin avait jugé bien, parce que dans les deux marécages qu'il connaissait de nom, la plage était à l'est. Et de la plage, on voyait toutes les villes, parce que c'était les endroits les plus hospitaliers.

Il entendit sa jeune amie hurler. En se retournant il aperçut un crocodile se diriger vers elle dans l'eau tandis qu'elle tentait maladroitement de grimper à un arbre. Il fonça dégaina son couteau et profita de son avantage pour sauter sur le dos du crocodile et avant que celui-ci n'est réussi à le désarçonner à planter sa dague entre les omoplates de l'animal. Ce dernier se courba dans un rugissement de douleur envoyant Ruffin brutalement contre la berge. Le crocodile se retourna pour se défendre, la dague enfoncée dans son dos et coincée entre ses écailles. Se redressant, Ruffin attrapa une branche et se mit en position de défense. Le crocodile claqua des mâchoires puis s'approcha d'un air menaçant. Il agrippa la branche que Ruffin secouait devant lui. Et déjà Ruffin ne la tenait plus tentant d'attraper sa dague fichée dans l'animal. Mais l'animal au sang-froid, plus vif avait lâché déjà branche et claqua des mâchoires ratant de peu le bras du ranger. Alors que le crocodile allait attraper son bras, il s'écroula de tout son long. Marchant gracieusement tel un félin, une elfe en costume sombre sortit de la pénombre. Ruffin eut tout juste le temps de l'apercevoir faire disparaître deux arbalètes à main avec lesquelles elle venait d'abattre le monstre. Elle posa un pied sur l'animal et attrapa le manche de la dague. Appuyant sur son pied et la retira laissant couler du sang. Elle tendit l'attrapa par la garde et l'envoya vers Ruffin qui l'attrapa agilement et la replaça au fourreau rapidement.

"- Vous devriez vous équiper mieux que cela pour venir ici. Ce n'est pas une simple dague qui viendra au bout des créatures peuplant ce marais."

Ruffin hocha la tête. Descendant de son arbre, Mélissandre vint se placer prudemment derrière lui. L'elfe l'inspecta quelques secondes. Puis elle retourna ses yeux vers Ruffin.

"- Et où allez-vous comme ça ?
- A la ville la plus proche. Theramore ?"

L'elfe sourit.

"- Vous vous êtes trompé de continent alors. Nous ne sommes pas dans les marais d'Âprefange mais dans ceux du chagrin. La ville la plus proche est Brasse-Tourbe. C'est une ville gobline."

Lançant à regard rapidement à Mélissandre, Ruffin acquiesça.

"- Je ne connais pas du tout ces marais, pourriez-vous nous guider ?
- Pas de problème, de toute manière je m'y rendais. Attendez-moi deux secondes, je vais chercher mes sacs."

L'elfe s'absenta quelques secondes et revint avec plusieurs sacs. Ruffin proposa de l'aider à les transporter mais elle refusa poliment. Ils avancèrent dans les marais pendant plusieurs minutes vers le Nord-Ouest puis atteignirent une route. Au bout de celle-ci, on apercevait une ville entourée de murailles blanches. Être sur une route avait au moins l'avantage de ne plus se mouiller les pieds. L'elfe lança la conversation après plusieurs minutes de silence.

"- Qu'est-ce qui vous amène dans ce pays ?"

Après plusieurs minutes d'hésitation, ce fut Ruffin qui répondit.

"- Oh, eh bien, nous avons eu quelques incidents qui nous ont conduits par erreur ici. Moi c'est Ruffin, et elle c'est Mélissandre.
- Enchanté. Moi c'est Ariana-Shael. Pour ma part, je suis ici pour l'astrologie.
- Drôle de façon d'observer les étoiles."

Ruffin crut apercevoir un sourire aux coins des lèvres de l'elfe.

"- J'ai besoin d'un renseignement, mais ces saletés de gobelins ne veulent pas me le donner. Après plusieurs négociations, j'ai réussi à obtenir qu'ils me le donneraient si j'effectuais quelques tâches pour eux. Enfin, ils voulaient que j'arrive à ça depuis le début, il est impossible de marchander avec un gobelin. Quand nous croyons avoir fait une bonne affaire, nous avons simplement atteint le prix qu'il s'était fixé au préalable. Je l'ai appris à mes dépends bien sûr."

Mélissandre jeta un coup d'oeil aux portes de la ville dont ils s'approchaient de plus en plus. Elle n'avait jamais vu de gobelins, ils évitaient de se promener dans les endroits dangereux et préféraient envoyer des mercenaires quitte à perdre un peu de bénéfice. Elle en avait cependant entendu parler de nombreuses fois. Les gens qu'elle connaissait qui en avaient rencontrés n'aimaient pas les gobelins, mais ils étaient d'accord pour affirmer qu'ils étaient capables de vendre n'importe quoi à n'importe qui. C'était les meilleurs commerçants d'Azeroth. Allez voir un gobelin pour acheter une paire de bottes revenait à acheter un pantalon, une chemise, une nouvelle sacoche et tout un tas de choses jusqu'à même oublier le souhait initial... Mélissandre avait écouté ces histoires presque comme des contes pour enfants. Elle ne trouvait pas très rassurant qu'il existait un peuple comme ça.

Ils franchirent les portes de la ville. Les cogneurs les laissèrent passer, soit parce qu'ils n'avaient pas l'air riches soit parce que l'elfe de la nuit jouait avec sa petite arbalète en marchant. Elle les guida jusqu'à une auberge tenue par un gobelin, évidemment, et après mainte négociation, ils arrivèrent à payer un lit pour deux à 5 pièces d'argent et 1 cuivre. L'elfe de la nuit alla rejoindre sa propre couchette tandis que Ruffin laissa le lit à Mélissandre préférant dormir au sol, "pour embêter ce fumier d'aubergiste".

Le lendemain matin, Ruffin se leva avant Mélissandre. Il la laissa dormir et alla rejoindre Ariana-Shael.

Lorsque Mélissandre se réveilla, le soleil était déjà bien haut. Elle en déduisit qu'il n'était pas loin de midi et qu'elle devait se dépêcher. Elle n'avait pas la moindre idée de quoi faire. Son cousin ne lui avait parlé que des problèmes d'argent qu'avaient ses parents. Pourquoi diable son oncle et sa tante avaient été tué ? Elle chercha des yeux Ruffin, ne le trouvant pas, alla s'asseoir sur un banc de la taverne autour de la table où il y avait d'autres consommateurs entrain de discuter. Elle donna quelques piécettes de cuivre à l'aubergiste qui lui servit un petit déjeuner de gâteau sec et de lait. Elle remarqua que les gâteaux étaient très durs lorsqu'elle essaya d'en croquer un. N'y parvenant pas, elle observa les autres clients qui avaient fait tremper leurs biscuits dans le lait. Pas bête. Elle les laissa s'humidifier tandis qu'elle prêtait attention aux conversations environnantes. Deux gobelins discutaient à voix basses dans un des coins de la table. Deux humains, tout près de Mélissandre, faisaient de même mais elle pouvait les entendre eux.

"- Ces vermines de gobelins m'ont prêté de l'argent, et maintenant ils veulent que je les rembourse. Mais je n'ai plus l'argent... Je ne vois pas comment faire. Tu es mon dernier ami Tristan, mon dernier... J'ai besoin de ton aide.
- Tu voudrais que je te prête de l'argent pour que je rembourse tes âneries ? Tu voudrais vraiment que je te prête de l'argent dont je ne reverrai pas la couleur ?
- Je te jure sur ma vie que je te rembourserai, j'ai juste besoin de temps. Tristan, écoute, j'assumerai mes âneries si j'étais seul, mais j'ai peur qu'ils se vengent sur ma femme et ma fille. J'ai dû les laisser à Baie-du-Butin pour notre affaire, elles sont toutes seules là-bas, dans cette ville de fous, sans protection, t'imagine ? Les gobelins vont forcément leur faire du mal, si je ne les rembourse pas. Ils ont des liens partout ! Tu ne les laisserais pas emmener une femme et une fille, innocentes, pour en faire des esclaves ? Allez, tu seras remboursé !
- Comment veux-tu qu'elles soient envoyées aux esclaves, les gobelins sont ennemis aux pirates, non ?
- Quand il s'agit de vendre, il n'y a plus d'ennemi. Et puis, ils sont peut-être ennemis à la Voile Sanglante officiellement, mais si on doit faire disparaître des gens gênants, les vendre ou les donner n'est pas long étant donnée la proximité des deux camps.
- Et vu que tu en sais aussi long. Où il est ton marché aux esclaves ?
- Il y en a un à Tanaris, mais ils ne laissent rentrer que les pirates ou les gens du milieu. Des gens de confiance, pour ne pas attirer les regards. Oh, ça me donnait des frissons d'imaginer ma femme et ma fille là-bas, sous le soleil, à se faire examiner par de potentiels acheteurs.
- Je suis désolé, vieux, je ne pourrais pas t'aider, je suis aussi fauché que toi. En parlant de ça, je pense qu'il est temps de rejoindre le bateau."

L'homme baissa la tête tandis que son compagnon se leva et quitta l'auberge, l'attendant au pied de la porte. Il ramassa un sac, le lança sur son épaule et leva la tête. Il semblait rongé par ses choix du passé qui l'avaient poussé à mettre sa famille en danger. Mélissandre était peinée pour lui. Mais pendant qu'elle écoutait leur conversation, elle avait eu une idée. Son oncle et sa tante avaient eux aussi des dettes. Peut-être qu'elle arriverait à les retrouver en allant voir ce fameux "marché aux esclaves" des pirates. Elle se doutait bien que ça ne serait pas facile. L'homme commença à avancer, il passa derrière Mélissandre et celle-ci l'interpella.

"- Monsieur ?
- Oui, petite ?
- Je suis désolée, j'ai entendu ce que vous disiez. J'aimerais vous aider, vous savez. Je n'ai pas d'argent, mais je pourrais porter une lettre à votre famille pour qu'elle se mette à l'abri à temps, très loin des méchants le temps que vous reveniez."

L'homme fronça légèrement les sourcils, puis, posa son sac à terre. Il semblait contenir difficilement son espoir.

"- Baie-du-butin est loin, tu sais petite.
- Oui, monsieur, je sais. Mais je viens de Norfendre. Alors je peux vous dire que j'ai fait beaucoup de chemin, et qu'il m'en reste beaucoup à parcourir ! J'ai pas peur des monstres !
- Le courage ne suffit pas.
- Je ne suis pas toute seule, vous savez monsieur, j'ai un copain qui m'accompagne. Il est très grand et très fort, je ne risque rien. Vous avez qu'à écrire un papier avec votre message pour dire que votre fille et sa maman doivent se cacher.
- Je ne sais pas écrire, je vais te confier ça, comme ça elles sauront que ce que tu leur diras est vrai."

L'homme détacha sa boucle d'oreille et la tendit à la petite qui la prit entre ses mains comme un petit trésor.

"- Mais je suppose que tu ne m'aides pas gratuitement. Qu'est-ce que je peux faire pour toi en échange ?
- Vous avez parlé d'un marché aux esclaves. Je crois que je dois aller là-bas, comment on y va ?
- Tu sais, c'est un endroit très dangereux, pas pour les petites filles.
- Mais je dois ab-so-lu-ment y aller ! S'il vous plait !
- Bon. Quand t'iras voir ma femme, tu lui demanderas où habite Yancey Grillsen, c'est un des me ami, je crois qu'il connaît des gens qui savent comment faire.
- D'accord. Pour trouver votre femme, je fais comment ?
- Ah, oui, tu vas voir Tôlardier, l'aubergiste, et tu lui demandes la chambre d'Eponine. C'est bon, t'as retenu ?
- Hey ! Dépêches-toi au lieu de causer avec une gamine !
- J'arrive Tristan, j'arrive. Ecoute, petite, surtout dit à ma femme que je la rejoindrais, il suffit qu'elle aille habiter là où on s'est rencontrés. Oui, dis-lui ça. Merci, je ne te revaudrai jamais assez ça. C'est quoi ton nom ?
- Mélissandre, Mélissandre Coulomb.
- D'accord, Mélissandre, je me souviendrais. Adieux. Je compte sur toi, tu m'as redonné espoir !"

Sur ces mots, l'homme s'éloigna jetant un coup d'oeil à Mélissandre tant qu'elle était en vue. Il ne semblait pas croire que ça soit possible qu'une gamine lui sauve la mise et en même temps, il avait peur qu'elle n'arrive pas à le faire.
Mélissandre savait au moins ce qu'elle avait à faire. Elle ne doutait pas que ça allait être compliqué. Cap sur la vallée de Strangleronce !
Son petit biscuit était un peu moins dur. Mais elle n'avait pas pris le temps de se poser. Où était passé son compagnon de route ?! Elle avala son verre de lait d'une traite. Attrapant son sac, elle fonça vers la sortie manquant de bousculer quelques clients qui passaient dans son chemin.
Après plusieurs minutes, elle repéra Ruffin sur la plage. Il ramassait des coquillages avec Ariana. Mélissandre se sentait un peu vexée d'avoir été abandonnée comme ça. En même temps, elle se disait que Ruffin était grand et que les grands ils se marient et ils avaient beaucoup d'enfants. Elle espérait en même temps qu'il n'allait pas s'arrêter là et faire beaucoup d'enfants avec l'elfe et ainsi la laisser tomber au milieu de sa quête. Son oncle et sa tante lui avaient affirmé que les enfants naissaient dans des fleurs et des choux. Elle n'en avait pas vu ici, mais ce qu'elle savait c'est que ce n'était pas bien difficile de faire un potager. Il faudrait peut-être qu'elle demande à Ruffin.
Elle descendit sur la plage.

"- Ruffin ! Ruffin !"

Il se tourna vers elle et lui sourit.

"- Ah, Mélissandre. Quelle belle matinée ! Dommage que les marécages viennent gâcher un si bel endroit !
- Oh ! Non ! Tu feras un potager plus tard ! Nous devons aller voir des pirates et aller sur leurs marchés aux esclaves !"

Ruffin la dévisagea ne comprenant pas vraiment son histoire de potager, mais il fronça les sourcils en entendant parler des pirates.

"- Non.
- Si ! Je suis sûre qu'on retrouvera mon oncle et ma tante là-bas !
- Mélissandre, les pirates ce ne sont pas les petits rigolos que nous avons croisés jusqu'à maintenant, c'est dangereux. Nous allons risquer notre vie. Il est hors de question que nous allions là-bas, même pour sauver ton oncle et ta tante !
- J'irai toute seule alors !"

Mélissandre croisa les bras et se mit en position de bouder. Ariana-Shael tourna les yeux vers Ruffin puis s'éloigna pour les laisser tous les deux. De toute manière, elle avait autre chose à faire. Ruffin semblait réfléchir. Il n'était pas content. Pour lui, aller voir les pirates revenait à aller à une mort certaine. Il avait entendu des histoires de marins revenus alors que leur équipage avait été décimé. Au Norfendre, d'affreux pirates sévissaient aussi, Mélissandre aurait dû le savoir. Mais il avait dit à la petite qu'il l'accompagnerait jusqu'à ce qu'elle finisse sa quête et s'il refusait d'y aller, la petite serait capable d'y aller toute seule. A regret, il se rendit compte qu'il n'avait pas d'autres choix que d'accepter, elle n'en démordrait pas.

"- D'accord, on va y aller. Mais alors tu feras exactement ce que je te dirai, hors de question de s'exposer au danger pour rien.
- Oh ! Merci, merci !"

La petite fille se précipita dans ses bras. Il la serra contre lui.

Ils n'eurent pas longtemps à se préparer. Ruffin regretta cependant que l'elfe ne souhaite pas les accompagner dans leur périple. Elle avait des choses à faire à Brasse-Tourbe. Elle leur donna cependant un dernier conseil, pour franchir le Défilé de Deuillevent. Ils avaient intérêt à aller au Guet de l'Estran, un camp de l'Alliance, qui envoyait souvent des caravanes pour chercher des provisions. Appliquant ses paroles à la lettre, ils sortirent de Brasse-Tourbe et se mirent en marche.

De jour, les marécages semblaient plus sympathiques bien que humides. L'air était assez pénible à cause de cette humidité. Mais le plus pénible, c'était les moustiques et les insectes en tous genres. Mélissandre agitait de temps en temps ses mains pour chasser ces affreuses bestioles. C'était agaçant. Mais elle préférait ça aux crocodiles. Ils marchaient depuis cinq minutes lorsqu'ils atteignirent le premier croisement que l'elfe leur avait décrit. Suivant Ruffin, elle prit le chemin qui montait vers le Nord-Ouest.

Ils arrivèrent quelques minutes plus tard au Guet de l'Estran. Ruffin s'occupa de tout tandis que Mélissandre était partie voir les chevaux de l'écurie. Bien vite ils intégrèrent la caravane de ravitaillement et partirent sur le chemin. Mélissandre était contente, ils voyageaient enfin à cheval. Et tout était calme, très calme. Peut-être même trop. Mais rien de fâcheux n'arriva sur le chemin. A un moment pourtant un des éclaireurs déclara avoir remarqué un orc qui les observait mais si tel était le cas, il ne se montra pas. Il faut dire que la caravane était lourdement équipée.
Raconter un voyage est parfois ennuyeux, surtout lorsqu'il ne se passe rien. Et même dans le défilé de Deuillevent, ils n'eurent pas de rencontre plus dangereuse que de simples corbeaux.
La caravane laissa Ruffin et Mélissandre à Sombre-Comté. En effet, la caravane prenait un chargement ici pour repartir au Guet de l'Estran.

Nos compagnons étaient donc de nouveaux seuls et à pied.


Mélissandre regarda Ruffin tandis qu'ils regardaient la caravane disparaître au tournant. Il semblait anxieux.

"- C'est par où maintenant ?
- Par le Sud, ma chère. Direction le Suicide.
- Arrête, t'es pas drôle ! Moi je suis sûre qu'on va les retrouver en allant là-bas.
- Ouais, mais grosse maline, comment tu comptes faire une fois là-bas ?
- On a qu'à se faire passer pour des marchands, enfin des acheteurs. Et pendant que toi tu achètes, moi j'irai voir si je trouve mon oncle et ma tante dans un des registres.
- Et si on te chope ?
- Je...Je ne sais pas moi !
- Bah, voila, faut penser à tout, sinon on arrivera à rien. Bon, continuons en marchant."

Mélissandre suivit Ruffin qui prenait la route vers le Sud.

"- Déjà, t'as de l'argent ?
- Je pense que mon cousin en a depuis le temps qu'il travaille.
- Très bien. Il va falloir un papier qui prouve qu'on a de l'argent quelque part, sinon on se fera forcément chopper. Ensuite, je vais t'entraîner à te déplacer sans attirer l'attention. Ce sera déjà ça. Ensuite, il faut qu'on te trouve des armes.
- Merci Ruffin."
Ils marchèrent un moment côte à côte silencieusement.
Les cinq cavaliers mirent un pied-à-terre et attrapèrent la bride de leur monture pour l'attacher à une barrière. Ils étaient tous habillés d'une sorte d'armure sombre comme un uniforme. L'homme qui semblait leur chef portait en plus une capuche noire qui couvrait entièrement sa tête laissant à peine deviner son visage dans l'obscurité. Il s'avança dans le cap et s'approcha d'un groupe de curieux.

"- Où est le Commandant Gasdame ?"

Le soldat interrogé lui montra une tente légèrement en hauteur par rapport aux autres tentes du camp. Deux soldats en gardaient l'ouverture. L'homme à la capuche se détourna du soldat et fit signe à ses hommes de le suivre. Un seul resta en arrière, pour surveiller les chevaux. Ils traversèrent une rangée de tentes et parvinrent à celle où se trouvait le commandant. Il glissa discrètement une pièce dans la main d'un des gardes tandis qu'un de ses soldats faisait de même.

"- Le commandant est en sécurité. Il y a du vin de distribué au poste de l'intendance, et on ne vous avait même pas prévenu..."

Les deux gardes se regardèrent et d'un commun accord décidèrent d'accepter l'argent et d'aller vérifier cette histoire de vin.
L'homme à la capuche fit signe à ses hommes de garder l'entrée. Il ne voulait pas être dérangé. Il rentra dans la tente, suivi par son dernier soldat.

Le commandant Gasdame étudiait tranquillement des cartes. Il sursauta en entendant le cliquetis des armes tapant contre une armure puis se retourna pour faire face à l'intrus. Ce dernier prit la parole, d'un air amusé.

"- Commandant Gasdame. Votre rapport."

Le commandant déglutit péniblement.

"- Je l'ai trouvé. Mais elle m'a échappée... Je vais vous rendre votre argent, comme ça nous oublions tout, n'est-ce pas ?

- Echappée ? Mais ce n'est qu'une enfant. Il est capital que vous la retrouviez... C'est trop tard pour faire marche arrière.

- Et bien, je le fais tout de même ! Je ne vois pas pourquoi je m'obstinerai à chercher une petite fille à qui vous voulez je ne sais quoi. Ce n'est pas mon affaire !"

L'homme à la capuche perdit son sourire et dégaina son épée. Il commença à jouer avec comme si de rien n'était.

"- En acceptant cet argent, cette affaire est devenu vôtre. Sachez tout de même que mes supérieurs ne seront pas contents de savoir comment l'armée d'Hurlevent, loyale et fidèle, traite cette affaire de la plus haute importance. Vous devriez y réfléchir."

Le commandant déglutit bruyamment à nouveau.
"- Je crois que je suis disposé à vous aider. De plus, j'ai envoyé un de mes hommes sur le terrain.
- Et où en est-il ?"

En guise de réponse, le commandant attrapa un papier sur la table et le lui tendit.
L'homme encapuchonné lui rendit la missive après l'avoir parcouru des yeux.
"- Votre sergent est peut-être un incapable mais il est plus tenace que vous. Espérons que son idée d'aller à Hurlevent soit bonne, pour lui et pour vous. Maintenant la petite peut-être n'importe où dans Azeroth. Nous reviendrons bientôt aux nouvelles et j'espère que vous aurez des résultats, cette fois !"

Il rangea son épée et se dirigea vers la sortie. Son disciple sourit méchamment au commandant puis suivit son maître à l'extérieur.
Le Commandant s'appuya sur la table et s'autorisa à soupirer lorsqu'il entendit hurler des ordres et des chevaux partir au galop.


Elle était dans un endroit paisible : dans une forêt "joyeuse" avec de belles couleurs et un beau soleil entre les arbres. Elle cheminait tranquillement entre eux lorsqu'elle déboucha dans la cour d'une ferme forestière. Un homme s'occupait d'une vache. Elle s'approcha de lui pour le saluer. Mais il se retourna vers elle en souriant. Elle cria. C'était le sergent, il tendait la main vers elle avec un air diabolique. Elle tenta de s'enfuir mais elle ne pouvait plus bouger.
Au moment où il allait la toucher, elle se réveilla en sursaut, couverte de sueur.

Elle regarda autour d'elle. Les bois n'étaient pas plus sombres de nuit que de jour. Elle s'appuya sur ses coudes pour se relever : elle n'avait plus envie de dormir.
Elle chercha Ruffin des yeux. Il dormait assis, il s'était sûrement assoupi en montant la garde.

Elle s'approcha doucement de lui pour lui tapoter l'épaule. Mais elle suspendit son geste avant de le faire. Derrière Ruffin, dans les buissons, deux yeux jaunes l'observaient. Elle se mit à trembler et chuchota doucement :

"- Ruffin ! Ruffin ! Réveille-toi ! Allez Ruffin, y'a un monstre !"

Il ouvrit les yeux. Mal réveillé, il regarda autour de lui et bondit sur ses pieds lorsqu'il vit aussi les yeux jaunes. Il attrapa son arc déjà bandé et encocha une flèche. Lorsqu'il regarda vers les yeux, ils avaient disparu.

"- Mets-toi dans mon dos et surveillons chacun de notre côté. Il ne doit pas nous surprendre."

Mélissandre alla se placer derrière lui, comme il l'avait demandé. Les quelques secondes qui suivirent semblèrent durer une éternité. Ils entendirent quelques branches craquer et Mélissandre commença à hurler un avertissement :

"- Attenti...."

Elle se retrouva plaquée à terre ce qui lui coupa le souffle. Ruffin bondit contre la bête pour dégager son amie. Il se rétama contre la peau de celle-ci, cette dernière ne bougea pas d'un poil. Et le monstre, une sorte de gros loup, le regardait, amusé.
Mélissandre essaya de se dégager. L'énorme bête pencha la tête vers elle et se leva allant s'asseoir plus loin.
La petite fille se releva et frotta ses vêtements pour en enlever la poussière tout en observant le loup.
Le loup sembla joyeux et même amusé (imaginez un loup sourire, et ça donne à peu près ça). Il ne semblait nullement impressionné par l'arc de Ruffin.

Ils se dévisagèrent longtemps.

Au bout d'un moment, Mélissandre et Ruffin s'assirent, mais toujours face au loup. Le loup s'était depuis longtemps allongé et il semblait dormir.
Ruffin n'était pas dupe, il avait bien vu les oreilles bouger lorsqu'il s'était assis. Le loup était réveillé et même très bien réveillé. Il ignorait cependant pourquoi il faisait ça. Ce n'était pas vraiment le comportement d'un loup normal. Il avait pensé à un worgen parce qu'il savait qu'il y en avait au bois de la Pénombre, mais ceux-là étaient agressifs et idiots.
Mais alors quoi ? Un familier de chasseur ?
Il plissa les yeux tout en réfléchissant tandis que Mélissandre s'endormit contre l'arbre à côté de lui.

D'un coup, le loup se leva en reniflant en l'air et il se mit à secouer sa queue.
Ruffin encocha une nouvelle fois sa flèche et se leva en vitesse. Il surveilla les bois prêt à tirer sur quoi que ce soit. Le Loup avait repéré quelques choses, à lui ça lui plaisait mais à eux pas forcément.

Il eut le temps de voir une ombre furtive au milieu des arbres. Il tira sa flèche. Il l'entendit se planter dans un tronc.
Quelques secondes plus tard, la flèche atterrit à ses pieds, brisée.
Il se pencha pour la ramasser lorsque quelque chose lui tomba sur les épaules et sauta à nouveau, l'envoyant par terre, pour atterrir plus loin. Il vit passer à côté de lui les bottes noires d'une femme.

"- Ce n'est pas très poli de tirer sur les Dames."

Il se releva péniblement et il se tourna vers la femme. Mais déjà, elle ne s'occupait plus de lui, elle caressait le gros loup.

"- Alors mon gros Loulou, on a trouvé des voyageurs. Hein mon gros Loulou."

Ruffin tourna la tête vers Mélissandre qui se frottait les yeux, réveillée par l'agitation. Elle jeta un coup d'oeil à la femme et se demanda qu'est ce qu'il se passait encore.

La femme se retourna vers eux. Elle portait une jupe longue qui arrivait un peu au-dessus de ses bottes et un corset châtain foncé par-dessus une chemise blanche accompagnée d'un gilet également châtain. Une sacoche de poudre et un étui à pistolet étaient accrochés à sa ceinture ainsi qu'une autre sacoche. Elle tenait le pistolet dans sa main mais il était pointé à terre et non pas sur eux. Ses cheveux bruns étaient ramenés du même côté laissant voir une boucle d'oreille en forme du lion de Hurlevent mais de couleur noire.
Elle semblait sûre d'elle.

"- Loulou adore troubler les voyageurs. Il sait qu'il fait peur et il aime ça."
Elle dévisagea un instant Ruffin puis la petite qui venait de se réveiller puis elle fouilla dans sa sacoche. Elle sortit plusieurs papiers et les déplia un à un avant d'en trouver qui sembla la satisfaire car elle le déplia en entier et se mit à le regarder en jetant de temps en temps un coup d'oeil à Ruffin et Mélissandre.

"- Mais, c'est vous qui êtes recherchés !"
La femme pointa son revolver vers eux.

"- Bougez-pas !"

Mélissandre se pétrifia sur place et Ruffin fronça les sourcils.

"- Comment ça, "recherché" ?
- Trahison et délit de fuite."

Ruffin dévisagea Mélissandre qui le regardait l'air surprise. Elle ouvrit la bouche pour émettre une plainte :

"- Mais, ce n'est pas possible, nous n'avons rien fait !
- Mélissandre Coulomb, Ruffin Pelletier, c'est bien ça ?
- Oui...
- Donc, c'est bien vous qu'on recherche."

La femme s'avança vers eux, les menaçant toujours. Son chien, à ses côtés, n'abordait plus cet air moqueur mais un air agressif et aux aguets. Il montrait ses dents et émettait de faibles grognements.
La dame sortit de sa sacoche une petite corde assez mince et d'apparence assez fragile.

« - Asseyez-vous, dos à dos, et toi détache ta dague.»

Elle donna un coup de pied dans l'arc resté par terre, il vola quelques mètres plus loin en soulevant un peu de poussière.
Ruffin détacha son fourreau et l'envoya à côté de l'arc puis il s'assit contre le dos de Mélissandre. La femme s'approcha d'eux et se pencha pour les attacher sous les yeux du chien qui surveillait.
Elle plaça son arme contre la tempe de Ruffin qu'elle suspectait de plus d'un coup fourré. De l'autre main, elle liait ses mains dans son dos. C'est alors que Mélissandre lui mordit la main. De surprise, la femme lâcha son arme. Elle ne s'attendait pas à se faire attaquer par une petite fille morte de trouille.

Ruffin sauta sur ses jambes et lui envoya un coup de pied dans la figure qui l'envoya en arrière dans la poussière de la clairière. Ruffin se délia les mains rapidement et facilement et fonça vers la jeune femme sonnée. Il attrapa l'arme à terre et l'assomma avec la crosse.
Mélissandre évita agilement le gros chien en s'accrochant à une branche. Ce dernier essaya de l'attraper en se mettant debout sur ses pattes arrière. La branche craqua et elle tomba sur le chien, l'assommant net.
Mélissandre apporta la corde à Ruffin et il ligota la femme et le chien.

Une fois sa tâche terminée, il se releva vers Mélissandre.

« - Qu'est ce qu'on va en faire ?
- On ne peut pas les laisser ici, si on les trouve, ils nous dénonceront, sinon des monstres les mangeront... Je crois que nous allons être obligés de les emmener, de gré ou de force. »


Sa tête lui faisait mal. Elle ouvrit péniblement les yeux. Un homme était assis non loin d'elle. Elle distinguait sa forme floue. Elle voulut approcher ses mains pour se frotter les yeux et se relever mais elles restaient bloquées dans son dos contre le tronc. C'est en prenant conscience des liens qui les enserraient qu'elle se souvint des derniers évènements.

Ruffin senti du mouvement dans son dos. Il se retourna laissant son lapin cuire tout seul au-dessus du feu de camp. Il s'approcha de la femme et vint d'asseoir devant elle.

"- Ecoutez, je ne sais pas qui nous cherche ni pourquoi il nous accuse. Sachez une chose : nous n'avons rien fait ni moi ni Mélissandre. Nous n'allons pas vous faire de mal non plus mais nous ne pouvons pas vous laisser partir car vous iriez tout raconter. Alors nous allons vous garder avec nous tant que cette affaire ne sera pas élucidée."

La femme fronça plusieurs fois les sourcils mais elle hocha doucement la tête à la fin de la tirade.

"- D'accord. Je vous suivrai, vous avez ma parole mais détachez-moi, je ne supporterai pas plus longtemps ces liens."

Elle marqua une courte pose.

"- Appelez-moi Olga puisque nous sommes à présent compagnon de route."

Méfiant, Ruffin attendit plusieurs secondes avant de délier les liens.

"- Ne vous en faites pas, je n'ai qu'une parole, et puis de toute manière je n'ai rien à faire de plus dans la région. Non pas que je vous cherchais car l'avis de recherche ne précise pas le lieu où vous étiez, mais en réalité je traquais quelqu'un ici, au bois de la Pénombre. Mais hier j'ai appris qu'un autre chasseur de prime l'avait déjà trouvé."

Elle se leva et frotta sa jupe. Elle chercha du regard et s'arrêta pour voir son chien-loup toujours assommé. Elle s'avança vers lui sous la surveillance attentive de Ruffin. Elle détacha l'animal et passa sa main sur sa fourrure.

"- Oh, mon gros Loulou... Pauvre petit."

Elle continua à le caresser jusqu'à ce qu'il reprenne connaissance.

Il se remit rapidement debout ensuite et grogna en direction de Ruffin.

"- Non, non, maintenant ce sont nos amis."

Il baissa les oreilles et regarda sa maîtresse puis Ruffin.

Ruffin avait entendu dire que les chasseurs tissaient un lien intérieur avec leurs animaux. Mais il ignorait si cela était vrai, et pour cause : il n'était pas chasseur. Voyant qu'Olga était prête, il s'approcha de Mélissandre qui dormait et la réveilla en douceur.

Ils dégustèrent rapidement le lapin chassé par Ruffin, le matin même. Loulou eut droit à la carcasse qu'il s'empressa d'engloutir.
Lorsque chacun eut terminé sa part, ils rangèrent les affaires du camp.

"- Vers où allons-nous ? demanda Olga
- Vers Strangleronce, nous devons prévenir une femme des risques qu'elle court."

Olga hocha la tête, suivant Ruffin qui marchait en tête du petit groupe. Mélissandre marchait entre elle et Loulou.

La petite fille regardait les bois avec inquiétude. Ils étaient sombres et l'on ne voyait pas loin au milieu de ces arbres. Qu'il fasse jour ou nuit, elle avait l'impression que la même quantité de lumière passait. De temps en temps, il lui semblait apercevoir des ombres furtives au loin passant à plusieurs ou seul. Ruffin lui avait expliqué que la région était très dangereuse. Elle avait hâte de quitter ces bois maudits. Elle observa Loulou un instant. Le chien avança les oreilles rabattues bougeant sans cesse. Même lui semblait terrorisé dans cet univers angoissant.
Heureusement pour eux, ils ne tardèrent pas à voir le Soleil au bout d'un chemin. Ils savaient, c'était le bout des bois, la fin de la pénombre.

Arrivant dans la lumière, ils furent éblouis mais ils étaient tous content de retrouver le jour.

Ils continuaient d'avancer et ils passèrent un pont, le pont qui marque la vraie frontière entre le bois et la jungle.

"- Là, il y a un camp."

Olga désigna une butte protégée naturellement par un ravin bordé par un étroit sentier.

"- C'est le dernier avant la jungle.
- Très bien, nous allons faire une pause pour acheter des vivres, sinon nous ne tiendrons pas.
- Il faut acheter des gourdes aussi, si vous n'en avez pas, l'eau de la jungle est parfois pleine de maladies ou alors difficile d'accès. Pour tout vous dire, seuls les trolls connaissent les sources naturelles sûres."

Ils commencèrent à gravir la pente. Arrivés à mi-hauteur, ils voyaient à présent le haut des tentes plus loin. Ils entendirent du bruit dans les buissons en hauteur et ils levèrent les yeux. Un homme, accroupi, pointait un fusil vers eux.

"- Repartez d'où vous venez, sales espions de Kurzen, ou j'vous descends ici.
- Mais, nous ne sommes pas des espions !
- N'essayez pas de me duper ! Je sais très bien à quoi ressemblent des espions ! Et vous, vous avez une tête d'espion !
- Vous êtes complètement fou, posez-moi ce fusil avant que je ne vous fasse sauter la cervelle !"

Ruffin tourna la tête vers Olga qui pointait son arme à feu vers l'inconnu.

"- Seuls les espions peuvent agir de cette manière ! Je vous l'avais dit que vous ne me duperiez pas ! Je vais tous vous crever bande de chiens !"

A la première détonation, Mélissandre se précipita contre la paroi en se bouchant les oreilles. Une seconde détonation retentit.
Olga évita de peu le corps qui chuta. Ce dernier glissa jusqu'au fond du gouffre. Elle rechargea son arme puis se mit à scruter les buissons. Le bout du fusil dépassait de la corniche. Si seulement elle pouvait l'atteindre. Un geignement la ramena hors de ses pensées. Elle se tourna dans leur direction. Ruffin s'était affalé contre la paroi et il se tenait fermement l'épaule. Ses doigts et ses vêtements commençaient à être couverts de sang et il semblait blanc comme un linge.
Elle tourna la tête vers Mélissandre qui regardait Ruffin avec horreur. Le sang ne lui rappelait que trop bien le carnage des Grisonnes.

"- Aide-moi, Mélissandre, il faut qu'on l'emmène jusqu'au campement.
- Mais si eux aussi sont tous fous ?
- Tu préfères qu'il meure ?"

Elle passa le bras de Ruffin sur ses épaules et elle l'aida à se lever. Il s'appuya sur elle faiblement. Elle sentait qu'il serrait les dents à chaque pas mais elle ne pouvait pas l'aider.
Mélissandre parti devant pour prévenir et appeler à l'aide. Espérons qu'ils ne soient pas tous aussi fous.
La jeune femme était assise sur un lit de camp. Elle se tortillait nerveusement les mains en fixant le vide. C'était sa faute. Si elle n'avait pas braillé contre le fou et son fusil, il n'aurait jamais persisté à les traiter d'espions et ils auraient réglé ça à l'amiable. Elle s'en voulait profondément. Elle avait essayé de les capturer et ils avaient à peine donné leur confiance que déjà elle avait à nouveau tout brisé.
Olga leva les yeux vers la petite fille assise sur le lit face à elle. Elle serrait son doudou contre elle, fixant ses pieds.
Elle avait été folle de l'envoyer chercher de l'aide. S'ils avaient été comme l'autre timbré... Heureusement les gardes l'avaient bien accueillie et ils avaient été l'aider à porter le blessé. Ils leur avaient prêté une tente pour qu'elles se tiennent à l'écart et ne gênent pas le médecin de camp, un certain Frère Nimetz, pendant qu'il opérait Ruffin. Il devait extraire la balle.

Elle sursauta lorsqu'un soldat poussa la teinture qui protégeait l'intérieur de la tente des courants d'air.
"- Mesdames, c'est bon, l'opération est finie, il se repose, vous pouvez venir le voir."

Il quitta la tente suivi de très près par Mélissandre et Olga. Loulou, le gros chien, leur emboîta le pas.
Ils entrèrent tous ensemble dans une autre tente, sauf le chien à qui on refusa l'entrée. Ruffin était allongé sur un lit de camp. Il semblait aussi blanc qu'un linge mais ses traits étaient moins crispés par la douleur qu'auparavant.
Il murmura faiblement à Mélissandre :

"- Continue la quête avec Olga, je vais rester ici à me reposer. Je vous attendrai à Hurlevent."

Il ferma les yeux montrant qu'il n'y aurait pas de discussion. Mélissandre semblait inquiète et indécise. Elle tourna la tête vers Olga attendant une réaction de sa part. La chasseuse de primes ne semblait pas avoir envie de réagir mais voyant le regard de la petite, elle se força à trouver quelques choses à dire.

"- Je suis désolée... C'est de ma faute... Je te remercie de me redonner ta confiance. Je ne sais pas si je la mérite, mais je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que quand on ira en Hurlevent, tout se passe bien."

Elle marqua un temps d'hésitation.

"- Pour te prouver ma bonne foi, ma loyauté et pour te protéger, je vais te laisser Loulou. Il veillera sur toi autant que tu veilleras sur lui, et...et comme ça tu seras sûr que je ne prépare aucun coup fourré."

Ruffin entrouvrit les yeux montrant qu'il avait entendu mais aussi pour s'assurer de la sincérité de la proposition. Olga n'avait pas été aussi sincère depuis qu'il l'avait rencontrée. Il n'avait pas le choix de toute manière. Il murmura un faible "d'accord" et referma les yeux.

Les deux femmes quittèrent la tente. Mélissandre ne voulait pas traîner même si elle regrettait la situation. La vie de son oncle et de sa tante, s'ils étaient toujours en vie, pouvait s'éteindre d'un instant à l'autre. Elle devait au plus vite trouver une voie, un indice, qui lui permettrait de les retrouver. Elle espérait qu'elle trouverait quelque chose chez les pirates. Sinon, elle saurait au moins qu'ils n'étaient pas là-bas, mais Azeroth est grand.
Elles mirent peu de temps à s'équiper. En fait, elles eurent juste à aller prendre leurs sacs respectifs dans la tente qu'on leur avait prêtée.
Olga profita que Mélissandre réglait la sangle de son sac à dos pour aller parler au Lieutenant de la zone.

"- Lieutenant Doren, je voulais vous remercier de l'accueil chaleureux que vous nous avez donné. Je suis sincèrement désolée de vous laisser un blessé sur les bras.
- Oh, ce n'est rien. Et puis, votre homme a décidé de partir avec la prochaine caravane de ravitaillement, elle passera dans quelques jours.
- D'accord. Je laisse également mon chien avec lui, j'ai peur qu'il lui arrive quelque chose dans la jungle et puis, il pourra protéger Ruffin.
- Oui, espérons que ce n'est pas vous qui aurez besoin de protection. La jungle est dangereuse, et vous êtes la seule apte à vous battre. J'espère que vous arriverez à bon port. Je ne peux envoyer personne avec vous, mes hommes n'aiment pas la jungle et nous sommes peu au camp à cause des rebelles.
- Je comprends, merci pour tout encore Lieutenant."

Elle lui serra la main et se tourna vers Mélissandre qui l'attendait.

"- Attends-moi une minute."

Elle alla voir Loulou, qu'elle avait attaché près de la tente.

"- Ecoute mon gros Loulou, je vais te laisser avec Ruffin car il a besoin de ta protection. Je reviendrai te chercher dans quelques semaines à Hurlevent. Je veux que tu sois bien sage et que tu lui obéisses."

Les chiens ne sont pas tous intelligents, mais des chiens non-intelligents, Loulou devait être le pire. Mais au moins, son air stupide le rendait également sympathique et jovial. Il lécha la figure d'Olga, la couvrant ainsi de bave et il ne marqua aucun signe de compréhension. Une lueur d'inquiétude brillait quand même au fond de ses yeux. S'il n'était pas très intelligent, il avait tout de même compris que sa maîtresse le laissait là, planté au milieu d'un camp rempli d'inconnus, et qu'il n'était pas sûr de la revoir. Il essaya de tirer sur sa chaîne pour suivre Olga qui s'éloignait mais il avait beau tirer, il était bien accroché. Il aboya pour essayer de rappeler que c'était lui, le fidèle compagnon, qui devait l'accompagner partout. Mais Olga ne se retourna pas. Ses oreilles se couchèrent sur le haut de sa tête et il se mit à hurler appelant pour qu'on ne le laisse pas mais il n'avait aucune chance, il devait rester ici et attendre.

Elles descendaient la pente côte à côte. Elles commençaient à peine à rentrer dans la jungle. Elles avaient peur, mais il fallait faire avec. Olga fit sursauter Mélissandre en chargeant son arme à feu. Six balles, rapide à charger, elle espérait qu'au moindre danger elle serait assez réactive pour les protéger.

Leur cadence de pas était rapide, elles allaient se fatiguer plus vite mais elles couvriraient une plus grande distance. Aucune d'elle ne souhaitait ralentir, c'était trop dangereux, vivement qu'elles atteignent Baie du Butin. Quelques insectes commencèrent à tourbillonner autour d'elles. Ils n'étaient pas dangereux, mais ils devenaient vite agaçants. Enfin, pas dangereux, c'est ce que croyait Olga avant de se faire piquer. Maudits moustiques. Elle savait qu'une fièvre dangereuse traînait dans la région mais elle espérait ne pas l'attraper avec ces sales bêtes. En simple vengeance, elle prononça la peine de mort et écrasa le moustique contre son bras.

Elles entendirent quelques rugissements lointains, sans doute de félin. Mélissandre semblait de moins en moins rassurée. Il y avait peut-être un autre chemin ? Elles feraient peut-être mieux de faire demi-tour ? Elle semblait angoissée, d'autant plus qu'elle était avec Olga, et qu'elle la connaissait moins que Ruffin. Est-ce qu'elle saurait se battre au moins ?

Elle remarqua un pont un peu plus loin. Il était d'un style qu'elle ne connaissait pas, suspendu avec des cordes. Elle se demandait si c'était stable. Elle allait poser la question à Olga quand un rugissement, un peu plus fort que les autres, les fit se retourner. Une immense panthère bondit d'un buisson. Olga visa avec son arme et Mélissandre chercha des yeux une échappatoire. Olga la rata.
La panthère se contenta de passer juste à côté d'elle en courant et de foncer vers les fourrés de l'autre côté de la route. Juste avant de les atteindre, une détonation déchira l'air et la panthère s'écroula.

"- Ouais ! Bingo ! Et une tournée !"

Olga se tourna vers le nouveau venu. Un humain avec un tromblon sortait de la forêt.

"- Excusez-moi, mesdames, si je vous ai fait peur. Mais vous avez devant vous l'un des plus grands chasseurs que ce monde ait porté : Sire S. J. Erlgadin, de l'expédition Nesingwary. Et vous avez également ici présent : Shrukla, la majestueuse panthère. Célèbre pour résister aux plus vaillants des aventuriers. Sauf à moi. Ce qui fait de moins, le plus grand chasseur de panthères du moment. Du moins, jusqu'à que Hermet tue une panthère plus célèbre ou un autre aventurier. Enfin, qu'importe. A qui ai-je l'honneur de m'adresser ?

- Olga, Olga Kenneth. Et Mélissandre Coulomb.

- Enchanté mesdames ! Me feriez-vous l'honneur de m'accompagner ? Je peux vous fournir un campement pour la nuit. Et ne craignez rien, avec l'expédition Nesingwary vous ne risquez rien ! Nous serions ravis de vous offrir l'hospitalité, ce n'est pas tous les jours que nous croisons des voyageurs, cela ferait plaisir à tout le monde, je pense, d'entendre d'autres histoires que les chasses aux raptors.

- Oh, et bien, je ne sais pas si...

- Parfait ! Venez, c'est par ici !"

Le chasseur attrapa la panthère qu'il calla sur son épaule et il prit la direction du pont. Mélissandre le suivit sans faire d'histoire, un peu plus rassurée. Olga leur emboîta le pas.

Chez quels fous étaient-ils tombés cette fois-ci ?

En s'accrochant bien et sans regarder en bas, ils passèrent le pont avec succès. Le chasseur dut pourtant les attendre le temps qu'elles parviennent de l'autre côté. Il proposa même de les porter si elles avaient trop peur. Mais elles refusèrent poliment.

Ils quittèrent ensuite le sentier pour se lancer à travers la jungle. Au bout d'un moment, ils commencèrent à voir des tentes à travers le feuillage. Le camp de l'expédition Nesingwary. Ils débouchèrent enfin dans la clairière où les chasseurs étaient installés. Sire Erlgadin alla montrer sa prise à Hermet Nesingwary.

"- Regarde un peu ce que j'ai trouvé aujourd'hui ! Shrukla. Ah ! Tu ne l'avais pas vu venir celle-là !
- Oh, je conteste ! Je suis sûr que Shiva est plus lourde !"

Il désigna vaguement les caisses un peu plus loin tout en parlant. Une humaine du camp s'approcha.

"- Nous avions relevé son poids quand tu l'avais attrapé, nous n'avons qu'à mesurer celui de Shrukla.
- Bonne idée Ajeck !
- D'accord, on fait ça tout à l'heure. Laissez-moi d'abord vous présenter mes invitées. Mademoiselle Coulomb et Madame Kenneth.
- Enchanté mesdames. Pour ma part, je suis Ajeck Rouack, célèbre chasseuse de tigres et voici Hermet Nesingwary, dit la femme en se désignant puis en désignant le nain."

Mélissandre et Olga les saluèrent poliment. Puis la femme se retourna vers ses compères.

"- Bon, on la mesure cette panthère ?"

Les deux chasseurs hochèrent la tête puis tous les trois ils prirent la direction de l'un des arbres entourant leur campement. L'un d'eux grimpa à une plateforme clouée sur des branches. Il se pencha en avant et fit glisser une corde, l'accrochant à une branche. Il attrapa le bout de la corde et y attacha un sac. Il laissa le sac descendre jusqu'en bas en le lâchant. Il se mit à parler fort vers ses compères :

"- Hey, mettez la bête !"

Le nain, Hermet Nesingwary, attrapa la panthère et la fourra dans le sac. Il se retourna vers Mélissandre et Olga décidant de leur expliquer.

"- Mesdames, voyez-vous, un scientifique gnome du nom de Gnew Tome s'est rendu célèbre parmi les royaumes de mon peuple. Petite anecdote, il se fit connaître car en se prenant un livre sur la tête, il imagina que quelques choses nous attiraient vers le centre d'Azeroth. Et comme la blessure était grave, il a appelé ça gravitation. Enfin bref. Ce gnome a inventé une technique qui nous permet de mesurer le poids d'une bête approximativement de façon à ne pas transporter du matériel. Ça s'appelle le dynamomètre à arachne. Voyez-vous, la corde que vous voyez est en réalité du fil d'arachnes tressés. Cette matière est très élastique, c'est-à-dire qu'elle se déforme facilement, ainsi que très résistante. En mettant une proie dedans, on regarde jusqu'où l'élastique se tend ou se détend et on mesure. Au préalable, chez nous, nous avions rempli un cahier avec des mesures faites avec des poids et comme ça on peut savoir combien pèse la bestiole."

Il se tourna vers Ajeck qui feuilletait livre qu'elle avait été chercher dans sa tente.

"- T'as prit le mètre Ajeck ?
- Oui, tiens, il est là."

Elle lui tendit un mètre dépliant. Il s'avança vers l'élastique et mesura la hauteur qu'il donna par la suite à sa compère.

"- Bon et bien, je pense qu'il pèse près de 55 kg !"

L'humain décrocha la corde et descendit de son arbre, le sourire aux lèvres.

"- Et si je me souviens bien, Hermet, la tienne ne pesait que 53 kg ! Je suis donc le plus grand chasseur de panthères !
- Ne te réjouis pas trop vite, l'animal ! Demain j'irai traquer Taormi, la plus grosse panthère du Sud !
- Je suis sûr qu'elle ne fera même pas la moitié du poids de Shrukla !"

Les deux amis se sourirent. Demain serait un autre jour.

Sire S. J. Erlgadin ouvrit le sac et attrapa la bête.

Mélissandre et Olga suivirent les deux autres qui partirent s'installer près d'un feu où déjà deux des leurs était installés. Elles s'installèrent côté à côté. Hermet perça un tonneau et l'alcool coula beaucoup. Pour les adultes. Bien que le nain ait insisté pour "baptiser" Mélissandre avec sa bière, Olga était fermement résolue à ne lui faire toucher aucune goutte d'alcool. La petite eut le droit à du jus de baie.

Après plusieurs verres, Erlgadin vint se joindre à eux, avec sa prise et il s'installa à côté de Mélissandre, c'était le seul endroit où il restait de la place.
Il y eut alors une nouvelle distribution de boissons accompagnée, cette fois, de viande séchée de crocilisque et de pain.

Ayant à peine commencé à croquer son sandwich, Erlgadin posa la bête près de lui, sous le regard inquisiteur de Mélissandre, et il commença à la vider. C'est à ce moment-là que Mélissandre se dit qu'elle n'aurait pas dû regarder ce que faisait le chasseur. Elle se força à finir son jus et son sandwich en regardant ailleurs.

Olga ne semblait pas avoir vu ce qu'il faisait ou alors elle était trop pompette pour s'en apercevoir. Les autres étaient tout à fait habitués et ils saluaient même de temps en temps un organe de taille notable.

Quelques dizaines de minutes plus tard (qui semblèrent durer des heures), on désigna à Mélissandre une tente où elle pourrait aller dormir. Elle s'empressa de se soustraire à la communauté de chasseur et partit se reposer.

Le lendemain matin, Mélissandre se réveilla quand l'activité du camp reprenait. Elle se changea rapidement en prenant soin de ne pas réveiller Olga. Elle avait vu assez de lendemain de fête pour savoir que les adultes devenaient malades et qu'il valait mieux qu'ils se réveillent tout seul.
Elle quitta la tente. Elle se retrouva nez à nez avec une panthère. Elle bondit en arrière en retenant un cri. Sire S.J. Erlgadin la regardait, la main sur la panthère, en souriant.

"J'ai terminé. Elle est belle, hein ?"

Mélissandre soupira. D'accord. Maintenant elle avait peur également des panthères empaillées. Elle jeta un regard mauvais au chasseur qui éclata de rire.

"J'en conclus que je l'ai bien réussi ! J'ai travaillé dessus toute la nuit !"

Il attrapa la bête et alla la poser un peu plus loin.

Mélissandre s'installa près du feu de camp. Quelqu'un avait rajouté une bûche et rassemblé du bois en tas non loin de là. Elle vit Ajeck Rouack qui sortait d'une tente avec un bol. En voyant Mélissandre elle re-rentra dans la tente et sortit quelques minutes plus tard avec un deuxième bol. Elle l'apporta à la petite-fille qui la remercia en hochant la tête.

Après avoir terminé de manger, Mélissandre se dirigea vers la tente. Lorsqu'elle entra, elle aperçut Olga, assise sur le lit de camp, la tête entre les mains.

"Bon.... On va devoir y aller. Ah... Mon crâne... Je n'aurai pas du boire autant... Hum"

Elle se leva du lit et attrapa son sac.

Les deux femmes sortirent de la tente. Elles allèrent saluer les chasseurs poliment et les remercier de leur accueil. Ils tentèrent de les convaincre de rester mais elles déclinèrent poliment la proposition.
Elles quittèrent le camp et rejoignirent la route.

Au bout de quelques minutes, Mélissandre finit par ouvrir la bouche tout en marchant.

"- T'as vu ce qu'il a fait à Shrukla ?
- Nan, qu'est-ce qu'il lui a fait ?
- Ben... Il enlevait tout ce qu'elle avait dedans...
- Oh... Je n'avais pas vu... Il devait l'empailler...
- Ca sert à quoi ?
- C'est pour conserver des trophées, pour se souvenir."

Mélissandre grimaça légèrement puis porta son attention sur autre chose. Tout en marchant elle remarqua quelques choses d'anormal sur un tronc d'arbre. Elle dévia légèrement sa route pour s'en approcher.

"Regarde Olga, on dirait une flèche."

Olga s'approcha à son tour et regarda la flèche.

"Ben, c'est parce que s'en est une."

Une autre flèche se planta juste au-dessus.
Le front d'Olga se plissa. Son esprit était très embrumé et elle ne parvenait pas à aligner deux pensées cohérentes. Ah, et ce mal de crâne...
L'esprit de la petite fille était plus vif. Mélissandre se retourna et tapota vaguement le bras d'Olga.

"Mais qu'est ce qu'elle fait là ? Pourquoi elle est là au milieu de la jungle ?"

Olga se tapa le front du dos de la main et coupa Mélissandre.

"- C'est une flèche trolle ! Donc il y a des trolls pas loin !
- C'est censé être bien ?"

Olga marqua une pause.

"- Euh...Non
- J'suppose que le type qui vient vers nous avec un arc, c'est un troll ?"

Olga se retourna et regarda l'individu qui les visait. Oui, c'était bien un troll.
"Vite vers le pont !"

Olga courut vers le pont suivit de près par Mélissandre. Elle jeta un coup d'oeil en arrière. Le troll semblait content. Il s'y attendait. Et il avait envie de jouer avec ses proies. Il marchait tranquillement derrière sans chercher à les rattraper. Olga savait qu'un troll avait beaucoup d'endurance et un bon flaire. De plus, il connaissait la jungle comme sa poche et savait suivre les pistes. Elles pourraient toujours fuir, il les retrouverait juste quand il en aurait envie. Sauf si elle arrivait à faire quelques choses d'inattendu. Elle regarda autour d'elle.
Les deux filles arrivaient près du pont, sans se poser de questions elles commencèrent à l'emprunter.
Il passait au-dessus d'un cours d'eau. Des crocodiles sur la berge les regardaient. Ils espéraient sûrement que le pont allait craquer. Mais il semblait tenir bon. De toute manière, elles avaient plus peur du troll que d'eux pour le moment.

Olga eut une idée. Elle jeta un coup d'oeil derrière elle. Le Troll s'était arrêté en les regardant s'éloigner. Elle aurait juré qu'il souriait. Si seulement Loulou était là, elle aurait pu le démonter grâce à son gros chien. Seule, elle ne pouvait pas.
Elles arrivaient au bout du pont. Mélissandre continua à courir sur quelques mètres avant de se retourner. Olga avait sorti un couteau et elle trancha les cordes du pont en deux mouvements. Le Troll avait perdu son étrange sourire. Il ne s'y attendait pas. Et maintenant il allait devoir se démerder à faire le tour. Mais il arriverait à les choper. Il passa sa langue sur ses babines avec un air mauvais et s'enfonça dans la jungle.

" Dépêches-toi Olga, on ne doit pas rester là, il va revenir !"

Elles continuèrent à courir un peu, mais s'arrêtèrent rapidement pour remplacer la course par une marche rapide.
La jungle était moins dense ici. On voyait plus loin à travers les feuillages.
Elles entendirent des voix.

Mélissandre pointa son doigt vers la jungle.

"Regarde ! Regarde ! Il y a une maison !"

Elles sourirent et se dépêchèrent de quitter la route en direction des bâtiments. La jungle s'arrêta très rapidement. Apparemment, la zone avait été déboisée si on en jugeait les troncs coupés. C'était une exploitation gobeline d'après ce qu'elles avaient remarqué. Des gobelins s'affairaient dans leurs drôles de machines, au loin.
Elles s'approchèrent de deux gobelins qui discutaient sans faire attention à ce qui les entouraient. Des péons orcs travaillaient non loin d'eux.

"- Excusez-nous, messieurs ?"

Les deux gobelins se tournèrent vers elles, surpris. Ils se sourirent d'un air entendu. Olga n'aimait pas ça, mais elles n'avaient pas le choix.

"- Ah, bonjour mesdames, que nous vaut l'honneur de votre visite ?
- Eh bien, nous souhaiterions trouver refuge chez vous, si vous le permettez, pour quelques heures.
- Oh, oui, bien sûr. Je vois votre problème. Nous accueillons souvent les voyageurs qui passent, pour qu'ils puissent se reposer un peu, m'voyez quoi. Tient, d'ailleurs, Mourn, va préparer de quoi loger ces mesdames et le service qu'on accorde à nos invités."

Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres dudit Mourn. Olga senti un froid glacé l'entourer, elle n'aimait pas ça, mais alors pas du tout. Mais si elles retournaient dans la forêt, elles finiraient dévorées par le troll qui les poursuivait. Elles n'avaient pas le choix. Elle ignorait combien de temps elles devraient rester ici. Le moins longtemps possible serait le mieux.
Le gobelin s'éloigna et alla parler à deux péons qui le suivirent.

"- Alors, dites-moi, mesdames. Qu'est-ce qui vous amène dans ce beau pays plein de ressources ?
- Nous avons ..., commença Mélissandre.
- Nous avons de la visite à faire dans notre famille à Baie-du-butin, la coupa Olga.
- Ah, de la famille. Oui, c'est important la famille."

Il hocha la tête plusieurs fois.

"- En tout cas, vous êtes nos invités pendant tout votre séjour ! Soyez les bienvenues."

Mourn revint sans ses deux péons, il tapota l'épaule de son collègue.

"- C'est bon, l'espace réservé aux hôtes est maintenant disponible.
- Ah ! Très bien ! Venez Mesdames, nous allons vous conduire dans un endroit où vous pourrez vous installer pendant votre séjour.
- Oh, vous savez, nous ne sommes pas obligées de vous gêner comme ça, on ne peut pas rester dehors pour quelques heures ?
- Ah, non, je suis désolé, vous allez nous gêner sur le chantier, non, non mais ne vous inquiétez pas, il y a tout le confort nécessaire à l'intérieur."

Elles suivirent le gobelin à l'intérieur d'un bâtiment.

Les orcs, embusqués de chaque côté de la porte, les assommèrent sitôt qu'elles eurent franchi la porte. Elles ne purent rien faire et ne les virent même pas.

Mélissandre se réveilla la première. Elle avait terriblement mal à la tête. Qui l'avait frappé comme ça ? Elle ne se souvenait pas vraiment. Elle se rappela du troll. Oh ! Non ! Elles allaient être mangées. Elle regarda autour d'elle, non, ce n'était pas une bâtisse troll. Puis le souvenir des gobelins lui revint.

Ils n'avaient prit aucun risque. Ils les avaient dépouillées de toutes leurs affaires et même de leurs vêtements. Ils les avaient tout de même vêtues de robes crasseuses qui arrivaient jusqu'à la moitié de leurs cuisses.
De plus, elles ne pouvaient bouger. Elles étaient à genoux, les chevilles enchainées à un socle. Leurs poignets étaient maintenus en l'air grâce à des bracelets métalliques fixés dans le haut de la cage. Ils avaient vraiment peur qu'elles s'échappent. Si par "malheur" elles arrivaient à se détacher, la cage, elle, les retiendrait. Bon, aucune chance qu'elles s'échappent. Qu'est-ce qu'ils allaient faire d'elles ? L'anxiété et la peur lui faisaient monter des larmes aux yeux.

"Olga ! Olga !"

La femme ouvrit les yeux.

"Putain, ma tête, ils nous ont pas loupé..."

Elle tira sur ses chaînes en reprenant ses esprits et sembla s'affoler un peu. Elle tira sur ses bras pour se redresser un peu et étirer ses jambes puis reprit sa position initiale.

"- Mélissandre, tu vas bien ?
- J'ai peur...
- Non, ne t'en fais pas, c'est sûrement une erreur, ça ne peut pas en être autrement, ils vont avoir des problèmes s'ils ne nous relâchent pas. Non, ne pleure pas !"

De grosses gouttes tombaient sur les joues de la petite fille. Elle semblait pourtant les retenir du mieux qu'elle pouvait.
Olga tourna la tête vers une porte au fond de la salle. Elle avait entendu des pas.

A présente, elles entendaient des voix se rapprocher.

"- Ca nous fera une petite fortune, mais le patron ne doit pas s'en apercevoir, sinon il voudra sa part. Heureusement qu'il ne va jamais dans cette aile-ci des bâtiments.
- J'ai réussi à avoir une mission de transport, faudra qu'on amène les cages jusque-là, mais j'partirais à l'aube, donc ça va. On pourra faire ça de nuit. Puis, j'ai le droit de me choisir des coéquipiers.
- Bon, voyons si elles sont réveillées."

Les deux gobelins débouchèrent dans la salle. Ils s'arrêtèrent devant la première cage, celle d'Olga.

"- C'est un beau morceau celle-là, tu penses qu'on peut en tirer combien ?
- Ah, je ne sais pas trop. Vers 50 pièces d'or ?"

Le gobelin hocha la tête. Une bonne prise à n'en pas douter.
Ils se déplacèrent vers l'autre cage.

"- Et elle ?
- Ah, moins, c'est une enfant, ça sert pas à grand-chose, je ne sais pas 20 pièces d'or peut-être, parce qu'un jour elle sera grande quand même.
- Bon, c'est au moins deux bonnes prises."

Olga tira sur ses chaînes violemment les faisant se retourner.

"- Hey ! Toi, arrête de bouger !
- Qu'est-ce que vous allez faire de nous ?
- On va vous vendre. T'as pas b'soin d'en savoir plus."

Les deux gobelins ricanèrent et quittèrent la salle. Ni Olga, ni Mélissandre ne semblaient rassurées.

La visite suivante fut celle d'un orc. Il leur détacha un poignet le temps qu'elles mangent. Il n'ouvrit pas la bouche une seule fois et ne répondit jamais aux demandes des deux prisonnières sauf à une seule. Mélissandre lui demanda son doudou. Il alla fouiller dans ses affaires et le lui donna. Elle ne pouvait pas le serrer dans ses bras mais elle le tenait au moins dans sa main.
Olga n'en avait pas vraiment cru ses yeux. Un orc assez sentimental pour donner un doudou à une petite fille. Enfin, elle regrettait tout de même qu'il ne le soit pas assez pour les délivrer.

Il repartit peu de temps après en les rattachant et en récupérant les bols.

Mélissandre réussit à s'endormir sûrement à cause de la fatigue plus que par l'envie. Olga, elle, ne ferma pas l'oeil de la nuit, rongée par l'inquiétude. Mais qu'allaient-elles devenir ?!
Elle fut tirée de ses pensées par de nouveaux bruits de pas. Les deux gobelins accompagnés de deux orcs rentrèrent dans la salle. Mélissandre se réveilla à leur arrivée. Le gobelin regarda le doudou en fronçant les sourcils puis il désigna les cages aux orcs.

"- Prenez-les et mettez-les dans les cages du chariot.
- Ok patron."

Les deux orcs s'approchèrent de la cage d'Olga. Ils l'ouvrirent et détachèrent les chaînes. Olga essaya d'échapper à leurs prises en forçant le passage mais autant pousser une montagne. Ils lui attrapèrent les poignets et la traînèrent contre le sol comme un simple chiffon. Elle eut beau résister, rien à faire. Elle ne récolta que des écorchures.

Ils la traînèrent à travers plusieurs couloirs et ils sortirent dehors. L'un des orcs l'attrapa par la taille et l'envoya sur son épaule. L'autre les accompagna jusqu'à un chariot rempli de caisse. Deux petites cages étaient glissées parmi elles. Ils y accrochèrent Olga. Elle ne put résister.
La cage était assez grande tout de même pour qu'elle puisse avoir la tête droite mais pas assez pour que ses jambes soient étendues.

Quelques minutes plus tard, Mélissandre était à son tour accrochée en face d'elle. Elle avait réussi à garder son doudou.

L'un des gobelins, le dénommé Mourn, s'installa sur le banc avant et fit claquer les rênes. Les chevaux se mirent à avancer en tirant la charrette. Les orcs s'étaient installés dans la partie arrière pour mieux surveiller.

La charrette se mit doucement en mouvement.

Les deux femmes n'arrivent pas à voir devant.

Au bout qu'une dizaine de minutes, la charrette s'arrêta et les orcs sortirent leurs armes. Elles entendirent une discussion. Des gens pour les sauver ? Olga se prit à espérer. Un cri lui fait changer d'avis.

"HEY LES COPAINS, PEWSONNES IL DOIT S'ECHAPPER ! TUEZ LES TOUS !"

Des trolls. Super. Être mangée ou être vendue ? Pour le coup elle préférait être vendue.

Les trolls, pas assez nombreux, prirent rapidement la fuite devant les orcs déterminés.

Le transport continua sa route.

A la fin de la matinée, ils débouchèrent dans une crique. Ils s'arrêtèrent près de l'eau. Une barque les attendait ainsi que plusieurs hommes. Des pirates, d'après Olga. La petite fille était morte de trouille. Qu'est-ce qu'ils allaient faire d'elles ?

Les gobelins donnèrent l'ordre aux orcs de les sortir des cages "pour présenter la marchandise."

"- Ah, tu m'as ramené des drôles de morceaux. Ils ne seront pas achetés pour le travail. J'espère pas que t'en attends beaucoup. J't'en offre 60 pièces d'or. C'est ma seule offre."

Le gobelin bourgeonna mais paya, il avait déjà essayé de marchander par le passé et le pirate était reparti sans la marchandise.
Les orcs lièrent les mains des deux femmes et elles furent conduites dans la barque. Elles regardèrent les gobelins s'en aller avec leur chariot. Olga jura de se venger ce qui fit rire le pirate.

"- Crois-moi, t'aura aucune chance de retourner là-bas, bien que j't'y enverrai bien. Y'aura sûrement pas mal de gens qui chercheront des femmes comme toi.
- Où est-ce que vous nous emmenez ?
- Tatata, on ne pose pas de questions, par contre, j'vais faire une exception. Nous allons à Tanaris où vous serez bientôt vendues."

Il sourit, dévoilant une dent en or. Olga lui envoya un regard assassin puis tourna la tête vers Mélissandre qui avait l'air dépitée. Elles furent enchaînées au milieu d'autres esclaves dans la cale d'un bateau qui contenait déjà des prisonniers de toutes les races et de tous les âges. La plupart avaient l'air perdu et apeurés. Ils ont trop peur pour faire quoi que ce soit, se dit Olga.

L'odeur était insoutenable. Mélissandre faillit vomir plusieurs fois. Elle repéra plusieurs enfants de son âge et même des plus petits. Certains parlaient sa langue et d'autres non. Elle s'en voulait. A cause d'elle, une femme et son enfant seraient bientôt dans les mêmes conditions qu'elle. C'était sa mission, et elle avait échoué. Une toute petite voix dans sa tête lui disait que ce n'était pas sa faute et que si ça se trouve la dame et sa fille avaient déjà été attrapées. Elle savait juste son nom, Eponine, et elle savait aussi qu'elle avait perdu la boucle d'oreille qu'on lui avait confiée pour cette mission. Elle regarda autour d'elle. Il y avait plein de mère avec des enfants. Et elle ne voyait même pas le fond de la "salle".
Elle se tourna vers sa voisine. C'était une vieille femme toute ridée qui ne paraissait pas au mieux de sa forme. Puis elle se tourna vers Olga qui elle non plus ne paraissait pas en bonne forme. Elle serra ses genoux contre la poitrine et posa sa tête dessus. Il ne fallait pas qu'elle ait peur, tout ira bien...

Une heure passa ce qui lui sembla des siècles. Un type descendit l'échelle avec des sacs. Il distribua sa ration à chaque prisonnier en veillant bien à ce que tout le monde en ait. Une fois la mort installée, elle reste, alors mieux vaut éviter qu'elle arrive en maintenant les prisonniers en bonne santé.
Après le repas, ils eurent le droit d'aller sur le pont, par groupe de dix, pour éviter les idées de rébellion. Plusieurs prisonniers trop turbulents furent contraints de rester dans la calle.
Ainsi les jours passèrent.
La cale était devenue presque insupportable. Elle était couverte de vomis et d'excréments. Malgré les mesures prises, un bébé et une femme étaient morts. Ils avaient été détachés de leurs chaînes et jetés à la mer. Certains marins refusaient même de rentrer dans la cale à cause de l'atroce odeur.

Olga était malade et Mélissandre s'en inquiétait beaucoup. Le médecin de bord était venu la voir à force d'entendre Mélissandre l'appeler. Il avait secoué la tête en disant qu'elle s'en sortirait et que ce n'était rien de grave. Il ajouta même qu'il veillerait qu'elle reste en vie parce qu'elle était un bon morceau et qu'elle valait sans doute plus cher que l'autre voisine de Mélissandre.
Ca ne l'empêchait pas d'être inquiète.

Le capitaine fit donner l'ordre de nettoyer la cale. On monta tous les prisonniers sur le pont pour le grand lavage.
Un homme, profitant de la présence de tout le monde pour se couvrir, lança un morceau de bois sur la tête d'un marin. Une bagarre éclata entre le prisonnier et le marin. Les chaînes gênaient l'attaquant, il se fit rapidement dominer par le marin. De plus la nourriture et les conditions de l'avaient pas maintenu en forme. Il s'écroula, inconscient, avant que le lieutenant ne puisse intervenir.

"Eddy ! Qu'est-ce que tu fous putain ! On tue pas la marchandise."

Le lieutenant sépara le marin de l'homme inconscient. Avec une bonne claque, il l'envoya bosser avec les autres en fond de calle.

"Va nettoyer en bas, comme les autres."

Le marin obéit en lançant un regard assassin au lieutenant. Ce dernier se pencha vers l'homme à terre et lui tâta le pouls. Ouf, il était encore vivant. Il se tourna vers le prisonnier voisin, en l'occurrence, une prisonnière.

"- Toi ! s'exclama le lieutenant. C'est quoi ton nom ?!
- Eponine.
- Ben, Eponine, tu vas emmener ton copain sur le pied du mât, d'accord ! Alors hop ! Vous autres, surveillez la et détachez la. Quand elle aura fini, rattachez-la !"

Ils détachèrent la pauvre femme et celle-ci traîna le lourd blessé jusqu'au mât, sous les regards de ses deux gardes qui ne vinrent pas l'aider et qui riaient à chaque fois qu'elle trébuchait. Mélissandre la fixait, elle sentait au plus profonde d'elle que c'était elle, la femme qu'elle devait chercher. Elle ne serait pas arrivée à temps. Elle sentit comme un poids disparaître. Il fallait quand même lui dire, à cette dame, que son mari allait bien. Elle en serait peut-être soulagée. Elle essaierait de l'approcher plus tard.

L'occasion ne se présenta pas durant les heures qui suivirent car la femme n'était pas rentrée. Elle réapparut seulement le lendemain matin. Et elle fut rattachée à sa place, pas trop loin de Mélissandre mais à plusieurs personnes d'écarts tout de même. Elle demanda à sa voisine de faire appeler la dame. Les voisins et voisines se passèrent le message jusqu'à atteindre Eponine. Cette dernière leva les yeux et chercha du regard qui l'appelait, elle croisa le regarde de Mélissandre.
Mélissandre remarqua qu'elle n'avait pas la même lueur dans les yeux que dans ceux des autres. Elle n'avait pas peur. Elle était seulement triste. Très triste.

Elle fit passer un message aux autres. Mélissandre hocha la tête en réponse.

Quand l'heure de la promenade arriva, les deux femmes firent un tel tapage qu'on les laissa en fond de cale. Elles purent discuter plus tranquillement sans le bruit de leurs voisins et sans garde.

"- Je m'appelle Mélissandre. Votre mari m'avait demandé de vous prévenir, mais j'me suis fait capturer par des gobelins. Je suis désolée.
- C'était déjà trop tard. Mais je suis soulagée. Je pensais qu'il nous avait abandonné, moi et notre fille, qu'il s'était embarqué pour fuir ses problèmes. J'avais terriblement peur. Mais s'il vous a envoyé c'est que c'était pour nous, enfin je crois.
- Oui, il m'a dit qu'il allait travailler d'arrache-pied mais qu'il avait peur que ça ne suffise pas.
- Ca n'a pas suffi. Mais j'ai réussi à sauver notre fille. J'espère qu'elle saura se débrouiller... Oh ma petite..."

Mélissandre comprit que sa tristesse n'était pas de l'abattement, c'était une volonté de vaincre, de venger les siens.

" Vous en faites pas, on va s'en sortir, et vous irez voir votre fille."

La femme la regarda droit dans les yeux puis regarda le sol. A ce moment-là, leurs compagnons redescendirent et on les rattacha puis on amena le groupe suivant.

Olga n'était plus malade, mais la peur s'était emparée d'elle, elle n'avait pas voulu écouter Mélissandre.

Et le bateau, ce maudit bateau qui continuait d'avancer en transportant sa cargaison insolite.

A l'autre bout du monde, à Hurlevent, un convoi de caravanes arrivait. Le chef caravanier donne une bourse à un homme qui les accompagnait.

"- Merci à toi de nous avoir accompagné.
- Merci à vous de m'avoir accepté, moi et Loulou."

Le gros chien sauta d'un chariot et vint se placer derrière Ruffin. Saluant une dernière fois les caravaniers, Ruffin leur tourna le dos puis parti à la recherche d'une auberge. Il allait beaucoup mieux et sa blessure était guérie même s'il avait encore du mal à bouger le bras concerné.
Ce n'est pas sa blessure qui le préoccupait. Il n'avait eu aucune nouvelle des filles. Et il avait un affreux pressentiment.
Il entra dans une auberge. Quelques types buvaient encore un coup malgré l'heure tardive. Il les observa sans grand intérêt avant de s'arrêter. Il reconnut celui que Mélissandre avait appelé Sergent. Et le Sergent l'avait reconnu aussi d'après la façon dont il le fixait.
Mince, le pressentiment, c'était pour lui.

Le sergent venait de le repérer. Il se leva d'un coup et se précipita vers Ruffin. Il se planta devant lui.

"- Elle est où ?
- Qu'est ce que ça peut vous foutre ?
- Je dois la ramener !"

Le sergent attrapa Ruffin par le col. Tous les clients les observaient. Il le relâcha puis le fusilla du regard.

"Et déjà, moi aussi j'aimerais bien savoir où elle est."

Le sergent le regarda d'un air interrogateur.

"Je l'ai laissée en Strangleronce. Après, je ne sais pas où elle est passée."

Le sergent semblait réfléchir. Puis son visage s'orna d'un sourire mystérieux.

"Merci mon brave."

Alors qu'il allait partir, Ruffin l'attrapa par l'épaule et le retourna vers lui.

- A ton tour de répondre à mes questions.

Il désigna une table libre. A contrecoeur, le sergent le suivit et ils s'assirent. Sitôt assis, Ruffin prit la parole.

- Pourquoi vous la cherchez et pourquoi vous devez la ramener ?
- C'est mon chef, le commandant Gasdame qui la veut. Si je ne lui ramène pas, je ne serai jamais réhabilité dans l'armée.
- Mais pourquoi il la veut ? Et comment se fait-il qu'il a le droit de vous virer comme ça ?

Le sergent ne pensait pas avoir d'autres choix que de raconter toute l'histoire, d'autant plus que ça le soulagerait un peu d'en parler, même aux ennemis. Et puis, on ne lui avait pas demandé de tenir sa langue.

"Un soir, alors que nous avions une mission de patrouille, d'étranges cavaliers en uniforme, pas les nôtres, sont venus dans notre camp. Leur chef, un type sombre avec une capuche, a parlé longtemps avec le commandant. J'étais là, on était en réunion. Il lui a dit qu'il cherchait sa nièce et il a demandé qu'on lui remette la gamine si par hasard on la trouvait sur notre chemin. On n'est pas dupe, on savait très bien que ce n'était pas sa nièce. Mais il a argumenté avec une bourse. Le genre d'argument qu'on ne peut pas réfuter. Il nous a prévenu qu'en acceptant l'argent on acceptait et qu'on ne pourrait pas se retirer de l'affaire plus tard. Du coup, si on voyait la fille, on devait absolument la garder avec nous jusqu'à ce qu'ils reviennent. Et sinon, on en paierait les conséquences. Ces types donnaient la chair de poule."

Il s'arrêta juste le temps de commander une bière.

"Et après, des éclaireurs ont ramené une gamine. Ils nous avaient fait le portrait d'la petite et nous avaient donné son nom. On l'a cuisinée un peu et on a vu que ça correspondait. Mais on devait rentrer au campement principal et la petite nous a faussé compagnie sur le chemin. Je devais la surveiller. Alors comme le commandant m'aime pas trop depuis quelques bêtises, il en a profité pour me poser un ultimatum : soit je la retrouve, soit je quitte l'armée...Mais y'a que ça dans ma vie, l'armée, alors comprenez... C'est important."

Il attrapa sa chope tout en glissant des pièces dans la main de la serveuse puis avala quelques gorgées. Il aurait été tenté de partir mais il savait que l'autre n'avait pas fini.

- Je vois... Croyez-vous qu'après une telle histoire, votre commandant restera en poste ? Surtout si ça s'ébruite. En plus, vous serez son complice. Comme vous êtes moins gradé, vous deviendrez le bouc-émissaire.
- Vous...Vous croyez ?

Le sergent regardait l'intérieur de sa chope. Son front s'était plissé. Il était en intense réflexion. Très bien. C'est ce que Ruffin avait voulu provoquer.

- C'est vrai que ça se tient. Mais maintenant, c'est trop tard pour moi, j'en ai fait tellement, j'vais forcément être le complice de ce tyran.
- Mais non, mais non. Imaginez un peu. Vous trahissez les méchants pour rejoindre le bon côté.

Il y eut une nouvelle pause de réflexion avant que le sergent ne reprenne la parole.

- Vous...vous me demandez de vous aider ? Après tout ça ?
- En quelque sorte.

Ruffin tendit sa main vers le sergent. Celui-ci hésita un instant puis la serra.

"Ca marche. Je vais vous aider. De toute manière, j'ai jamais aimé poursuivre une gamine qui nous avait rien fait."

Ruffin sourit et entreprit de lui raconter le pourquoi du comment du début à la fin.


"Ah le voila !"

L'officier de marine se précipita sur le quai à la rencontre du commandant de bord.

- Alors, votre cargaison ?
- Quelques-uns sont morts, d'autres vont pas tarder. Pour l'ensemble, c'était un bon lot. J'espère qu'on en tirera gros.
- Vous avez du spécial ?
- Ouais, j'ai une espèce de chasseuse de primes. Bon, elle a ramené avec elle une gamine, mais c'est surtout elle qu'est intéressante. Ca pourrait plaire à certains bons clients. Sinon, j'ai aussi un scribe, endetté jusqu'au cou, et un cartographe, mais je le garde pour moi celui-là. "

L'officier hocha la tête.

Bon, fais-moi descendre tout ça. Sépare les hommes et les femmes, comme d'habitude. Il reste quelques places dans les baraquements 2 et 4 mais met la majorité dans le 5 et le 6.

Le commandant de bord entreprit de diriger les opérations. Lui et ses hommes commencèrent à faire descendre les prisonniers. Ils séparèrent les hommes et les femmes. Puis les guidèrent jusqu'aux baraquements aussi aisément que l'on fait avancer un troupeau de moutons.

Mélissandre guida Olga. La femme semblait perdue. Elle ne savait plus où elle en était. L'espoir était perdu. Elle ne serait plus jamais libre. Elle mourrait les pieds entravés de chaînes.

Mélissandre n'était pas aussi pessimiste, pour elle, l'espoir était toujours là. Sa volonté d'enfant était guidée par la naïveté. Elle ne se rendait pas compte de ce ça représentait d'être vendue comme esclave. Mais c'est cette naïveté qui lui permettait de regarder ce qui l'entourait et d'imaginer son évasion.

Le camp était composé de 9 baraquements. Les grands bâtiments étaient placés en cercle autour d'une cour centrale. Les baraquements, tout en planche, étaient légèrement surélevés sur des pilotis. Au centre de cette cour, il y avait une estrade. Partout on apercevait des anneaux pour accrocher des chaînes. Derrière les grands bâtiments, on pouvait apercevoir des tours de guet et des palissades en bois.

Sur l'estrade, un homme criait en tenant le bras d'un jeune homme. Ce dernier avait les poignets liés et il ne portait rien d'autre qu'un tissu autour des cuisses. Devant l'estrade, une petite foule observait les ventes. De temps en temps, un personnage levait la main en disant un prix ou criait simplement. Le jeune homme fut vendu à un homme assez important d'après ce que Mélissandre pouvait voir. Des hommes en armes firent monter sur l'estrade une petite bonne femme tandis que deux autres tiraient le vendu. Le garçon regardait autour de lui d'un air désespéré.

Elle aurait bien voulu l'aider mais ses chaînes l'empêchaient de s'écarter trop loin de son voisin précédent et de celui qui la suivait. Ils se dirigeaient vers l'un des bâtiments. Au milieu de la façade trônait un grand 6.

Ils passèrent les portes avant d'avoir le résultat de la vente suivante.

La salle possédait des anneaux partout sur les murs. Une palissade centrale coupait la salle en deux. Elle aussi avait ses attaches pour prisonniers. On les fit s'asseoir et plusieurs des hommes en armes passèrent pour les fixer au mur. Mélissandre et Olga restèrent côte à côte. La vieille femme voisine de Mélissandre n'était pas rentrée de l'une des promenades. On y avait attaché Eponine lors d'une "erreur de placement". Elle avait bavardé longuement avec Mélissandre, évoquant à voix basse mainte et mainte façon de s'échapper en imaginant comment était le camp. Les voisins et voisines s'étaient joints à la conversation plusieurs fois, montrant ainsi leur intérêt. Certains d'ailleurs n'avaient plus peur.

Quelques-jours avant l'arrivée, l'un d'eux s'était battu avec un geôlier. Il avait été pendu au grand mât, pour l'exemple. Quand il avait commencé à puer, le capitaine l'avait fait jeter aux requins. Plusieurs esprits agités s'étaient ainsi calmés. Mais, le désir de vengeance avait réveillé certains prisonniers. Maintenant, les révoltés se connaissaient bien, et ils étaient prêts à agir. Quelques-uns des prisonniers, comme Olga, s'étaient murés dans leurs réflexions et dans leur désespoir. Impossible de les sortir de là. D'autres avaient trop peur de prendre part aux discussions. Néanmoins, chaque jour qui passait convainquait des indécis à les rejoindre.

Dès que la majorité des gardes quittèrent le baraquement, les discussions reprirent à voix basse. Dès qu'un garde passait, au cours de la ronde, près d'un groupe de parleurs, ils se taisaient et reprenaient dès qu'il était assez loin.
Mélissandre remarqua que plusieurs anciens camarades ne parlaient plus. La peur les avait repris avec l'arrivée. Ce n'est pas grave, ça reviendrait.
Eponine se mit à parler.

- Regarde, les gardes, ils ne sont pas dans leurs assiettes. Ils ne doivent pas avoir l'habitude que leurs prisonniers discutent. On ne devrait pas trop parler. Si on fait trop remarquer qu'on ait à l'aise, ils doubleront les surveillances. Il vaudrait mieux dormir pour récupérer et pour préparer l'évasion. Il faudrait pouvoir parler aux autres baraquements.
- Oui, tu as raison. On devrait faire passer le mot du silence.

Elles firent passer le mot à leurs voisins. Les conversations cessèrent un peu, sauf un mot ou deux glissés de temps en temps. On leur rapporta qu'un petit garçon du nom de Justin avait trouvé que sa planche bougeait assez pour qu'il puisse passer. Eponine hocha la tête.

Eponine semblait réfléchir intensément et elle ne semblait pas vouloir mettre Mélissandre au courant.
La petite fille sentait au fond d'elle une angoisse qui la tenaillait depuis qu'elles avaient été capturées. Elle n'avait pas pleuré et elle en était déjà très fière. Mais elle était morte de peur quand même. Que se passerait-il s'ils n'arrivaient pas à s'échapper ? Rien que d'y penser elle se sentit frissonner.
Elle s'endormit sans même s'en rendre compte.

Durant la nuit, seuls quelques adultes veillaient encore. Eponine en faisait partie. Le gardien somnolait en marchant et ne prêtait plus attention aux éveillés. Il pensait sans doute au bon plumard qui l'attendait.
Une idée germa dans la tête de la femme. Elle chercha des yeux une personne compétente pour son plan. Un vieillard qui fixait le mur d'un air désespéré lui sembla le candidat idéal. Elle réussit à lui faire "passer" oralement quelques mots par le biais de son voisin d'en face. Le vieux hocha la tête et son visage s'illumina pendant quelques secondes.

Il allait pouvoir servir à quelque chose.
Le lendemain matin, deux gardes arrivèrent à l'aube. Ils rentrèrent dans le baraquement accompagné des deux sentinelles qui gardaient l'entrée depuis la relève. Ils attachèrent les prisonniers les uns aux autres. Ils les firent sortir dehors.
A peine arrivé dehors, un vieillard tomba à genoux, l'air très souffrant et mal en point. L'un des gardes s'approcha de lui.

"Lèves-toi, le vieux !"

Son collègue se rapprocha.

"Non, le force pas, regarde, il va sans doute crever. Amène-le à l'infirmerie, sinon ça sera encore nous qu'on engueulera."

Le garde hocha la tête et détacha le vieux qu'il traîna jusqu'à l'infirmerie.

Mélissandre le regarda s'éloigner avec un pincement au coeur. Quelque chose lui disait qu'elle ne le reverrait pas. Il y en avait tellement qui étaient partis...

Ils firent s'asseoir les prisonniers devant leur baraquement. Quelques personnes bien habillées passèrent les voir. Personne ne leur parla. On parla juste de la qualité de la marchandise, des prix, des choix judicieux... C'était en quelque sorte une présélection pour être sûr de trouver un acheteur.
Au centre de la place, on se préparait pour le marché du jour également. Mais d'après ce qu'ils avaient compris, leur tour serait pour bientôt mais pas dans la journée.

Dans le bâtiment 9, à l'infirmerie, un vieillard souffrant sortait de son lit prudemment. L'infirmière lui avait donné une décoction à boire pour qu'il dorme, qu'il avait recraché à sa figure, puis elle était partie dans une autre pièce après avoir posé la décoction restante sur une table d'un air rageur. Plusieurs malades dormaient et certains le regardaient. La plupart étaient enchaînés. Lui ne l'avait pas été car on ne l'estimait pas capable de faire quoi que ce soit. Mensonge.

Il se dirigea vers la sortie de la pièce après avoir glissé la fiole dans sa poche. Il jeta un coup d'oeil dans le couloir. Il allait aussi loin de chaque côté. La gauche menait à la sortie et l'autre côté : il ne savait pas. D'après ce qu'il avait vu, le baraquement 9 était en quelque sorte le bâtiment où l'on entassait et préparait tout ce qu'il fallait pour les prisonniers et leurs geôliers. Il y avait donc l'infirmerie à un bout et, il espérait, les cuisines à l'autre. Il tourna à droite dans le couloir. Il jeta un coup d'oeil dans les pièces qu'il dépassait. Des malades et des blessés mais pas d'infirmière. Ouf. Il continua sa progression et se plaqua contre le mur dans le couloir. Il jeta un coup d'oeil. Un infirmier discutait avec un autre à l'entrée d'une porte. La discussion cessa avant que le vieux n'ait trouvé de cachette. Heureusement, il prit l'autre direction. Le vieillard continua donc son chemin, en faisant très attention à la pièce où il restait encore un des geôliers.

Le couloir se terminait un peu plus loin, dans une pièce nouvelle pièce. Mais entre-temps, il y avait encore une porte.
La porte était fermée mais pas à clef. Il risqua un coup d'oeil à l'intérieur. Un autre couloir. Il s'engagea dedans, fermant prudemment la porte. Il marcha de quelques enjambés et atteignit une autre porte. Il entrouvrit la porte et s'aperçut que s'était le garde-manger. Nickel. Il fouilla un moment avant de trouver une bouteille d'alcool. Bon. Plus qu'à trouver un moyen d'amener la bouteille à son baraquement. Avec extrêmement de prudence, il rebroussa chemin et atteignit une porte d'entrée dans un local de stockage sans aucun souci. Il réussit à sortir du bâtiment sans se faire repérer et se glissa à plat ventre sous le suivant. Il rampa ainsi pendant ce qui lui sembla des heures. Il finit par atteindre le baraquement 6. Il repéra un endroit où les lattes se jointaient mal et il réussit à en glisser l'une sur l'autre. Il put ainsi passer. Ah, tout ça, ce n'est plus de son âge. Il grimpa à l'intérieur du baraquement. Il atteignit sa place. Le plancher était solidement fixé mais il réussit tout de même à l'usure à arracher une planche et ses clous. Il plaça la bouteille et la fiole en dessous et remit la planche.
Il refit le chemin jusqu'à l'infirmerie tout en prenant bien soin de remettre les lattes.

Durant ce temps, l'inspection des prisonniers prenait un nouveau tournant. Un médecin était venu les consulter un à un. Ils ne devaient pas être porteurs de maladies contagieuses sinon ils étaient un danger pour le reste de la marchandise. Il en sépara quelques-uns des autres mais ce n'était pas grave. Il les envoya à l'infirmerie, escorté.
Il notait également les caractéristiques de chacun. Il notait également les noms et en inventait un pour ceux qui avaient refusé de le dire. Eponine était maintenant appelée Amandine. Elle avait l'air de trouver ça très drôle même si sur tous les prisonniers elle était bien la seule à être confiante comme ça. Elle était persuadée de réussir à s'évader. A présent, même Mélissandre en doutait.
On les réinstalla dans le baraquement en milieu d'après-midi. Le vieillard revint quelques heures plus tard. Devant le regard interrogateur d'Eponine, il hocha la tête.

On les fit rentrer quelques heures plus tard quand le soleil tapait trop fort. De riches marchands étaient encore passés choisir les plus beaux morceaux et se les réserver. La plupart des prisonniers étaient abattus : Ils ne sortiraient jamais d'ici. Même les plus ardents avaient été refroidis. Ils jetaient un coup d'oeil à Eponine en se demandant si elle ne se voilait pas la face.

Lorsque la nuit tomba et que la plupart des prisonniers dormaient, un garde rentra dans le baraquement remplacer son camarade. C'était l'heure de la relève. Il commença sa ronde d'un air agacé. Il allait devoir passer toute la nuit à surveiller ces loques qui ne pouvaient même plus bouger pour la plupart. Il s'arrêta un instant, sans qu'on sache trop pourquoi puis continua. Au tour suivant, il s'arrêta à nouveau au même endroit.

"Hey, je t'ai vu le vieux ! Donne-moi ça !"

Il se pencha sur le vieillard et lui envoya un coup dans les côtes. Il arracha une bouteille des mains du vieillard qui se tordait de douleur.

"Je ne sais pas où t'as trouvé ça, mais ça t'appartient sûrement pas. Je vais le mettre en sûreté, dit-il en riant."

Il arracha le bouchon avec ses dents et le cracha à la figure de l'ancêtre. Il s'envoya ensuite une bonne lampée du liquide tout en continuant de marcher. Il marcha ainsi pendant plusieurs minutes. Eponine semblait aux aguets. La plupart des prisonniers s'étaient réveillés à l'altercation. Ils semblaient anxieux mais ils attendaient sans trop savoir quoi. Ils le surent bientôt quand ils entendirent un bruit de chute. Le gardien s'écroula par terre. Heureusement, les gardiens de l'entrée ne réagirent pas au bruit.
Eponine secoua ses chaînes. Le faible tintement attira l'attention des prisonniers qui semblaient terrorisés. Qu'est-ce qu'on allait leur faire si on trouvait le garde comme ça ? Est-ce qu'il était mort ? Eponine prit la parole.

"Prenez ses clés, détachez-vous, détachez-nous, en silence mes frères. Que personne ne parle, que personne ne crie. C'est notre seule chance."

A peine eut-elle dit ses premiers mots que les prisonniers les plus proches désarmèrent le geôlier et s'emparèrent des clés. Ils se détachèrent un à un, faisant passer les clés.
Eponine s'approcha du groupe d'adulte

"Mes frères et soeurs, écoutez-moi, il faut qu'on s'empare des gardes à l'entrée. Nous allons les attirer, on les assomme, on les attache et après deux d'entre vous prendront leur place. Sans bruit."

On attira les deux gardes et on les assomma comme prévu. Ils furent dévêtus et enchaînés. Le vieillard et un autre homme âgé prirent leur place. Heureusement qu'ils avaient laissé les vieillards avec les femmes. On distribua les trois armes à ceux qui savaient s'en servir.
L'angoisse s'était transformée en espoir. Eponine ne le dit pas mais elle avait peur. Ses troupes sombreraient rapidement dans la colère et la haine. Elle ne cilla pourtant pas en prenant à nouveau la parole.

"Nous devons aider les autres, tous ensemble nous aurons plus de chances de nous échapper."

Ils discutèrent un moment et plusieurs plans furent mis en place. Ils passèrent sous les baraquements et rentrèrent par le plancher. D'autres s'étaient déguisés en geôlier et amenaient de faux prisonniers dans les autres baraquements.
Les autres baraquements furent sous leur contrôle assez rapidement. Mélissandre fit le tour des baraquements en compagnie d'Eponine et d'Olga. Elle cherchait son oncle et sa tante. Dans un bâtiment rempli d'homme, elle repéra son oncle.

"- Mélissandre ! Ma petite, s'écria-t-il en l'enserrant entre ses bras. Je me suis fait tant de soucis...
- Tonton, je suis si contente, je t'ai cherché partout !"

Il lui sourit tendrement.

"J'ai toujours dit que tu étais courageuse. Ecoute, ma grande, maintenant, tu sais que je suis là, mais nous sommes tous les deux dans un sacré pétrin. Avec les autres, on va prendre le camp, j'en suis sûr. Mais, toi, tu ne vas pas te battre, d'accord ? Je ne veux pas te mettre en danger, tu as suffisamment pris de risque. Va t'occuper des autres enfants."

Mélissandre hocha la tête tout en soupirant. Elle était grande maintenant. Elle avait beaucoup voyagé. Pourquoi on la voyait toujours comme un bébé ? Elle serra fort la main de son doudou tout en quittant le baraquement.
Mélissandre réussit à réunir les enfants. Les plus grands s'occupaient des plus petits. Ils avaient juste eu le temps d'aller se cacher dans l'un des bâtiments avant que l'alerte ne soit donnée. Ca ne faisait qu'une demi-heure qu'ils avaient commencé l'insurrection. Mélissandre avait très peur. Mais ce n'était pas le moment de flancher. Elle devait s'occuper des enfants, tout aussi terrifiés, ils avaient besoin d'elle. Leur baraquement n'était pas très bien défendu, seuls quelques adolescents et adolescentes les avaient accompagnés avec des armes. Ils les gardaient pour se défendre si quelqu'un les menaçait.

Eponine et Olga avaient barricadés la porte du baraquement où elles étaient. Ils avaient trouvé de la poudre et des armes. Quelques coups de poignard dans le bois suffirent à laisser une fente suffisamment grande pour qu'Olga puisse passer le bout du canon de son fusil tout en visant en même temps. Eponine distribua les armes à plusieurs autres personnes. D'autres, qui ne savaient pas manier les armes, s'affairaient à les recharger ou à chercher quelques choses d'utile dans les caisses.

L'alarme avait été donnée lorsqu'un abruti avait tiré sur une des patrouilles. Tous les pirates et geôliers étaient réveillés. Ils s'étaient protégés par des barricades de fortune : des pilles de caisses, des charrettes renversées. C'était une guerre d'usure. Chaque camp tirait pour blesser ou tuer afin de prendre l'avantage. Aucun des deux n'avait réussit pour l'instant.
Eponine doutait de l'issue du combat. Ils n'étaient pas prêts. Et maintenant, ils ne pouvaient plus communiquer, quiconque sortait se faisait transpercer d'une bonne dizaine de balles.

Ils entendirent des clameurs à l'extérieur, du côté de leurs adversaires.

"- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Eponine
- C'est un..."

L'insurgé n'eut pas le temps de répondre, un énorme bouquant lui coupa la parole. Ils se plaquèrent par réflexe au sol mais ce n'était pas leur bâtiment qui était touché. Le baraquement voisin était maintenant ouvert d'un large impacte. Les pirates chargèrent sous les feux de ceux qui avaient déjà repris leurs esprits.

"Un canon ! Nous sommes perdus !"

Eponine ne pouvait pas le contredire, comment ils allaient faire ? Les pirates étaient déjà entrain de recharger, ils n'avaient même pas le temps de réfléchir. Ils entendaient les combats dans le bâtiment à côté d'eux, ils ne pouvaient rien faire.

"Olga ! Olga ! Vite, il faut que quelqu'un accepte de risque sa peau pour prévenir les autres. Il faut que nous chargions tous ensemble ! C'est notre seule solution !"

Un messager rapide pouvait réussir à quitter le baraquement par l'arrière, traverser une zone non couverte et gagner l'arrière d'un autre baraquement. La manoeuvre n'était pas sans risque mais elle avait tout de même de grande chance d'aboutir : le trajet à découvert n'était pas long.

"C'est bon, Eponine, j'y vais, déclara Olga."

Olga glissa la lanière de son fusil sur son épaule. Elle passa par le trou du plancher puis rampa jusqu'à l'arrière du bâtiment. Elle se mit à courir. Elle ne se retourna pas en entendant le bruit d'explosion. Elle devait faire vite, ne penser à rien. Elle se prit une balle dans la cuisse. La douleur la fit chuter. Elle devait y arriver. Plus qu'une enjambée. Elle se releva en geignant et se précipita à couvert. Elle chercha l'ouverture qu'avaient ouverte les insurgés. En la voyant, plusieurs camarades vinrent l'aider à se hisser dans le bâtiment.
Sa vision devenait trouble. Elle parvint à articuler tout de même :

"Chargez...Au signal...Tous ensemble on aura plus de chance..."

La douleur la fit perdre chanceler. Ses camarades l'assirent contre un mur.

Elle crut entendre quelques choses au fin fond de son esprit quelques minutes plus tard...Tout semblait si irréel. Des mouvements, beaucoup de mouvements. Des hurlements. Du fracas de métal.


Un sabre à la main, Eponine se battait. Elle ne voyait pas Olga. Mais les autres étaient venus à la rescousse. En les voyants, les autres baraquements les avaient suivis. Olga avait donc réussi sa mission.
Un insurgé se rapprocha d'elle tout en jouant de l'épée.

"Votre amie, elle est blessée, dans le baraquement."

Elle réussit à éviter de justesse le coup d'estoc envoyé par son adversaire et le blessa d'un revers de poignet. Elle en profita pour reculer et laisser les autres prendre sa place dans la mêlée.
Elle gagna rapidement le baraquement. Son amie était étendue, blessée, sur le sol. Elle inspecta la blessure. C'était vilain. Elle déchira un bout de ses vêtements et essaya de faire un garrot. Elle espérait que c'est ce qu'il fallait faire. Elle souleva son amie. Heureusement que c'était une petite bonne femme.
Il fallait évacuer les plus faibles pendant que les insurgés se battaient. Elle sortit du bâtiment et gagna le baraquement des enfants.

Heureusement, le champ de bataille se trouvait à plusieurs dizaines de mètres ce qui avait protégé les enfants. Eponine s'engouffra par l'ouverture pour rentrer à l'intérieur du baraquement.


Un jeune enfant vint chuchoter à l'oreille de Mélissandre.

"Y'a une fille qui m'a dit de te dire que y'a une dame avec un blessé, et qu'elle croit que la dame c'est une amie."

Mélissandre hocha la tête. Elle risqua un coup d'oeil au-dessus des caisses. Effectivement. Il y avait quelqu'un dans l'encadrement de la porte. Elle reconnut Eponine. Elle sortit de son abri pour la rejoindre.

"- Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'on doit faire ?!
- On n'a pas le temps de parler Mélissandre, vient, on doit quitter le campe..."
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase quand un souffle la projeta en avant. Le mur du bâtiment venait d'être éventré par le canon.

"Vite ! Venez !"

Eponine se releva en empoignant Olga. Elle se mit à marcher rapidement. Les enfants la suivirent. Ils réussirent à s'infiltrer derrière le bâtiment, à l'abri des tirs puis longèrent la palissade. L'entrée était de l'autre côté du camp. Et il y avait le champ de bataille entre-temps.
Eponine s'arrêta pour analyser la situation. Ils ne pouvaient pas atteindre l'entrée sans se faire massacrer. Mais les quais se situaient de leur côté et les marins étaient descendu des navires pour prêter main-forte à leurs camarades. Tant pis, ils devaient risquer d'être à découvert sur la centaine de mètres qui les séparaient des bateaux. Les combattants étaient trop occupés entre eux. Il fallait leur dire de se replier au signal pour sauver le maximum de personnes. Elle ne pouvait pas envoyer un enfant.

"Ecoutez les enfants, courrez jusqu'au bateau, mettez-vous à l'abri à l'intérieur et préparez le départ, amenez aussi Olga, je dois prévenir vos parents."

Eponine déposa Olga au sol. Mélissandre hocha la tête et avec plusieurs autres enfants attrapa Olga. Ils allaient devoir se débrouiller tout seul, mais ça allait sauver les adultes. Eponine courut rejoindre le champ de bataille. Les enfants se précipitèrent vers le bateau. Ils grimpèrent la passerelle à toute vitesse et se réfugièrent à l'intérieur.

Les insurgés étaient en train de perdre, leur nombre diminuait à vue d'oeil. Les pirates semblaient n'avoir subi que peu de pertes. Ils étaient entrainés, eux.
Eponine n'avait aucun espoir quant au sort des adultes restants. Elle espérait au moins pouvoir sauver les enfants. Et tant que le canon était là, ils avaient également peu de chances de s'en sortir. Elle n'avait aucune idée de comment empêcher les pirates de s'en servir.

Tout d'un coup, tous les combattants furent secoués par une nouvelle explosion.
Eponine réussit à reprendre ses esprits rapidement. Elle vit que le canon ennemi avait été littéralement détruit. Une marque noire indiquait encore son ancien emplacement. Elle ne s'embêta pas à chercher plus d'explications. Elle hurla à ses camarades « AU BATEAU ! VITE ! ».
Les insurgés commencèrent à se replier rapidement mais les pertes furent nombreuses car les pirates n'hésitèrent pas à les poursuivre et à leur tirer dessus. Heureusement, une autre explosion fit s'écrouler le baraquement près duquel les pirates se cachaient bloquant ainsi leur action.

Pendant ce temps, dans le bateau, Mélissandre aidait les derniers enfants à monter à bord. Une petite fille vint lui tapoter l'épaule.

« Mélissandre, j'ai trouvé ça, est-ce que ça peut nous aider ? »

La petite fille pointait du doigt un tas de grosses fusées rouges avec une mèche au bout. Mélissandre ne savait pas ce que c'était mais ça ressemblait fichtrement à ce que son oncle utilisait pour faire des feux d'artifice mais en plus gros.

« C'est bien, on doit pouvoir s'en servir pour aider nos parents. »

Ensemble, ils parvinrent à en placer une dans un canon puis ils allumèrent la mèche. La fusée virevolta quelques instants avant de venir s'exploser dans un baraquement désaffecté qui s'enflamma. Les enfants rechargèrent l'engin en le remettant à sa place, à cause du recul, et visèrent un peu cette fois-ci. Ils parvinrent à faire sauter un tonneau de poudre et le canon qui était à côté. Ils virent les adultes commencer à se replier.

Un garçon se précipita vers le groupe d'enfants du canon.

"Vite ! Il faut se préparer à larguer les amarres et hisser les voiles !"

Plusieurs enfants partirent l'aider tandis que Mélissandre mettait une nouvelle fois feu au canon. L'explosion fit s'écrouler un bâtiment. Les premiers adultes montaient dans le bateau, ils se mirent en position de tir pour couvrir les arrières de leurs camarades. Avant même que tout le monde soit embarqué, les enfants larguèrent les amarres. Le bateau commença à se dégager du quai si bien que les derniers adultes durent sauter pour rentrer dans le bateau. Heureusement, tout le monde encore vivant réussit à rentrer.
Ceux qui avaient encore des munitions tiraient sur les pirates. Eux-mêmes les canardaient.

Le bateau passa la pointe de la crique au moment où les pirates ramenaient un nouveau canon.

Pendant quelques minutes, il n'y eu que des éclats de joie dans le bateau. Ils étaient libres, enfin, et vivant. De nombreux frères étaient tombés au combat, ils sauraient honorer leurs mémoires.
Ils se mirent vite au travail, un bateau ne se manoeuvre pas tout seul. Le coeur était à l'ouvrage. Certains semblaient prêts à exploser de bonheur. D'autres semblaient moins heureux, encore sous le choc. Au loin, la fumée du camp des pirates remplissait le ciel, rappelant aux anciens prisonniers qu'ils avaient frôlé la catastrophe.

Dans le camp des pirates, les hommes s'affairaient à essayer d'éteindre l'incendie. Un homme, debout et droit, les mains dans le dos, observait la mer, vers là où quelques dizaines de minutes plus tôt, un de ses navires se faisait la malle avec sa cargaison.
Un pirate s'approcha de lui, effectua un salut militaire puis prit la parole.

"- Amiral ? Devons-nous rattraper l'Audacieuse et les prisonniers ?
- Ne trouves-tu pas qu'ils ont déjà fait assez de dégâts ?! Va plutôt arrêter le feu avec les autres !"

Le marin salua rapidement et partit rejoindre les autres. L'amiral secoua la tête puis tourna le dos à l'océan puis se mit à marcher en direction d'un des seuls bâtiments encore debout. Quand les créanciers gobelins apprendraient ça... Fichus prisonniers, ils avaient tout fichu en l'air. Enfin, en même temps il les comprenait. Il n'aurait jamais dû rentrer dans la piraterie, trop de soucis.

Eponine, cheveux au vent, tenait la barre. Les enfants, autour d'elle, s'amusaient. Ils n'oubliaient pas mais ils passaient vite à autre chose. Elle aurait aimé avoir cette capacité. Mais elle pensait à tous les morts, ceux qu'elle n'avait pas réussis à aider. Elle fut tirée de ses pensées par des hurlements d'enfants.

"Là-bas ! Y'a la ville ! Vite ! On est bientôt arrivé !"

Les enfants qui jouaient près d'elles se précipitèrent vers l'avant pour observer au loin. Effectivement, le port de Gadgetzan se trouvait juste devant. Bien. Ils avaient décidé d'accoster là pour que chacun puisse regagner son chez-soi. Ils s'étaient également mis d'accord après maintes discussions pour vendre le navire et ce qu'il y avait dessus puis partager l'argent par famille. Ils espéraient que ça se vendrait assez pour payer le voyage à tout le monde. Un bateau, ça se vend cher, des canons aussi, mais ils étaient nombreux...

Un homme arriva en courant.

"- Eponine ! Eponine ! Ils vont nous tirer dessus !
- Comment ça ?
- On est dans un bateau pirate !
- Vite ! Le drapeau blanc !"

Le pavillon blanc fut hissé. Les gobelins, méfiants, avaient armé leurs canons et se tenaient prêts à faire feu.

Ils jetèrent l'ancre et mirent une barque à la mer. Ils firent plusieurs allers-retours du bateau jusqu'au quai pour descendre tout le monde.

Ils vendirent le bateau pour une grosse somme bien qu'ayant l'impression de se faire arnaquer à un armateur gobelin. Ils partagèrent l'argent entre toutes les familles et groupes d'individus. Eponine avait laissé Mélissandre se charger de récupérer sa part dans la distribution. Elle était partie avec Olga chez un médecin.

Mélissandre et son oncle allèrent à la taverne en attendant des nouvelles. Les autres étaient partis ou attendaient avant de partir.
Ils s'assirent à une table et commandèrent à boire et à manger. Mélissandre lui raconta ses périples. Puis au bout d'un moment, elle déclara.

"Dis-moi, Tonton, pourquoi est-ce qu'il s'est passé tout ça ? Et où est Tata ?"

Son oncle soupira et sembla rassembler son courage.

"Bon, très bien. Il faut de toute manière que je te raconte quelque chose. Kania, ta tante, et moi n'étions que tout jeunes mariés quand elle me présenta sa soeur, Aude et son beau-frère Théobald. Nous étions des passionnés d'artefacts. Et tous les quatre, nous avons beaucoup voyagé. Au cours d'un voyage dans les terres ingrates, nous avons découvert une tablette de pierre qui parlait d'une cité souterraine dans le même genre que Forgefer mais en plus petit. Il existe de nombreuses cités naines dans ce style. Après maintes aventures, nous avons découvert cette petite cité. Elle était impressionnante autant par sa beauté que par les richesses qu'elle contenait. Non pas de l'or et des joyaux - bien qu'il y en avait un peu - mais par un atelier. En effet, nous avons trouvé une salle remplie de golem, des sortes de nains géants. La salle était couverte d'indication. Nous nous sommes séparés pour lire les inscriptions en se répartissant des secteurs. Il y avait une procédure à suivre pour animer les golems et en faire des serviteurs dévoués. Il fallait pour cela activer une machine. Mais elle ne pouvait s'activer qu'à l'aide de la clé. Nous étions déterminés à la trouver. Une nuit, Kania m'a réveillée. Dans son secteur, il y avait une mise en garde. Les golems ne devaient être activés qu'en cas de besoin urgent. Une mauvaise gestion pourrait créer des catastrophes : ces golems étaient autant des serviteurs que des soldats. Dans la poigne d'un seul maître, ils feraient des ravages, et aux mains d'un groupe il y aurait toujours un membre plus influent que les autres. Nous nous résolûmes d'empêcher que la clé tombe entre de mauvaises mains en détruisant ce qui indiquait son emplacement puis les golems. Malgré nos explications, Aude et Théobald, tes parents, ne nous écoutèrent pas. Ils trouvèrent la clé en disant que ce n'était pas un danger. Au contraire, ils avaient décidé de s'en servir au côté de l'Alliance.

Nous ne voulions prendre aucun risque, alors nous avons décidé de voler la clé et de nous enfuir. Tes parents relisaient le passage sur la mise en actionnement. Ils voulaient être sûr de ne rater aucune étape car on ne sait jamais ce qui pourrait se passer.

Pendant ce temps-là, nous devions garder les enfants et trier nos notes pour être sûr de ne rien voir perdu.

Nous ne pouvions pas te laisser toute seule et nous devions nous enfuir. Alors nous t'avons prise avec nous. Nous avons également emporté la clé et les notes de nos voyages. Nos deux fils nous ont aidés à cacher les livres et les carnets. Nous voulions d'abord les brûler mais nous n'en avons pas eu le courage.

Nous nous sommes embarqués comme pionniers pour le Norfendre et nous avons bâti cette auberge. Nous t'avons élevé comme notre fille, avec nos fils.

Mais il y a quelques années, tes parents ont retrouvé notre trace, ils nous ont fait enlever. Je crois que leurs hommes de main ont brûlé l'auberge pour retrouver la clé. Ils devaient se douter que nous ne l'avions pas détruite. Ta tante voulait mais moi, je ne voulais pas... Si ces golems existent c'est pour protéger Azeroth, nous ne sommes pas seuls à pouvoir décider... Alors on a décidé de la garder. Mais elle n'était pas dans l'Auberge.
Après...Ils m'ont dit que j'avais corrompu l'esprit de leur soeur et ils m'ont séparé d'elle et envoyé là pour me faire vendre.

Je suis désolé Mélissandre. Nous...enfin...Nous n'aurions pas dû t'enlever à eux...Nous aurions dû trouver un autre moment...Et nous n'aurions jamais dû les laisser lancer toute cette histoire..."

Il se mit à pleurer. Mélissandre n'avait jamais vu pleurer son oncle. Mais elle ne s'en souciait pas vraiment. Elle essayait de tout assimiler.
Ses parents n'étaient pas morts ? Son oncle et sa tante avaient osé l'enlever ? Elle sentait une multitude d'émotion en elle, certaines étaient contradictoires. Elle ne savait pas quoi penser. Qu'est-ce qu'aurait dit Ruffin ? Olga ? Eponine ? Comment auraient-ils réagi ? Comment devait-elle réagir, elle ?

Son oncle et sa tante n'avaient pas eu le choix, ils voulaient protéger le monde. Elle faisait partie du monde. Est-ce que sacrifier son enfance c'était valable ? Oui, sûrement, pour le monde, tout était valable... Est-ce qu'ils l'avaient bien élevée ? Oui, ils avaient toujours été gentils. Est-ce qu'ils avaient eu raison de faire ça alors ? Elle n'en savait rien, elle n'était pas assez grande pour s'en rappeler. Qu'est-ce qu'elle aurait fait à leur place ? Elle n'en savait rien non plus. Alors ça servait à quoi de leur en vouloir ? C'était fait, c'est tout. Aucun humain ne pouvait remonter le temps. Personne ne pouvait recommencer. Quand elle avait traversé tout Azeroth pour les retrouver, elle ne se serait pas demandée : "Pour quoi faire ? Ce ne sont pas mes vrais parents... " Elle y avait été parce que ce ne sont pas ses vrais parents mais ils l'avaient élevée comme si, et qu'elle les aimait, qu'ils soient ses vrais ou ses faux parents, quoi qu'ils aient faits.

Elle hocha la tête et posa une main sur le bras de son oncle.

"C'est pas grave tonton, moi je ne t'en veux pas."

Il sourit à travers les larmes et la serra dans ses bras.

Mélissandre brisa à nouveau le silence qui s'était installé.

"La clé, tu l'as cachée où ?"

Il sourit et pointa du doigt la poupée qui dépassait du sac. Mélissandre attrapa délicatement son doudou et le regarda. La petite fille en tissu semblait toujours aussi contente que d'habitude. Mélissandre enfonça doucement son doigt pour sentir une zone plus dure au centre de la poupée.

"La clé était dans Mahina depuis tout ce temps !"

Mélissandre détacha quelques coutures du doudou et sortit la clé.

C'était une clé complexe qui se terminait par un aigle décoratif, les ailes rempliées contre son corps et le bec légèrement ouvert. Il semblait légèrement en colère comme si se servir de la clé n'était pas bien. Mélissandre serra l'objet entre ses doigts. C'est cette simple clé qui avait brisé sa famille. Qu'est ce qu'elle devait en faire ? La détruire ?

Le poids de ce choix semblait reposer depuis longtemps sur ses épaules mais elle ne l'avait juste pas encore remarqué. Si le monde en avait besoin un jour, ce serait de sa faute s'il n'existerait plus de clé. Mais en même temps, si elle ne la détruisait pas, un malade pourrait s'en servir un jour, et ça qu'elle soit cachée ou non cachée. Elle devait donc choisir quelle serait la meilleure solution pour protéger l'humanité.

Il fut violemment projeté contre la table. Il se releva tant bien que mal en époussetant sa veste.

"Inutile de vous énerver comme ça, messieurs."

Deux des hommes de main de l'homme encapuchonné se précipitèrent sur lui pour le tenir chacun par une épaule. Leur chef s'approcha lentement du commandant.

"- Ne pas m'énerver... Qui êtes-vous pour me donner des conseils, Commandant Gasdame, ou devrais-je dire Gasdame tout court, vous n'allez pas rester commandant tout de même, alors que vous ne savez même pas retrouver une gamine et tenir vos hommes. Vous rendez-vous compte que vous avez essayé de m'expliquer que vous avez viré votre sergent et qu'il a déserté ensuite ? C'est tout simplement une aberration. Plutôt que de raconter des sottises, vous allez me donner les lettres que vous avez reçues et je reprends l'enquête. Mais comprenez bien que les conséquences seront lourdes pour vous. Je vous conseille de coopérer.

- Ah oui ? Sinon quoi ? Il est hors de question que je vous donne ces lettres pour que vous mettiez ma carrière en danger ! Sans ces lettres, vous ne pouvez rien prouver ! Ce sera ma parole contre la vôtre !"

L'homme à la capuche secoua la tête d'un air de déception.

"Bon, tant pis pour vous. Trouvez les lettres. "

Les deux acolytes frappèrent le commandant jusqu'à ce qu'il tombe au sol puis ils se mirent à fouiller dans les tiroirs et à renverser leur contenu au sol. Ils trouvèrent en quelques minutes les documents puis ils brisèrent tous les meubles qu'ils purent pendant que leur maître lisait les lettres.
Le commandant gisait toujours au sol, il était conscient mais ses membres lui faisaient mal et il se doutait que bouger aggraverait nettement sa condition actuelle.

Au bout d'un moment de lecture, par-dessus les bruits de destruction, l'encapuchonné releva la tête de ses lettres.

"Très bien, la situation n'a pas évolué à ce que je vois, le sergent a décidé qu'il n'avait plus peur de vous. Bien. Direction Hurlevent."

L'homme encapuchonné se dirigea vers la sortie. Ses deux acolytes le suivirent. L'un d'eux s'arrêta en passant pour flanquer un coup de pied dans les côtes du commandant.

Mélissandre n'avait pas encore trouvé la réponse lorsqu'Olga et Eponine la rejoignirent. Olga semblait encore faible mais elle tenait bon. Et Eponine semblait toute contente.

"- J'ai trouvé un bateau qui va me ramener chez moi, je vais enfin retrouver ma fille ! Mais...Je pars dans quelques minutes.
- Oh, non ! Déjà ?"

Eponine serra Mélissandre dans ses bras.

"- Ce n'est pas grave, nous nous reverrons, n'est-ce pas, tu viendras nous voir, et nous enverrons des lettres à Olga vu qu'on a son adresse. Et puis, je pense que l'on va quitter Strangleronce, trop de mauvais souvenir. Allez, j'y vais.
- Bonne route ! Je vous écrirai aussi !"

Mélissandre regarda Eponine s'éloigner puis lorsqu'elle disparut de son champ de vision, elle tourna la tête vers Olga et son oncle. L'oncle prit la parole.

"Le bateau pour Hurlevent va également partir bientôt, nous devrions y aller."

Ils hochèrent la tête puis le suivirent jusqu'aux quais. Ils embarquèrent.
Cette fois, le voyage se passa sans soucis, ils accostèrent à Hurlevent quelques semaines plus tard.

Mélissandre regardait le port au loin. Ils s'en rapprochaient de plus en plus. Elle voyait les côtes depuis l'aube. Hurlevent était une ville magnifique. Elle voyait les vestiges d'anciennes parties maintenant détruite. Elle avait entendu parler de ce cataclysme qui avait ébranlé les terres plusieurs années auparavant mais tout ça était si loin d'elle, elle ne pensait pas en voir un jour les effets. Elle savait qu'Hurlevent était le plus grand bastion des humains, la plus grande ville. Elle voyait dans la grandeur de son port que c'était sans doute vrai. Elle jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule. Olga venait vers elle. Depuis quelques jours, elle était très impatiente à l'idée de retrouver son Loulou.

"- Le capitaine dit que nous allons accoster d'ici une heure.
- D'accord. Tant mieux, maintenant ça fait plusieurs semaines que nous sommes en mer et je commence à en avoir marre de ne rien faire. Où est-ce qu'on peut trouver Ruffin à ton avis ?
- Oh... Et bien, je ne sais pas vraiment, j'imagine qu'il n'y a pas trente-six auberges en ville."

Mélissandre hocha la tête puis quitta le bord du bateau pour la rejoindre. Elles descendirent par l'écoutille et rejoignirent l'Oncle qui observait une carte d'Azeroth.

"- Nous allons bientôt accoster. Dis, tonton, il y a beaucoup d'auberges à Hurlevent ?
- Je ne sais pas, ma chérie, mais je me doute qu'il y en a un certain nombre pour une si grande ville, et nous les ferons toute pour retrouver ton ami."

Mélissandre le laissa, il semblait très occupé. Voilà plusieurs jours qu'il avait emprunté un compas et une boussole au capitaine. Il traçait et calculait et passa sa journée à étudier un ouvrage sur l'archéologie. Elle se demandait ce qu'il faisait. Elle se doutait qu'il essayait de retrouver l'endroit où ses parents auraient pu aller et cacher sa tante. Elle ne pouvait pas l'aider. Elle avait donc décidé de le laisser tranquille. Elle avait discuté avec tous les marins pendant leurs quarts, un d'eux l'avait même aidé à recoudre Mahina, son doudou.

Elle décida d'aller empaqueter ses affaires. Elle eut tout juste le temps de le faire avant d'entendre les cris que lançait le second pour l'amarrage du navire. Elle monta sur le pont et se mit dans un coin pour ne pas gêner les marins. Ils travaillaient de bon coeur, eux aussi étaient contents de mettre pied à terre.

Lorsque tout fut en ordre, Mélissandre, Olga et son oncle descendirent du bateau. C'était vraiment bizarre de marcher à nouveau sur la terre. Elle n'était plus habituée. Après quelques essais, elle parvint à marcher à peu près droit.
Ils se mirent à arpenter la ville de long en large à la recherche d'une auberge où un certain Ruffin aurait séjourné.


Ruffin semblait concentré sur son jeu de cartes. Il leva les yeux en sentant une soudaine tension. L'ancien sergent, en face de lui, semblait soudain apeuré.

"Bah quoi ? Ton jeu est si mauvais que ça ? demanda Ruffin, légèrement amusé."

Le sergent ne semblait même pas l'écouter. Ruffin regarda derrière lui. Un homme en armure sombre avec ses acolytes discutait avec le tavernier.

"- Tu le connais ?
- Oui, il est venu voir le commandant Gasdame avant la venue de la petite. C'est lui qui la cherche.
- On reprendra la partie plus tard, je pense qu'on ferait mieux de filer.
- Non, si on bouge il va me reconnaître, forcément. Ca doit être moi qu'il cherche. Il ne peut pas venir pour une autre raison. C'est obligé que ça soit moi. On ne sait pas où est la petite, il le sait pas non plus. Et il doit croire que moi je le sais, et que je lui cache. C'est...c'est donc contre moi qu'ils en ont ! Non jamais !"

Ruffin soupira. Ce sergent avait le don de lui casser les pieds. Il prenait tout contre lui, et il était très doué pour se faire remarquer. En effet, son monologue de délibération avait fait tourner la tête de plusieurs clients vers lui. Autant accrocher une cible au-dessus de sa tête. Il ferait mieux de filer avant que ça tourne au vinaigre.
"- Bon, écoute, je sais ce qu'on va faire. Je vais partir d'abord, et après tu me suivras, comme ça, on passera plus facilement inaperçu.
- Non ! Arrête ! Si je me retrouve tout seul à une table, il va forcément venir !"

Le sergent se mit presque à crier pour sa dernière phrase. Discrétion, 10/10. L'homme et ses compères les regardaient à présent. Et ils venaient même vers eux. Ruffin mit rapidement les mains sur ses dagues, prêt à forcer le passage mais le sergent lui fit signe de ne rien faire. L'homme était arrivé à côté de leur table et il regardait le sergent.

"- Ah. Sergent Randet. Quel plaisir. Vous ne me présentez pas ?
- Euh...C'est un ami, Ruffin."

L'homme tourna la tête vers Ruffin, et il lui sourit d'un air faussement sympathique.

"Ruffin, c'est un honneur. Vous ne regrettez pas votre Norfendre ?"

Ruffin fronça encore plus des sourcils.

"- Le climat ne me plaisait pas.
- Dites-moi, la jeune fille qui vous accompagnait, où est-elle passée ?
- Une jeune fille ? Je ne me souviens pas...Ah si, elle peut-être... Oh, vous savez, nous avons juste fait le voyage ensemble...
- Je vous préviens, ne me prenez pas pour un imbécile, ou vous le regretterez."

Ruffin lui fit son plus beau sourire et se leva très rapidement puis passa en mode course tout aussi vite. Quelques secondes lui suffirent à atteindre l'entrée de l'auberge. Il franchit l'entrée en trombe. Les acolytes de l'homme commencèrent à le poursuivre mais ils furent trop lents à réagir. Ruffin s'était déjà fondu dans la ville. Le seul assez rapide avait été renversé par un gros chien qui était parti tout aussi vite.

"Sapristi."

L'homme se tourna vers le sergent qui souriait bêtement puis soupira.


De leur côté, Olga et l'Oncle cherchaient Ruffin tandis que Mélissandre s'était séparée d'eux prétextant qu'elle voulait voir s'il ne rentrait pas à son auberge. Ils avaient trouvé que c'était une bonne idée et elle était restée dans le quartier. En réalité, elle avait plusieurs commissions à faire. Ils avaient appris en interrogeant les commerçants qu'un Ruffin avait effectivement habités quelques temps en ville. Le patron d'une auberge déclara même que c'était un de ses clients et qu'il avait eu des problèmes plusieurs fois avec des types bizarres dont le jour même.

Olga et l'Oncle marchaient côte à côte sur les canaux. Ils n'avaient rien trouvé pour le moment. Lorsque tout d'un coup, ils entendirent des cris. "Non ! Reviens ici !" puis quelques secondes plus tard, Olga fut projetée par terre et littéralement couverte de bave. Elle se releva prestement et serra dans ses bras le gros chien.

" Mon Loulou ! Oh ! Beau toutou ! T'as été sage ?! Oh ! Mon grand ! Comme je suis contente de te revoir."

Ruffin dévalait la rue en courant, rouge et essoufflé, mais il semblait content.

"Oh ! Olga ! J'ai eu si peur pour vous deux ! Où est Mélissandre ? Oh, bonjour monsieur."

L'Oncle le salua d'un hochement de tête et Olga lui résuma les évènements. Ruffin lui raconta également les dernières nouvelles.

"- Cet homme, décrivez-le moi, s'il vous plait, demanda l'oncle.
- Eh bien... La première impression qu'on a de lui, c'est qu'il est autoritaire. Il a des cheveux brun foncé et des yeux noirs perçants. Il a également une cicatrice en forme de trait au-dessus de la bouche qui se révèle plus lorsqu'il parle. Sinon...Que dire d'autre... Ah ! Oui ! Il avait une amulette en forme de disque avec un trou au milieu. C'est de la pierre en dirait. Il est inscrit des sortes de rune dessus. Bah...Je n'ai rien remarqué de plus. Ca s'est passé si vite...
- Oh. Ca me suffit. L'amulette me suffit simplement. C'est un collier que nous avons trouvé en fouillant des ruines au Loch Modan. C'était une de nos premières trouvailles. Et Théobald a insisté pour le garder en souvenir, vu que c'est lui qui l'avait trouvé. Une babiole rien de plus, mais elle lui tenait chaud au coeur. Et puis, il correspond à votre description. Il semble bien que cet homme soit Théobald, le père de Mélissandre."

L'oncle hocha la tête. Oui. C'était sans doute son beau-frère. Si Théobald et ses hommes étaient là, c'est qu'ils cherchaient Mélissandre. Elle n'était donc pas en sécurité ici. Ils auraient du le savoir pourtant.

"Nous devons retrouver Mélissandre. Elle est sans doute plus en danger que nous. Nous nous sommes donné rendez-vous près de la tour des mages juste devant l'auberge où tu séjournes."


Mélissandre avait fini ses emplettes et attendait au point de rendez-vous. Elle avait fait quelques trucs comme par exemple acheter un nouveau doudou à un marchand. Elle le roulait à présent dans la boue et dans la poussière. Elle détestait devoir faire ça. Pauvre doudou martyr. Elle érigerait un monument à son nom quand tout ça sera fini. Elle avait déjà décidé de l'appeler Fatalité. C'était un mot qu'elle avait entendu, après l'avoir acheté, entre deux adultes qui parlaient d'un troisième. Elle ne savait pas trop ce que ça voulait dire mais elle savait que ça lui allait bien.
Maintenant, Fatalité, était tout sale. Il ne semblait plus trop neuf. Mais ce n'était pas tout ce que le pauvre allait subir. Mélissandre venait de trouver un tas de cendre et elle s'empressait de le rendre noir à certains endroits. Le pauvre était marron, gris, et noir à présent, il ne restait que quelques endroits où on voyait encore sa couleur crème d'origine.

Elle n'avait fait que commencer à le frapper par terre lorsqu'elle vit une dame à une carrure familière marcher dans la rue, elle sortait d'une taverne en discutant avec un homme. Quelques types les suivaient. Ils rappelaient à Mélissandre ceux qui avaient brûlé l'auberge. Ils venaient dans sa direction mais ne semblaient pas l'avoir aperçue. Elle espérait que ça ne soit qu'une coïncidence.
La femme posa un regard sur elle. Le genre de regard qu'on donne aux mendiants, un regard mêlé de gène et de pitié. Mélissandre essayait de ne pas trembler. Elle continuait à faire semblant de jouer avec Fatalité.
La femme détourna le regard pour tapoter le bras de l'homme qui l'accompagnait puis elle désigna vaguement Mélissandre du doigt et l'homme hocha la tête. L'homme s'arrêta de marcher et la femme s'approcha de Mélissandre.

"Excuse-moi ma petite. Nous cherchons notre fille... Il y a très peu de chance mais...comme tu as son âge tu la connais peut-être...Enfin...C'est assez bête, Hurlevent est très peuplé et peut-être qu'elle n'est pas ici...Enfin...Est-ce que tu connais une petite Mélissandre ?"
Mélissandre paniqua au fond d'elle-même. Cette démarche familière... Cette femme lui rappela sa tante...Et elle avait une fille du nom de Mélissandre... Non...Ce n'était pas croyable... C'était sa mère ?

"Je...Je..."

Elle tourna la tête vers un groupe d'individus qui arrivait en courant à l'angle de la rue. Ruffin était en tête suivi d'Olga et de son oncle, Loulou galopait tranquillement à côté d'un air satisfait. L'Oncle dit quelque chose qui les arrêta et désigna le groupe de Théobald et ses acolytes en face de la place.
La femme avait tourné la tête vers les nouveaux venus puis elle regarda Mélissandre.

"Ma...fille ?"

Elle la serra dans ses bras.

Elle attrapa la petite fille par les épaules et la regarda droit dans les yeux.

"Ecoute ma grande. Tu sais sans doute de quoi il en retourne. Je suis sûre que tu sais ce que nous cherchons. Nous ne voulons pas de mal à ma soeur et son mari. Nous avons juste extrêmement besoin de cette clé. Viens avec nous et montre-nous où elle est. Nous pourrons former à nouveau une famille, unie. Pour toujours. D'accord ? Tu veux bien être avec ton papa et ta maman ?"

Mélissandre tourna la tête vers son oncle et le reste de la bande puis elle la tourna vers son père et ses deux acolytes. Elle repéra au loin deux autres qui arrivaient, encadrant une femme, sa tante d'après ce qu'elle voyait. Sa mère tourna la tête dans la même direction.

"Hum...Oui, justement, ma soeur nous disait qu'elle ne souhaitait pas rester avec nous mais qu'elle t'encourageait grandement à venir. Pour fonder à nouveau une famille."

C'était tentant. Mélissandre hocha doucement la tête à la grande stupéfaction de tous les autres qui pensaient qu'elle allait dire non.

"D'accord. C'est bien ma grande. Dis nous juste où est la clé et après nous n'aurons plus jamais besoin de parler de ça."

Mélissandre tendit doucement Fatalité vers sa mère.

"Elle est dans mon doudou."

Sa mère prit le doudou d'un geste violent. Elle le déchira avec violence. Mélissandre la regardait avec des yeux durs. Un nouveau cap avait été franchit. Son oncle et sa tante n'avaient pas usurpé le titre de parent mais ses parents étaient des monstres. Elle décida, en voyant Fatalité tomber en miettes, de renier ses parents. En ne trouvant pas la clé, sa "non-mère", Aude, l'attrapa par le bras et la secoua.

"Où l'as-tu mise, petite diablesse ?"

Mélissandre lui sourit d'un air méchant.

"Je l'ai mis dans une forge, c'est marrant, elle est devenue toute liquide."

Elle hocha la tête d'un air triomphant. Pendant que les adultes cherchaient Ruffin, elle avait trotté jusqu'au quartier des nains où elle avait donné la clé à un forgeron pour qu'il la fonde. Elle lui avait dit que s'il attendait une demi-journée avant de la fondre elle irait lui donner de l'argent et que ça ne lui coûtait rien d'attendre puisque de toute manière il aurait le métal quand même. Elle avait voulu tester ses parents. S'ils avaient bien réagi alors elle leur aurait donné la clé. Mais...Non...Tant pis pour eux. Ce poids était trop lourd pour elle. Mais elle avait jugé que dans le futur, les gens seraient bien capables d'inventer d'autres armes puissantes pour s'entretuer alors ils n'avaient pas besoin de celle-là en plus. Elle aurait pu la laisser et passer sa vie à rechercher des porteurs justes pour la garder mais dans deux ou trois générations quelqu'un s'en serait mal servi. Non, c'était plié...Tant pis pour eux.

Elle fixa Aude d'un air satisfait. Cette dernière était rouge de colère.

"Quoi ...?! Petite sotte !"

Elle allait la gifler mais quelque chose arrêta son bras. La tante de Mélissandre serrait fortement le poignet d'Aude.

"Lâche-moi Kania ! Cette petite peste mérite une correction !"

D'un mouvement de torsion la tante de Mélissandre ramena le bras de sa soeur par l'arrière et lui fit une clé de bras.

"Ecoute Aude. Les enfants ne méritent une correction que quand ils font une bêtise. Mélissandre n'en a pas fait. Et toi, si. Alors tu voudrais quoi ? Que je te traite comme une enfant et que je te mette une bonne fessée devant tout le monde, petite soeur ? déclara Kania en insistant bien sur les deux derniers mots."

Aude semblait encore plus en colère.

"- Lâche-moi !
- Il en est hors de question. Tu vas m'écouter attentivement. Tu as mis en danger ta fille, tu as vendu ton beau-frère, tu as enlevé ta soeur, tu as détruit une famille, tu as martyrisé des gens que tu pensais sous ton pouvoir avec l'argent. Tout ça soi-disant parce que tu veux aider ta faction. C'est à cause des gens comme toi que le monde va mal. Tu n'es pas maître de ce monde. Tu n'as pas à y faire ce que bon te semble. Et il est hors de ques...
- Tais-toi ! Ce n'est pas vrai ! Je fais tout ça pour le bien de l'Alliance et qu'ils détruisent enfin ces immondes orcs qui ont massacré les nôtres !
- Espèce d'abrutie ! Tu haïs une faction entière pour quelques individus qui nous ont fait du mal ! C'est à cause des gens comme toi qu'il y a la guerre ! Parce que des gens comme toi, il y en a des deux côtés ! Je ne peux pas t'empêcher d'être ce que tu es mais je vais te demander, non même d'ordonner, de laisser le reste de cette famille en paix. Je ne veux plus jamais entendre parler de toi. Si j'entends encore une fois ton nom, je te traquerai jusqu'à ta mort et celle de ton mari, et celle de ton fils.
- Comment tu... ?
- Je sais parce que j'ai autant de pouvoir que toi en ce bas monde, petite soeur. Alors maintenant que tu sais ça, alors laisse-nous en paix. Tu sais très bien que je suis plus puissante que toi et que je fais toujours ce que je dis.
- D'accord, tu as gagné...Lâche moi maintenant.
- Jure-le d'abord, sur l'esprit de père et mère.
- Tu ne peux pas me demander de faire ça...
- Si je peux. Allez, jure !"

Aude sembla se taire pendant un moment puis soupira.

"D'accord...Je jure sur l'âme de père et mère que jamais plus ni moi, ni Théobald, ni Alos, mon fils, n'approcheront plus jamais de votre famille."

Kania lâcha sa soeur. Cette dernière frotta son poignet et dévisagea sa soeur. Puis elle jeta un coup d'oeil vers Mélissandre et le reste de la troupe. Elle tourna les talons et rejoignit son mari et les acolytes.

"On y va."

Ils s'éloignèrent en suivant leur chef qui marchait d'un pas rapide.

Kania regarda s'éloigner son dernier lien avec son enfance. Puis elle se tourna vers les siens. Elle serra Mélissandre dans ses bras puis son mari. Elle observa ensuite Olga et Ruffin qui se sentaient un peu en trop dans tout ça.

"Je ne sais pas encore ce que vous avez fait pour notre famille mais merci d'avance."

Elle leur tendit sa main. Ils la serrèrent à tour de rôle.

"Je suis heureuse de vous rencontrer dans tous les cas. Mélissandre, tu fais les présentations ? Mélissandre ?"

Elle chercha des yeux l'enfant. Mélissandre était un peu plus loin, assise dans l'herbe. Elle avait les lambeaux de Fatalité dans la main et dans l'autre Mahina. Elle expliquait des choses à sa poupée. Elle racontait sans doute le destin héroïque de Fatalité.

Kania glissa sa main dans celle de son mari puis sourit en observant leur fille. Leur famille était enfin réunie.
Avec une grâce certaine, l'elfe descendit de sa monture. Elle attrapa la bride et marcha jusqu'à l'auberge. Elle entendit des rires d'enfant. Elle tourna la tête et observa un instant deux petites filles qui jouaient ensemble en se poursuivant.

Elle entendit quelqu'un approcher et le fixa. C'était vraisemblablement le palefrenier de l'endroit car il venait de l'écurie. Il tendit la main et elle lui donna la bride.

"- Ne lui donnez pas de trèfle, juste du foin, s'il vous plait.
- A vos ordres ... Euh, oui, je veux dire. J'ai encore un peu de mal avec la vie de civil..."

Il commença à la saluer mais arrêta son geste à mi-chemin et il replaça son bras le long de son corps. Il hocha la tête poliment pour la saluer et fit demi-tour vers les écuries avec une démarche militaire. L'elfe haussa les épaules puis se tourna vers l'auberge. Elle remarqua que sur la terrasse, juste à côté de l'entrée, roupillait une bonne femme sur une chaise. La chaise s'appuyait contre le mur derrière elle et ses pieds étaient posés sur la balustrade. Ses bottes, en cuir, n'avaient que le bout au soleil. A côté d'elle, un gros chien faisait la sieste, lui aussi. Il ouvrit paresseusement ses yeux, juste pour observer l'elfe, puis les referma en baillant. L'elfe rentra dans l'auberge.
Il n'y avait pas grand monde. Un homme, assis sur une chaise, semblait occupé sur un travail de couture difficile tendit qu'une jeune femme, debout derrière lui, observait son ouvrage en lui donnant des conseils de temps à autre.

L'elfe choisit une chaise puis déposa son gros paquetage à côté. Elle s'installa tranquillement. Une dame, assez mûre, s'approcha d'elle.

"- Bien le bonjour, je vous sers quoi ?
- Je vais juste vous prendre un jus de melon si vous le voulez bien.
- C'est notez, je vous apporte ça tout de suite."

La femme hocha la tête et se dirigea vers les cuisines. En passant à côté des deux autres personnes de la taverne, elle dit :

"- Tiens, Eponine, va donc voir où est passé Ruffin, il m'a promis de ramener quelques morceaux de viande pour ce soir. Ah, demande aussi à ton mari quand il reviendra de la pêche, je crois qu'il n'est pas encore parti.
- Oui, d'accord, Kania, je vais en profiter pour demander à Mélissandre et Camille de rentrer pour voir comment ton mari a réparé Fatalité."

Elle se dirigea vers la sortie. La dénommée Kania venait à peine d'avoir apporté le jus de melon que deux petites filles déboulèrent dans l'auberge.

"Oh ! Regarde Fatalité comment tonton l'a bien réparé !"

Mélissandre attrapa la poupée et la montra à son ami. L'oncle la regarda en souriant. Les petites filles bavardèrent un moment. Quelques instants plus tard, Ruffin rentra dans la pièce avec deux lapins. Il tourna la tête vers l'elfe. Il fronça un instant les sourcils en réfléchissant puis posa les lapins sur une table quand il fut sûr de la reconnaître. Il s'approcha et s'installa en face d'elle.

"- Ah, Ariana', c'est vraiment un hasard que tu passes dans notre auberge. Si tu savais tout ce que t'as loupé !
- Je compte sur toi pour me raconter tout ça."

Il lui sourit et commença à raconter leurs aventures de A à Z.
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