Fanfiction World of Warcraft

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Kateria

Par Nicolas C.
Les autres histoires de l'auteur

Prologue

Chapitre 1 - Choisir

Chapitre 2 - Justice#1

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Partie 2 : Désolation - Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Partie 3 : Perte de contrôle - Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Epilogue

Partie 4 : Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Kateria était lasse des combats et profitait de quelques jours de semi-repos à la Marche de l'Ouest. Elle avait décidé de revenir à la ferme de ses parents et, comme dans toute ferme, le travail ne manquait pas mais elle était heureuse de revoir ces terres après des années de guerre. Son père et sa mère avaient vieilli, ils se faisaient maintenant aider par des voisins pour les travaux les plus rudes. Ils accueillirent avec joie leur blondinette qui fondit en larmes. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas pleuré... Kateria sentit le poids des années passées en voyant le tribut que ses parents avaient eux-mêmes payé au temps. Elle-même sentait qu'elle n'avait plus la vigueur de ses vingt ans... Elle se proposa pour participer un moment aux travaux de la ferme. Pendant qu'elle travaillait dans les champs de blé, des souvenirs lui revinrent... Elle se rappela l'invasion des Défias qui l'avait conduite à prendre les armes. Elle était si jeune alors...

Les brigands Defias avaient pris pied dans la région en s'appropriant la mine d'or et martyrisaient les familles des fermes alentours. La milice parvenait à peine à protéger les habitants et les appels à Stormwind restaient vains. Kateria avait rapidement décidé de rejoindre la milice. L'injustice la révoltait et la force physique un peu gauche qu'elle avait développées par le travail manuel furent des arguments qui convainquirent rapidement le chef de la milice, qui avait un bon fond, d'accepter une femme dans ses rangs. Le chef de la milice appréciait la droiture d'esprit de la jeune femme et lui inculqua les compétences qui l'aidèrent à maîtriser sa force et à devenir une combattante redoutée.

Ainsi, Kateria participa à la reconquête de Westfall. Après la fin de la campagne et la révélation du grave complot à l'origine des troubles, le chef de la milice envoya Kateria à Stormwind pour qu'elle rejoigne l'ordre sacré des Paladins. Il avait l'intuition profonde que cette jeune femme serait une paladine de talent, dédiée à la protection des plus faibles.

Il avait vu juste. Kateria obtint l'accord de ses parents et fut rapidement acceptée par les paladins. Après une formation de base qui lui permit de mettre un nom - Lumière - sur ce besoin de justice qu'elle éprouvait, elle rejoignît l'Alliance dans ses combats contre la Horde. Le haut commandement de l'Alliance lui confia plusieurs missions sur les champs de bataille. Dans les succès et les défaites, elle était toujours déterminée et prête à s'exposer, ne serait-ce que pour faire gagner quelques minutes à son escouade. Lors d'un combat particulièrement rude, Kateria fut cruellement blessée et resta convalescente pendant plusieurs mois. Pendant cette période particulière, elle développa des connaissances plus spirituelles et notamment la guérison. Un jour, alors qu'elle commençait tout juste à pouvoir faire des promenades dans le parc de Stormwind, un vieil homme lui parla des furbolgs Timbermaw avec lesquels il avait vécu pendant des années. Elle apprit que ces furbolgs étaient menacés par des voisins hostiles et fut prise de compassion pour ces êtres dont le vieil homme vantait les qualités. A partir de ce moment, Kateria reprit très rapidement des forces et convainquît ses supérieurs de la laisser aller sur place, car elle avait promis au vieil homme de veiller sur ses amis.

Les gobelins trafiquants de cuir de furbolg prospéraient à cette époque. Kateria décima en effet des milliers de furbolgs fous et corrompus, gagnant l'amitié éternelle des furbolgs Timbermaw et parvenant à conclure un traité d'alliance entre le roi Magni d'Ironforge et les Timbermaw.
Conséquence ou coïncidence, l'industrie de la fourrure de furbolg s'effondra lorsque les invasions de morts vivants se multiplièrent dans les Maleterres. Peu à peu devenue experte en défense et en vindicte, Kateria se rendit sur place et participa à la croisade. Lorsque le dernier chevalier de la mort tomba, elle regarda vers le ciel et vit une nécropole flotter dans les airs. Elle savait que cette victoire n'était que temporaire, et, pourtant, les combats faisaient déjà rage en Outreterre où la porte de ténèbres s'était rouverte.

Elle rejoignit alors en hâte les combattants du Bastion de l'honneur où elle fut accueillie chaleureusement, car sa réputation commençait à la précéder. Kateria combattit encore des années en Outreterre, où elle participa de manière décisive à certaines missions importantes pour la conquête et la purification de ces nouvelles terres et la défense des peuples opprimés.

Elle aidait ponctuellement des aventuriers, mais elle partait de plus en plus souvent seule, pour mener sa croisade. Ce choix inconscient d'aller imposer la Lumière seule et son sens du devoir avaient fait d'elle une paladine vétéran capable d'éliminer les créatures les plus redoutables. Au fond d'elle-même, Kateria commençait à être lasse et passa plus de temps à étudier les voies de la guérison et de la protection. Au fond, un bouclier pouvait éviter les blessures, et la Lumière sait que Kateria était marquée par des cicatrices douloureuses qu'elle ne parvenait plus à apaiser toute seule.

Kateria avait fini son travail dans le champ et se rendit vers la ferme en massant tant bien que mal ses épaules et son dos. Elle enleva sa veste et son chapeau de paille pour profiter des derniers rayons de soleil sur sa peau toujours meurtrie, et s'assoupit sur une chaise devant la ferme. Sa mère la vit s'installer, attendit un moment en s'affairant dans la cuisine, puis la couvrit d'un plaid lorsque la fraîcheur du soir tomba sur la Marche de l'Ouest. Elle était si fière et sa petite fille avait bien mérité un peu de confort.
Les longs mois passés dans la ferme familiale dans la région de la Marche de l'Ouest lui avaient fait du bien à tous les niveaux. Ses blessures s'étaient maintenant cicatrisées de façon naturelle. Mais son esprit, surtout, était plus sain.

Kateria avait été intoxiquée par les enseignements de la Lumière. La foi, un simple mot, mais une puissance démesurée.

Pendant qu'elle vaquait aux travaux de la ferme, elle avait compris qu'elle s'était battue, non pas pour rien, mais pour une foi qu'elle partageait sans l'avoir finalement acceptée. Dans ce sens, elle considérait qu'elle avait été aveugle, même si elle avait été guidée plutôt dans le bon sens, au fond.

Il était temps qu'elle reprenne sa vie en main. Elle se sentait profondément humaine, consciente et rationnelle. Elle ressentait sa liberté, elle pouvait la palper, la sentir comme une force vibrante en elle. Elle se sentait forte et autonome. En fait, ces derniers mois l'avaient amené à proclamer son libre arbitre et la légitimité de l'exercice de sa raison propre. Elle était sa propre maîtresse.

C'était à la fois exaltant et inquiétant. Il est difficile de s'assumer entièrement, elle l'avait déjà constaté. Parfois on cherche un refuge, comme elle l'avait fait en revenant sur ses terres natales. Elle chérissait sa liberté gagnée, et savait qu'elle était fragile et qu'elle devrait toujours prendre garde à l'exercer.

Elle avait commencé à se battre comme volontaire dans la milice alors qu'elle était encore jeune fille. Devenue paladine, elle avait suivi l'Alliance dans des batailles sans fin, contre la horde et contre la légion ardente. Tout ce qu'elle avait vécu l'avait amené ici, dans ce champ de blé, à philosopher sur l'existence. Elle n'avait jamais vraiment eu le temps avant. Ses instructeurs lui avaient appris tant de choses, mais elle les avait acceptées sans vraiment les comprendre.

Elle avait à présent un sentiment très fort, très personnel de la justice. Le mal doit être poursuivi et éliminé, sans remords. C'est le prix à payer pour assurer la sauvegarde de la liberté. Il faut être digne de vivre.

Elle ne l'avait pas encore réalisé, mais elle était tout simplement devenue adulte et responsable de ses actes.

* * *

Kateria eut une impression de déjà-vu. Ces hommes qui venaient sur ses terres, elle les connaissait. Ils venaient détruire et piller, saccager et assouvir leurs instincts les plus primaires. Une fois de plus, elle rencontrait des monstres qui avaient abandonné leur humanité et les responsabilités qu'elle impose.

Elle n'avait qu'une pelle, dont elle sentait le poids familier dans ses mains. Le métal était chaud, elle avait beaucoup travaillé sous le soleil.

D'où venaient-ils ? Mais cette question restait en suspens tandis que Kateria réfléchissait à la situation présente.

Les hommes l'avaient repérée déjà. Ils s'avançaient vers elle, savourant à l'avance leur bonne fortune. Une paysanne qu'ils allaient pouvoir soumettre et briser, pour en extraire un peu de plaisir.

« Eh blondasse, tu veux venir jouer avec nous ? » lança une des brutes. Des ricanements et des encouragements fusaient au sein du groupe. Ces hommes aux carrures imposantes se tapaient dans le dos et faisaient des commentaires grivois sur cette belle chose. Leurs regards étaient emplis d'une lueur concupiscente, ne voyant qu'une proie, de la chair, du plaisir et de la domination.

Kateria se redressa et leur fit face. Ils étaient cinq. Elle jaugeait leurs forces et leurs faiblesses. Ils étaient équipés d'armures de cuir et de maille, avec des armes de mauvaise qualité. Des brigands peu rodés aux exigences de la guerre.

Elle se concentrait sur le combat à venir.
Lorsqu'ils étaient à quelques mètres d'elle, le temps se figea.
Et Kateria commença à danser avec la mort.

* * *

La terre consacrée se mit à luire et à brûler, un violent coup de pelle déforma la face du chef, le sang gicla et éclaboussa ses comparses. Leurs cris rauques appelaient à la vengeance... Esquivant plusieurs attaques, Kateria tourna sur elle-même, para un coup et contre-attaqua brutalement, projetant un ennemi au sol. Elle continuait à danser avec fluidité, profitant des opportunités ouvertes, anticipant les attaques et sapant méthodiquement les forces de ses assaillants.

Il ne restait qu'un seul ennemi debout. Les cheveux hirsutes, la poitrine couverte de sang, une lueur de peur s'était installée dans ses yeux aux côtés de la folie sanguinaire et de la concupiscence.

Invoquant le pouvoir sacré des paladins, Kateria lui ordonna de se repentir. L'homme s'arrêta net et tomba en transe.

« Vous êtes indignes de vivre. Je vous condamne à mort. ».

Elle lâcha sa pelle, qui tomba avec un bruit sourd sur les blés ensanglantés. Elle saisit l'homme par la gorge et serra d'une poigne de fer en le fixant dans les yeux.

* * *

Quelques heures plus tard, Kateria reposa sa pelle. La terre brûlée par le soleil accueillait cinq nouvelles tombes. Quelques soupirs accompagnèrent ces funérailles. Kateria n'avait pas le coeur de parler.
Kateria cligna les yeux. Cela ne pouvait pas être vrai.
Des morts vivants. Partout. En train d'envahir le village plongé dans la confusion la plus totale.
Les miliciens et les villageois mourraient de tous les côtés, submergés, et leurs corps se relevaient peu après pour rejoindre l'assaut maléfique...

Elle était au milieu de l'apocalypse.

« Abandonne... Rejoins-nous... », murmurait avec insistance une voix dans sa tête.

Elle prit sa tête dans ses deux mains et se mit à hurler... « Non !! Laissez-moi !»
« Abandonne... Renonce», continua la voix.

Une petite fille, blondinette angélique perdue dans l'enfer du génocide, se retourna vers elle, lui tendit sa main et l'implora de venir à son secours.

Kateria plongea ses yeux dans l'océan de larmes qu'étaient ceux de la petite, et vit ce qui ne lui semblait plus qu'une chimère, l'espoir. Elle se redressa, et attira la fillette contre elle.

Un instant plus tard, Kateria se mit à considérer avec détachement la boucherie qui se déroulait. Instinctivement, elle avait fait appel à toutes ses capacités de concentration de paladine. Un halo de lumière commença à l'entourer ainsi que la fillette qui la serrait fort.

Cette protection ne durerait pas longtemps, mais suffisamment pour ce qu'elle se préparait à accomplir. Le halo de lumière devint rapidement plus intense et commença à former un anneau autour d'elle.

Soudainement, le monde se mit à la regarder. Tous ces morts, avec leurs yeux ou leurs orbites, se retournèrent et la fixèrent.

Quelques secondes plus tard, elle libéra une vague d'énergie divine dans le village qui réduisit les assaillants en poussière.

Le bouclier de protection disparut. Elle tomba à genoux, vidée de ses forces. La fillette continuait à se blottir contre elle. Quelques survivants à l'air hagard s'approchèrent d'elle, tous blessés plus ou moins gravement.

« Kateria ? Ca va ma chérie ? »

Elle se réveilla brutalement. Sa mère était venue la voir, inquiétée par l'agitation de sa fille dans son sommeil.

« Oh... Oui. Un affreux cauchemar. ». Elle marqua une pause et reprit : « Ca va aller. Merci... »

Elle alla dans la pièce commune pour prendre un grand verre d'eau. Elle était en sueur et la température fraîche de la pièce lui semblait glaciale. En buvant, elle repensa à ce cauchemar. Et elle espéra très fort qu'il n'était pas prémonitoire.
Lorsque Kateria se leva le lendemain matin, un courrier l'attendait. Le cachet de la poste royale datait déjà d'un an, mais Kateria n'était pas surprise avec les troubles qui avaient eu lieu... Entre les brigands, les bêtes sauvages, les morts-vivants et les démons, être facteur était un métier à risque. Le sceau de l'intendance de l'armée de l'Alliance était sale mais intact. Kateria l'ouvrit soigneusement et commença à examiner son contenu. Il s'agissait d'un bon d'équipement signé par l'intendant-chef. Kateria le posa sur la table et but une gorgée de son café, agréablement brûlant.

L'Alliance se rappelait donc à son bon souvenir. Cela faisait déjà plusieurs mois qu'elle était revenue à la ferme. Venue se reposer quelques jours dans la ferme familiale, elle avait finalement fait les démarches pour obtenir un congé en raison de son état de santé asthénique. Elle se doutait qu'un homme aurait eu plus de difficultés à obtenir cette exemption. Stupides préjugés. Elle réalisa qu'elle était peut-être restée plus longtemps que nécessaire en congé. D'un autre côté, avec les brigands de la région et l'expérience récente qu'elle avait eue avec eux, elle estimait que protéger sa famille était loin d'être du temps perdu.

Elle fronça le nez. « Ca sent le brûlé ! » s'exclama-t-elle !

Kateria fonça à l'étage où ses parents étaient en train de se changer.

« Sortez, vite, il y a le feu ! »

L'incendie se propageait très rapidement, beaucoup trop rapidement, pensait Kateria. Les flammes gagnaient déjà l'escalier.

« Restez à côté de moi ! »

Elle se concentra quelques instants et invoqua une aura de résistance au feu.

« Ca va brûler, mais nous pourrons traverser. Venez, vite ! »

Ils se précipitèrent dans l'escalier, traversèrent la pièce principale devenue une fournaise et où la fumée était étouffante. Kateria tenta d'ouvrir la porte d'entrée, mais elle restait bloquée

« Qu'est-ce que... », commença-t-elle, mais elle n'acheva pas sa phrase. L'aura de résistance ne leur ferait gagner que quelques secondes. Elle commença à réfléchir à toute allure. Ils étaient piégés.

A l'extérieur, deux brigands observaient la scène. Ils avaient fait démarrer plusieurs feux simultanément, favorisé leur développement et bloqué l'unique porte de l'habitation principale de la ferme avec du matériel agricole et des bottes de foin. Ils se frottaient les mains de leur bon coup, de la vengeance qu'ils avaient pu exercer sur cette famille qui avait tué cinq des leurs. La maison était entièrement la proie des flammes qui montaient à plusieurs mètres de hauteur. Des coups sourds retentissaient contre la porte barricadée. Les deux hommes ricanèrent.

« Ils en mettent du temps à mourir ! » dit l'un d'entre eux avant de ricaner.
« C'est bientôt cuit ! » ajouta l'autre en tapant dans le dos de l'autre.

La porte et la barricade volèrent soudainement en éclats. Les brigands observèrent la scène avec stupéfaction. Trois personnes sortirent précipitamment, deux femmes et un homme... L'une des femmes, la plus vieille, marchait avec l'aide des deux autres. La plus jeune, une blonde, confia sa mère à son père et commença à s'approcher d'eux. Ils sortirent leurs épées de leurs fourreaux, prêts à en découdre. Une jeune femme désarmée et à peine habillée leur semblait plutôt être une aubaine qu'un combat périlleux.

« Vos actes criminels sont au-delà de toute rédemption. », dit brièvement la fille, d'une voix ferme.

Les deux hommes rugirent et se jetèrent sur elle. Un éclair de lumière apparut brièvement. Lorsqu'ils atteignirent leur cible, celle-ci disposait d'ailes dorées et affichait un masque de détermination sans faille. Elle para les premières attaques avec son bras gauche, qui fut sévèrement tailladé au niveau de l'avant-bras. Un marteau enveloppé dans une lumière bleutée apparut en une fraction de seconde dans sa main droite, et elle le projeta contre le premier ennemi qui s'envola sur plusieurs mètres, une plaie béante au milieu du torse. Elle grimaçait à cause de la douleur tandis qu'elle assomma magiquement le second ennemi. Une lumière teintée de rouge l'entoura, et elle jugea son ennemi avec toute la puissance sacrée qu'elle parvint à rassembler. Il s'effondra net, foudroyé.

Kateria maintenait son bras gauche sanglant tant bien que mal et rejoignit le premier bandit agonisant. Ses ailes disparurent pendant le trajet. Après un profond soupir, elle commença à invoquer un soin pour stabiliser l'état vital de son ennemi. Après quoi, elle commença à soigner ses propres blessures car l'hémorragie était potentiellement mortelle. Heureusement, elle avait invoqué son aura de résistance physique, qui avait donné la consistance du cuir à sa peau. Pendant ce temps, elle songeait aux questions qu'elle allait poser. En effet, elle n'avait pas l'intention de refaire la même erreur. Elle avait besoin des informations qu'elle avait négligé d'obtenir quelques jours auparavant. La sécurité de sa famille était en jeu.

« Qui est votre chef et où est-il ? ».

Le ton adopté était inquisiteur. Le refus de répondre aurait des conséquences implicites et probablement très douloureuses. L'homme la regardait effaré, il réalisait qu'il n'avait plus qu'un seul choix, mourir ou souffrir encore plus - si c'était possible ! - et mourir.

« Le Syndicat... au fort de Durnholme... à Hillsbrad près d'Altérac. », prononça t-il laborieusement.
« Ainsi soit-il. ».

Kateria cessa de canaliser le soin qui retenait le brigand dans le monde des vivants. Il eut un hoquet, et mourut dans un gargouillement de sang. Kateria était déjà repartie vers ses parents, elle avait des brûlures à soigner. Et des choix à faire.
La journée allait être longue. Kateria avait conduit ses parents jusqu'à la ferme des voisins, ce qui serait une solution temporaire. Elle craignait qu'ils finissent comme réfugiés à Stormwind, mais son père s'était efforcé de la rassurer. Ils reconstruiraient la ferme avec l'aide des bonnes volontés du comté. Un tel drame n'avait laissé personne indifférent.

Elle n'avait rien pu sauver de l'incendie, même pas la lettre de l'Alliance. Dans les décombres fumants, ses affaires étaient irrémédiablement détruites. Des bourses de ses ennemis, elle n'avait gardé que le strict minimum pour son court voyage vers la capitale, confiant le reste de l'argent à sa famille.

L'air frais matinal était vivifiant. Le maître des griffons de la Marche d'Ouest accepta son paiement et elle commença son trajet aérien. Elle avait l'habitude de ces fiers animaux. Le trajet fut rapide et sans problème, d'autant plus qu'elle voyageait léger, avec un simple sac à dos. La ville fortifiée était majestueuse, elle avait peu changé durant l'année écoulée. Kateria se présenta directement à l'Intendance, traversant les ruelles du quartier marchand puis de la vieille ville. Il y avait peu de monde au comptoir. Ce fût rapidement son tour. Un homme d'une quarantaine d'années, assez sec et grisonnant s'occupa d'elle.
« Bonjour, je suis Kateria, de Westfall. »
« 'jour. », marmonna son interlocuteur, qui commença à compulser son registre. Il releva la tête et l'examina.
« Vous avez ramené votre ancien équipement ? »
« Il a brûlé avec ma ferme. »
« Ah ». Il soupira. « Les gens ne respectent plus rien. Qu'est-ce qu'il vous fallait ? »
« Euh, de tout en fait. Pour le combat. » Elle précisa : « Au corps à corps.»
L'homme étudia ses formes sans pudeur et ajouta après un moment :
« Attendez ici, je vais voir en réserve. »

Le temps s'écoulait lentement, Kateria patientait en observant le flot de soldats. Certains venaient, comme elle, chercher une armure complète, d'autres pour remplacer des pièces d'armure ou des armes en mauvais état. L'homme finit par revenir, les bras chargés de matériel. Il déposa tout sur le comptoir et retourna brièvement dans l'arrière salle pour aller chercher un vieux registre.

« Voila je vous ai retrouvée. »
« Bonne nouvelle ! »

L'homme commença à dresser l'inventaire du matériel.

« Nous avons donc ici une armure complète en plaques, orientée survie et dégâts de mêlée. Vous constaterez qu'elle améliore significativement les aptitudes physiques en termes de force, d'agilité, d'endurance et de rapidité de déplacement. Elle dispose d'une résistance générale exceptionnelle et vous immunisera en particulier contre les dégâts critiques en protégeant les parties vulnérables de votre anatomie.»

Il prit le heaume entre ses mains en présentant plusieurs éléments pour appuyer son propos.

« L'équipement a été retravaillé par des forgerons multi-spécialistes. Plusieurs runes ont été incorporées, comme ici, afin d'accroître votre clarté d'esprit et vos capacités magiques. Elles devraient également favoriser la guérison des blessures et la régénération de votre mana. Vous observerez également que l'armure est capable de vous proposer une assistance en combat afin de porter des coups fatals et d'améliorer votre tactique d'engagement. Oh ! J'oubliais, plusieurs aptitudes de l'ordre des paladins sont renforcées, à savoir l'attaque dite inquisition et le marteau de la justice. Vous devriez pouvoir réaliser des soins d'urgence avec une efficacité réduite mais convenable.»

L'homme souleva l'énorme épée qu'il avait déposé contre le comptoir de son côté.

« Cette épée à deux mains fait partie de l'arsenal réservé à l'élite. Vous comprendrez quand vous vous en servirez. Prenez aussi ce bouclier et cette épée courte.»

Il fit une courte pause et la regarda dans les yeux.

« Ce sont de très belles pièces. D'une qualité épique comme on dit dans le jargon. A en croire ce registre, vous avez largement mérité cet équipement. Pour autant, son acquisition va réduire significativement vos avoirs actuels auprès de l'Alliance. »
« Oui, c'est parfait. »

Kateria était en réalité tout à fait impressionnée. Son équipement précédent était de qualité supérieure, mais très loin de ce niveau d'artisanat. Elle signa le registre, remercia à nouveau l'intendant, et se dirigea vers une petite salle que ce dernier lui avait indiqué afin de se changer. Elle déposa l'équipement sur un banc et commença à s'équiper. L'armure était assez épaisse et lourde. Ses couleurs étaient assez harmonieuses, du gris noir au violet un peu teinté de rouge. Plusieurs cristaux brillaient sur le heaume et les épaulières. Kateria retira ses vêtements, révélant un corps sain et plus que bien proportionné. L'année à la ferme avait permis d'effacer un peu les nombreuses cicatrices qu'elle portait et d'ajouter un peu de chair là où les privations des guerres avaient exigé leur dû. Toujours dévêtue, elle sortit un pendentif et deux bagues qui étaient dans une petite bourse de cuir. Elle plaça avec attention le pendentif autour de son cou et releva un peu ses cheveux blonds. Le pendentif descendit jusqu'à sa poitrine où il sembla se lover confortablement comme s'il avait toujours été là. Les bagues, des anneaux gravés peu encombrants, lui allaient parfaitement, et elle passa quelques instants à contempler cette parure avec un sourire enfantin. Elle s'équipa ensuite des jambières, de la ceinture et du plastron. L'armure était agréable à porter, elle ne semblait plus aussi lourde. Le forgeron avait fait un véritable travail de maître. Il restait deux artefacts dans la bourse de cuir et elle les plaça dans les emplacements libres de son armure.

Elle continua sa découverte en ajustant les protections pour ses avant-bras. Elle sentit immédiatement un effet apaisant sur son avant-bras gauche qui était encore sensible des blessures de la veille malgré ses soins. Ses pieds rentraient facilement dans les bottes dont elle ajusta rapidement les attaches. A priori, les ampoules lui seraient épargnées cette fois-ci. Après avoir mis ses épaulières, Kateria déplia la cape colorée de marron et de rouge assez mats. Elle semblait résistante et assez chaude. Elle avait défendu Altérac sous la neige, ce genre de détails lui importait donc beaucoup. Elle l'ajouta à sa tenue. Les gants étaient décorés d'une épée dorée sur la partie extérieure du bras. Kateria était admirative, et encore plus lorsqu'elle mit ses mains dedans.

Elle sautilla rapidement sur place puis fit quelques figures de combat, prenant le temps de sentir chaque pièce et testant sa liberté de mouvement. L'épée semblait être au niveau des promesses de l'intendant. Parfaitement équilibrée et d'un poids idéal, elle semblait extraordinairement précise et solide. La lame était affûtée comme un rasoir et il semblait qu'un enchantement la rendait encore plus mortelle que ce qu'elle paraissait déjà. Satisfaite, et même ravie, elle attacha ses armes et sortit, le casque sous le bras.
Elle se sentait beaucoup plus forte qu'elle n'avait été. Elle savait que c'était le résultat de son investissement illimité dans plusieurs campagnes militaires et des combats qu'elle avait menés pour la justice et le bien. Cependant, elle était un peu gênée d'y avoir droit après une si longue pause. En fait, elle conclut que c'était mieux ainsi, elle serait encore plus déterminée pour faire prévaloir la justice. Elle quitta la pièce, salua l'intendant et sortit du baraquement de l'intendance. Elle plaça le heaume sur sa tête, et se rendit compte qu'elle n'avait encore rien vu. Les enchantements lui donnaient une vision augmentée de la réalité, et informaient son esprit, de manière peu intrusive, à la fois sur l'environnement et sur son propre état de santé.

Elle se concentra sur ce qu'elle devait faire à présent. Les collines d'Altérac l'attendaient, et ce Syndicat allait à nouveau avoir des comptes à rendre à l'inquisitrice. Et cette inquisitrice aurait les moyens de faire régner la justice.
Un sanglot ébranla son corps et s'étrangla dans sa gorge; elle dut l'expulser en reniflant. La nuit était froide et la route encore longue. Doucement, les larmes perlèrent aux coins de ses yeux puis coulèrent délicatement sur ses joues. Des sanglots désarmants l'accompagnaient tandis qu'elle continuait à marcher. A la fois claires et troubles, telles les perles salées qui la paraient, ses pensées d'abord étonnées embrassèrent le moment, puis virevoltèrent timidement autour des causes possibles de cette infinie tristesse. La solitude, bien sûr, était une explication immédiate, un repère aisé pour ces pensées en quête de réponses. La lutte contre l'ennemi, seule contre tant. Ce matériel encombrant, ces guerres lassantes. Elle savait que ce sacrifice satisfaisait néanmoins son sens de la justice.

Ne manquait-elle pas simplement de l'humanité simple et chaleureuse que constitue une étreinte amicale ou amoureuse ? Le doux contact de l'autre, la proximité d'un aimé... Elle détourna le regard, voulant éviter ces images... Elles s'imposaient à elle ; elle voulait crier, mais sa gorge était trop serrée. Les yeux rouges, elle se força à contempler ce qu'elle refusait de voir. Vingt-six bougies, sur un gâteau qu'elle ne verrait jamais. Une main sur son épaule, celle d'un époux hypothétique, qui contemplait avec elle un nourrisson dans un berceau... Kateria secoua la tête, comme pour chasser cet envoûtement. Et elle décida de faire la seule chose possible, hurler, hystérique, pour vider cette douleur enfouie, crier, encore, pour aller mieux.

Quand elle se réveilla, elle était emmitouflée dans sa couverture, ses yeux étaient irrités et sa peau la brûlait. Quand elle voulut prononcer une parole, celle-ci s'arrêta dans sa gorge où elle fut transformée en un crachotis aussi ridicule que le fait de parler seule. Elle haussa les épaules et exhala un long soupir. Alors elle regroupa ses affaires, et se mit en marche vers le fort de Durnholme.
Rassérénée, Kateria continuait sa route vers Altérac. Très pressée au début de son voyage en raison de la haine qu'elle vouait à l'organisation qui avait brulé la ferme familiale, elle avait néanmoins décidé de mettre à profit ce long voyage pour progresser sur la voie du combat défensif et arriver en pleine possession de ses moyens.

« Un paladin se bat en terre consacrée.»
Kateria répétait silencieusement ce mantra. Un léger sourire involontaire adoucissait son visage encadré par des cheveux longs et blonds.
« J'arrive à maintenir la consécration en permanence... Comment améliorer cette position de blocage au bouclier ? »
Elle essaya plusieurs figures.
« C'est mieux. Je peux faire mieux que ça encore. Et je ne dois pas oublier de respirer!»
Son bouclier s'illumina, devenant une arme de protection massive.
« Et voilà... Ça devrait être plus efficace ainsi... »

Cette vieille ferme en ruine était envahie par des morts-vivants. Une cinquantaine, peut être plus. Kateria s'avança vers la ferme, exorcisant quelques squelettes pour attirer l'attention. Les morts-vivants convergèrent vers la paladine, qui se prépara à tenir bon contre leur assaut.

« Positionne ton bouclier. Consacre la terre. Bloque. Repositionne ton bouclier. Consacre. »

Elle progressait dans les automatismes du combat défensif. Elle était plus rapide, plus intuitive et bien plus sûre d'elle. L'entraînement lui permettait de se détacher du combat et de l'envisager différemment. Elle bloquait de plus en plus vite les attaques. Les sillons du champ luisaient et des volutes de feu sacré s'envolaient vers le ciel gris. Peu à peu, sa concentration la conduisit à cet état de fureur vertueuse qu'elle s'efforçait d'atteindre. Bloque. Bloque. Consacre. Les attaques des morts-vivants se heurtaient toutes à son bouclier doué d'ubiquité.

« Respire ! »

Cette injonction venue de son esprit la fit hésiter et elle prit du retard dans son cycle de combat. Les morts vivants essayèrent de l'encercler, mais elle reprit rapidement le dessus et recula légèrement tout en évitant, parant et bloquant les attaques. Kateria se risqua à lancer un exorcisme de zone. Cette technique instantanée était plus difficile à maîtriser que l'exorcisme classique demandant une incantation longue et donc périlleuse... Les derniers ennemis s'écroulèrent foudroyés. Les champs dévastés étaient à présent silencieux et seule sa respiration forte venait troubler la paix divine. Kateria détacha une fiole d'eau bénite de sa ceinture et aspergea longuement le charnier.

« Se soigner sous un déluge de coups est l'aspect le plus difficile de la formation... et aussi le plus important. Combien de paladins sont morts dans le feu de l'action faute d'avoir su guérir rapidement leurs blessures? »
Kateria lisait un tome sacré. Elle appréciait le ton didactique de l'ouvrage. Paradoxalement, elle comprenait mieux les enseignements des maîtres paladins du passé que les enseignements actuels de l'ordre des paladins.
« L'option première est l'utilisation d'une immunité divine, totale ou uniquement physique pendant les soins. Cette technique permet de guérir l'essentiel des blessures sans être interrompu. Néanmoins, l'utilisation de cette immunité est limitée par la nature de l'univers et le respect de son équilibre. L'invulnérabilité ne peut être que temporaire, au plus une douzaine de secondes pour des paladins expérimentés. Attention, certains prêtres peuvent dissiper cette protection.»

Kateria fit la grimace. Le souvenir de coups douloureux portés par la Horde l'habitait encore.

« La seconde option est plus délicate et demande un entraînement avancé en concentration et en maîtrise du blocage. Le paladin doit accepter la douleur et continuer son incantation malgré les interruptions.»
« En cas d'urgence, buvez une potion de vie que vous aurez conservé à portée immédiate, ou lancez une imposition des mains sur vous-même. »

Kateria ferma le livre et le rangea. Elle avait déjà utilisé toutes ces techniques dans le passé.
Le lendemain, le donjon de Durnholme, base des opérations du Syndicat, se dressait devant elle. Kateria était reposée de son voyage; elle s'avança vers le donjon, murmurant une prière à la Lumière.
"Chef? Désolé de vous déranger... hum mais il y a une fille à l'entrée du fort."
"Qu'est-ce qu'elle veut?"
"Vous parler..."
"A quel sujet?"
"Elle n'a pas voulu le dire aux gardes."
"Elle ressemble à quoi?"
"Ben on voit pas grand chose sous l'armure. D'ailleurs c'est une armure de l'Alliance, mais la fille ne porte pas de tabard."
"Une fille seule en armure de l'Alliance qui veut me parler et qui refuse de préciser de quoi?"
"Voila, chef."

Le chef local du Syndicat, Jailor Eston, réfléchit quelques instants à ce que l'homme venait de lui rapporter. Le Syndicat était en guerre plus ou moins ouverte contre l'Alliance - et contre la Horde aussi d'ailleurs. Seuls des renégats à la recherche d'un emploi viendraient se présenter ainsi au fort. Mais un renégat ne serait pas aussi discret sur les raisons de sa venue s'il cherchait simplement du travail. Peut-être que la fille voulait monnayer des renseignements... Il décida de la recevoir, et de s'approprier ses secrets... sans dépenser un sou - l'aménagement de la salle de torture avait coûté assez cher après tout. Jailor Eston se demanda un bref instant ce qu'il pourrait obtenir de Lord Perenolde si jamais la visiteuse avait des informations précieuses. Peut être des terres dans le nord des highlands, ou encore le commandement de Stromgarde, où ses talents pourraient lui valoir un avancement plus rapide que dans ce fort de détrousseurs de caravanes.

Kateria trépignait à l'entrée. Elle avait voyagé longtemps pour retrouver les responsables de la destruction de sa ferme et l'attente lui semblait interminable. En plus, les enchantements de l'armure étaient si puissants qu'ils lui donnaient la bougeotte... Elle avança d'un pas vers l'un des deux gardes postés près de la herse... Les deux gardes la regardèrent avec insistance. Elle avança d'un autre pas, et ils posèrent leurs mains sur les pommeaux de leurs épées, prêts à les tirer de leurs fourreaux. Kateria retira son casque, dénoua l'attache de sa queue de cheval, et une cascade de cheveux d'or se répandit sur ses épaules... Et de ses yeux marrons soulignés par des tâches de rousseur, elle se mit à les fixer l'un après l'autre, affichant un sourire mystérieux.... Et son sourire s'agrandit quand elle lut l'inquiétude s'emparer des traits de leurs visages blancs... Elle se sentait d'humeur féline et jouait avec leurs pelotes de nerfs. Son corps vibrait sous l'intensité des enchantements et des bénédictions, alors elle posa son sac à dos et commença à s'étirer avec souplesse malgré le port de son armure lourde... Tel un être de métal en fusion, elle adopta plusieurs postures pour mieux canaliser les énergies qui l'animaient. Les deux gardes semblaient écrasés par le poids de leurs cottes de mailles et leurs visages rougeauds étaient médusés...
"Bonjour. Jailor Eston, commandant de ce fort. On me dit que vous avez des informations à me transmettre?"
Kateria était visiblement déçue, elle s'attendait à rencontrer Lord Perenolde...
"C'est tout l'inverse en fait... où est Lord Perenolde?", prononça t-elle d'un ton impérieux...
"GARDES!"

Kateria perdit son sourire qui laissa la place à un masque de concentration totale... Elle lança un sort de repentir sur le commandant et consacra le pont....Les deux gardes tentèrent une attaque coordonnée qui les conduisit dans les douves... Dans le fort, plusieurs trompettes retentirent à quelques instants d'intervalle... Les baraquements se vidèrent et le donjon s'anima brusquement... Des dizaines hommes d'armes s'approchèrent de l'entrée et des archers prirent position sur les tours et les remparts. Kateria remit hâtivement son casque et s'arma de son bouclier qu'elle plaça de manière à éviter les projectiles... Elle courut sous la porte, rendant les archers inutiles, et commença à affronter les vagues de gardes sur le sol qu'elle consacra également...

"Illumine...."

Son esprit et son corps entrèrent en résonance avec la Lumière et elle devint une muraille impénétrable, une impasse pour tous les furieux qui s'en prenaient à elle... La terre consacrée se crevassa et la lumière jaillit, aveuglante, divine.

"Elimine!"

Un peu plus tard, elle essuya machinalement son épée et son bouclier contre les corps tombés à terre, et tout en pensant qu'elle ferait mieux de s'étirer pour éviter les courbatures, elle vérifia l'état de Jailor Eston... Il était mort transpercé par les flèches de ses propres archers! Kateria soupira et s'approcha du cadavre...
"Que la Lumière me pardonne de ressusciter ce criminel... c'est pour la bonne cause."
Elle commença l'incantation, et après quelques longues secondes, l'âme de Jailor Eston regagna son corps guéri des blessures mortelles...
"GARDES!", s'exclama Kateria. "Vous êtes un rapide vous, mais comme vous pouvez le constater, vous commandez maintenant un cimetière."
"Vous êtes malade!!!"
"Je suis une paladine, j'élimine le mal. Normal non?"
"Mais ces hommes... Vous ne savez rien du Syndicat!"
"A vous de m'en dire plus, et surtout où est votre chef!"
"Le Syndicat réunit les nobles de l'ancien royaume de Lordaeron, abandonnés par Stormwind... vous avez éliminé une partie de la population, des pères, leurs fils... Ils ne cherchaient qu'une chose, retrouver leurs terres et rebâtir une nation!"
"En brûlant MA ferme qui est à l'autre bout du continent?"
"Euh, tous les moyens sont bons pour affaiblir le pouvoir de Stormwind..."
"Et *négocier*, ça vous dit quelque chose comme mot?"
"Ca n'a jamais... fonctionné."
"Jailor, c'est assez. Où est Perenolde?"

Jailor Eston jaugea la paladine, envisagea un mensonge, puis se ravisa en se rappelant qu'il venait de décéder. Mieux valait ne pas trop forcer sa chance.
"Il est près du cratère de Dalaran, dans un manoir proche du lac de Lordaeron...
"Voila, on y arrive! Et maintenant, que faire de vous, commandant?"
"Euh, je suis déjà mort une fois..." dit Jailor avec un regard de chien battu.
"Ce qui suffit à la plupart des gens, n'est-ce pas?", ironisa Kateria.
Jailor acquiesça silencieusement, attendant que justice soit rendue par la paladine.

La paladine s'approche de lui, une main tendue vers sa gorge... Il ferma les yeux, comprenant qu'il allait mourir pour de bon... L'image du vortex des âmes qu'il avait entr'aperçu plus tôt s'imposa derrière ses paupières closes... La paladine réalisa une imposition des mains sur Jailor, restaurant instantanément ses forces et guérissant ses dernières plaies.
"Ca ne ressemblait pas à ça la dernière fois..."
"Marche Jailor, marche..."

Jailor la conduisit au manoir en évitant les patrouilles... La nuit était tombée quand Kateria lui rendit sa liberté. Elle élimina rapidement et en silence les gardes postés dans les jardins et elle bloqua toutes les portes du manoir avec du matériel agricole. Elle fixa la flamme de la torche qu'elle tenait dans ses mains jusqu'à ce que ses yeux secs n'en puissent plus... Puis elle jeta la torche sur le toit de chaume qui s'embrasa, illuminant les environs. Des cris se firent entendre à l'intérieur du manoir, des coups brutaux retentirent contre les portes bloquées...
Kateria élimina quelques patrouilles voisines attirées par le feu... La plupart de ses victimes n'avaient même pas dégainé leurs armes, fonçant directement vers le puits.
A l'étage, des volets battirent contre les murs de pierre. Le fracas des vitres cassées s'entendit à peine au milieu du brasier. Un homme sauta et s'écrasa au sol, se mettant à gémir en tenant sa jambe droite... Kateria l'identifia à sa chevalière, le blessé était Lord Perenolde, l'homme par lequel les actes de barbaries s'étaient répandus dans les royaumes de l'Est.

"J'ai mal, à l'aide... Ma femme et mes filles sont à l'intérieur...", supplia l'homme gisant.

Kateria leva le regard vers le manoir. "Puissent-elles aller dans la Lumière." pria t-elle.

"Vous ne ferez donc rien??", s'exclama Perenolde.
"Si, un exemple. Quiconque terrorise le peuple expose sa vie et celle des siens."
"Monstre! Vous êtes donc la responsable de tout ceci... Mes enfants! Ma femme!"

Alors qu'il prononçait ces mots, l'épée de Kateria descendit vers sa gorge et la transperça. Kateria, illuminée par les flammes dansantes, le visage rouge et en sueur, les yeux douloureux, regardait les bouillonnements du sang qui s'échappait et formait une flaque noire au sol et écoutait les gargouillis presque inaudibles de l'homme. Le toit du manoir s'effondra et la vie quitta Perenolde, comme elle avait quitté sa famille, ses gardes et son armée.

Kateria resta jusqu'au petit matin devant le brasier qui semblait ne pas vouloir s'éteindre. A plusieurs reprises, des gardes à la solde du Syndicat se présentèrent essoufflés, et elle jeta leurs cadavres au feu purificateur. Avec un morceau de charbon, elle traça deux bandes noires de ses yeux jusqu'au milieu de ses joues, telles des larmes de lave durcie. Dans son armure noircie par les cendres, elle reprit la route, se demandant l'espace d'un instant à qui l'archétype du mal pourrait bien vendre son âme si l'envie lui prenait. Ses pas la menaient à présent dans les glaces du Norfendre, l'appel aux armes était placardé dans tous les villages qu'elle avait traversés.
Kateria décida de passer par les hautes terres d'Arathi pour rejoindre le port de Ménéthil. L'aube pointait et les étoiles s'estompaient de la voûte céleste. L'esprit de Kateria était encore en proie aux flammes qu'elle avait chargées d'accomplir un sacrifice sur l'autel de la justice. Elle marchait sans vraiment penser à la fatigue... Plusieurs choses attirèrent son attention : un bruit de moteur... qui lui fit scruter le ciel où elle aperçut des petits points noirs...
« Qu'est-ce que c'est encore ? ».

Son sens inné de la présence des morts-vivants lui indiqua que les points noirs étaient probablement des gargouilles... et elles poursuivaient la machine volante... Cette dernière se rapprochait dangereusement du sol...

L'équipage de la machine s'éjecta et ouvrit les parachutes le plus tard possible. Quelques dizaines de secondes plus tard, la machine explosa au contact du sol. Peu après, ils arrivèrent au sol avec une vitesse encore trop importante. Le choc les fit rouler à terre. Varenka se releva péniblement et essaya de rassembler ses esprits... Tleilax était étalée sous le parachute, et le gobelin était déjà en train de s'éloigner. Varenka leva les yeux. Le ciel était devenu noir et le bruissement des ailes devenait de plus en plus fort.
« Par les Eredars... »

Elle se sentait perdue. Peut-être était-ce la fin. Comment peut-on tenir seule, sans armes et sans armure face à une armée ? Et sa soeur, qui prendrait soin d'elle ?

« Hé ! Par ici ! »
Varenka regarda en direction de la voix qu'elle venait d'entendre. Une humaine arrivait en courant dans sa direction.
«Kateria. Je peux vous aider? »
« Varenka. Ma soeur Tleilax est sous ce parachute. »
Mais déjà, l'ennemi était au sol et les encerclait, se rapprochant peu à peu.
« Reste à côté de moi. ».
Kateria plaça une bénédiction de puissance sur la guerrière et sur elle-même. Varenka rugit. Le cri de guerre galvanisa les deux combattantes. Une gargouille trop pressée fondit sur elles. Un éclair sacré jaillit de la main droite de Kateria et atteignit la gargouille qui fut repoussée et se mit à essayer de fuir, finissant piétinée par ses congénères.

« Lumière... »
Kateria consacra la terre par son énergie sacrée et débuta l'incantation d'un sort. Les gargouilles se précipitèrent sur les combattantes. Les morts-vivants crièrent de douleur lorsqu'ils atteignirent la terre consacrée, mais ils continuèrent à avancer. Kateria libéra une vague d'énergie divine. Les premiers rangs de gargouilles furent réduits en cendres, mais ils furent remplacés rapidement.
« Colle-toi à moi ».
Varenka étreignit la paladine. Un halo sacré les entoura et leur conféra une immunité divine. Les griffes des gargouilles tentaient de les atteindre. Seules sur un ilôt au milieu du chaos, Varenka et Kateria se regardaient dans les yeux. Kateria se rappela un rêve qu'elle avait fait récemment, mais la fin serait différente cette fois.

« Par la puissance des arcanes ! Brûle par le feu sacré, Fléau, brûle et cesse de ravager nos terres ! Arthas, prince indigne, montre toi ! »
Tleilax était debout, transfigurée par une puissance supérieure et protégée par un bouclier magique. Des boules de feu jaillissaient de ses mains, et elle déclenchait des vagues explosives en chaîne.
« Votre corruption est... infecte. Brûlez encore ! »

Les gargouilles échouèrent à pénétrer ses défenses et une odeur de chair brûlée envahit l'atmosphère. Très rapidement, le champ de bataille devint un charnier. Kateria et Varenka se dégagèrent lentement de leur étreinte, sous le choc, et observèrent Tleilax se diriger vers elles avec un sourire chaleureux.
« Je suis Antonidas, archimage du Kirin'Tor. Vous êtes saines et sauves. »
« Euh... merci... Mais... vous êtes Tleilax, ma soeur. »
« Oh ». L'archimage s'inspecta et son sourire se décomposa. « Alors je ne suis plus qu'un esprit. »
Antonidas était un héro de la guerre contre le Fléau, mais il avait péri lors de la défense de Dalaran contre Arthas. Sa sagesse et ses pouvoirs étaient légendaires.
« L'esprit de votre soeur n'est plus dans ce corps. » Il parut réfléchir un moment. « Tant d'esprits défunts cherchent à la posséder. Qu'a t-elle fait pour ouvrir un tel canal avec l'au-delà ? »
« Elle a attaqué Lordaeron, la capitale des réprouvés pour me libérer. »
Kateria eut un hoquet de surprise. Lordaeron était une place forte où fourmillaient les armées ennemies... S'y attaquer relevait du suicide. Ces deux draenei avaient de la ressource...
« Je vais essayer de faire revenir son esprit. Je suis sûr qu'il n'est pas très loin, il doit vous surveiller. »
Un loup aboya au lointain. Antonidas eut un léger rire.
« Comme je le disais, elle n'est pas loin. Je vais renvoyer ces esprits dans leur univers, puis lui rendre sa place. Cette époque n'est plus la mienne. Mesdames. »
Il fit un baisemain aux deux combattantes, puis rentra en transe.
Plusieurs minutes s'écoulèrent.
Tleilax chancela soudain, et serait tombée si Kateria et Varenka ne l'avaient pas soutenue.
« Oh... »
« Tlei ! C'est bien toi ? »
« Oui... J'ai réussi alors.»
« Tu es la meilleure ! Merci du fond du coeur. » Tandis que Varenka serrait sa soeur, elle lui présenta Kateria.
« Voici une paladine courageuse, sans elle nous ne serions plus là. »
« Mmh ça je ne sais pas... mais je suis heureuse de vous voir réunies. », dit Kateria.

Le soleil irradiait maintenant les prairies d'Arathi et diffusait une chaleur agréable tandis que les trois héroïnes se dirent au revoir et, qui sait, à bientôt.
Kateria reprit la route du Norfendre, pas vraiment sereine. Elle aurait pu mourir aujourd'hui, et hier aussi. Les lendemains semblaient faits du même bois.
Elle participa au débarquement du corps expéditionnaire sur les terres enneigées... Ce monde était laid, fait des tripes, de sang, de membres broyés...Sautant du bateau, elle commença presque instinctivement à canaliser des soins en direction des soldats qui tentaient déjà de combattre les hordes de goules et d'abomination. Elle enchaînait les incantations, dépassant ses limites pour soigner toujours plus vite, toujours plus de soldats mais ils tombaient, remplacés par d'autres... Elle était dépassée et les autres guérisseurs soutenant les troupes échouaient lentement dans leur mission.

Soudain, elle échoua à lancer ses soins. Ses cibles mouraient trop vite pour qu'elle arrive à achever ses incantations... Sa concentration avait faibli insensiblement jusqu'à atteindre un point d'épuisement sans retour... Alors, lasse de réfléchir, elle saisit son épée et son bouclier et se jeta dans la mêlée à quelques dizaines de mètres de sa position précédente. Les soldats devant elle tombèrent assez vite et après quelques instants elle se retrouva au contact des horribles morts-vivants. Elle commença à se battre mécaniquement, mais plusieurs attaques dangereuses provoquèrent des décharges d'adrénaline dans son organisme et elle se battit avec l'ardeur de tout son instinct de survie...

L'univers semblait grouiller de ces monstruosités, rampantes, volantes, humanoïdes, minuscules, géantes... La non-vie était riche de variations infinies et chacune était mortelle... Kateria savait que tôt ou tard, elle succomberait... D'un coup de hache, d'une piqure d'insecte, d'un nuage de poison, d'un soldat du front retourné contre ses frères d'armes...
Elle se battait comme une lionne, mais les heures passaient et quand la nuit tomba, elle sut que ses chances de survivre dans l'obscurité allaient devenir nulles. La Lumière les avait abandonnés sur les glaces ruisselantes du sang des croisés...

Une partie de son esprit était rompue au combat et continuerait à enchaîner attaques et parades jusqu'à ce que ses muscles claquent. Ce qui était nouveau et ce dont elle ne se rendit pas vraiment compte, c'est qu'une autre partie de son esprit avait vagabondé pendant la journée et avait construit une chapelle imaginaire, pierre de rêve par pierre de rêve. Et, alors que le combat faisait rage, une partie de Kateria se retira à l'intérieur d'elle-même, dans ce sanctuaire où elle était seule et calme.

La chapelle était riche d'un solennel silence ; quelques bougies couvraient les pierres rudes d'une lueur chaude. Un simple autel et quelques chaises complétaient le tableau... Kateria méditait, abandonnant son corps à ses instincts de survie déchaînés. Le temps s'écoulait lentement... puis il s'arrêta. Kateria sentit que quelque chose s'était passé, mais elle ne parvenait plus à sortir de la chapelle... Il manquait une porte, et, paniquée, elle échouait à se concentrer suffisamment pour en créer une. Alors elle força ses yeux à se fermer, crispa ses poings, sentit un afflux de sang dans son visage... Et elle ouvrit brutalement ses yeux... pour apercevoir le ciel zébré d'éclairs... Elle était dans un charnier. Et ce charnier s'empara d'elle...
Le ciel était sombre et balafré d'un vortex dirigé vers l'infini. Kateria hésita un instant, et conclut tristement qu'elle était morte. Elle regarda autour d'elle et rencontra le regard étincelant d'un gardien des âmes qui l'étudiait. Le gardien finit par briser le silence.

"Je suppose que vous voulez une résurrection, comme vos amis? Vous êtes la dernière."
"Un instant s'il vous plait."

Kateria essayait de se remémorer les circonstances de son décès. Elle arrivait peu à peu à percer les brumes qui recouvraient les évènements récents. Pendant qu'elle suivait du regard le mouvement en spirale du vortex, la mémoire lui revint. Ils s'étaient battus en débarquant sur les terres du fléau... Le corps expéditionnaire avait rencontré une résistance massive de la part des morts-vivants des premières terres.

Puis cette chose abominable, cet être recousu à partir de chairs putréfiées et au ventre ouvert, s'était jetée sur les survivants. Championne de la lumière en ces terres désolées, Kateria, avait instinctivement lancé un exorcisme sur le monstre pour attirer son attention. Son ennemi lui infligeait des dégâts terribles, mais des soigneurs parvenaient à la maintenir en vie en canalisant leurs soins en permanence. Malgré la douleur, elle continuait à enchaîner du mieux possible ses attaques physiques, ses sorts sacrés offensifs et ses mouvements défensifs. Puis c'est arrivé. Cette chaîne immense, ces tonnes de métal corrodé avec lesquelles la créature impie tentait d'éliminer ses assaillants sur les côtés, s'abattit de plein fouet sur la paladine. Elle fut projetée au sol et baigna immédiatement dans le sang coulant de la plaie béante entre son épaule et son cou. Elle expira peu après, les yeux encore ouverts sur un massacre ineffable.

"Mais pourquoi... Nous étions prêts pourtant... enfin je crois..."
"Prêts à mourir, et vous avez réussi."
". . ."

Kateria se revit en train d'inspecter le corps expéditionnaire sur le bateau. Ils avaient fière allure, dans leurs armures brillantes et leurs visages éclairés par les nombreuses bénédictions reçues. Certains manquaient de temps et de ressources pour améliorer ces pièces d'armure avec des enchantements et des pierres précieuses aux propriétés magiques. D'autres n'étaient pas habitués à travailler en équipe. Mais l'enthousiasme général avait aveuglé la paladine. Le gardien des âmes avait raison, ils avaient été téméraires et l'avaient payé de leur vie. Pourtant la lumière leur donnait une nouvelle chance de vivre. Mais pour quoi faire?

La lumière entoura son corps, puis illumina l'univers infini. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle était à une faible distance du lieu où elle avait péri. Une partie du corps expéditionnaire attendait dans un campement décrépit, démoralisée...Kateria détourna le regard et partit vers le bateau encore intact. Elle aurait voulu rester, mais c'était du suicide, même avec toute la puissance de la lumière. Et ce jour-là, elle n'aurait pas su dire si elle avait raison ou tort, mais elle savait qu'elle avait été vaincue.
Kateria tentait de discerner la séparation entre l'océan et le ciel. Mais ses yeux marron ne voyaient que du gris. Le temps passait lentement, comme les marchandises que les dockers amenaient sur les bateaux.
« La bourse ou la vie... », chuchota une voix derrière elle.
Elle tarda à réagir et sentit la pression d'une lame contre sa gorge.
« Allez! »
Légèrement ennuyée, elle invoqua une invulnérabilité temporaire, saisit de sa main gauche l'épée courte de l'agresseur et de l'autre main agrippa le poignet de ce dernier. Avec un léger mouvement en avant, elle fit basculer l'homme au dessus d'elle.
« Eh! »
Elle poussa un léger grognement.
« Oh! »
Kateria relâcha sa prise et observa l'homme détaler en direction de la ville.

Des enfants jouaient sur la jetée. Ils faisaient un peu trop de bruit et Kateria dirigea son attention vers eux. Une petite fille était prise à partie. Des enfants lui avaient pris quelque chose et se le faisaient passer pour l'embêter. Elle courait de l'un à l'autre en étendant la main. Ses efforts rendaient les autres enfants hilares et ils rivalisaient d'imagination pour tromper la gamine. Kateria se mit debout, épousseta machinalement son armure, et alla sur la jetée. Les enfants la virent arriver, et l'un d'eux, déconcentré, échoua à rattraper l'objet qui partit dans l'eau. Ils se regardèrent rapidement puis filèrent sans demander leur reste. La petite fille était agenouillée et pleurait en regardant l'eau.
« Oh non... Pourquoi vous avez fait ça... Mon repas est dans l'eau salée maintenant...», renifla t-elle.
« Tiens prends ces pièces et va t'acheter à manger. »
« Oh. » La fillette ramassa l'argent, tira la langue et courut vers la ville.
Kateria soupira et se dirigea à son tour vers la ville.

Il était plus de midi et le soleil n'avait toujours pas percé la grisaille. Elle partit déjeuner dans une auberge du quartier des mages. Quelques tables étaient occupées. De grandes tentures pourpres et quelques chandeliers muraux faisaient office de décoration. Kateria commanda un verre d'hydromel et le plat du jour à une serveuse quelconque. Elle regardait la salle et évitait d'observer les autres clients, parce que c'est impoli. Elle jouait avec sa fourchette lorsqu'un cri vint de la cuisine. Ses sens en alerte, elle bondit vers la cuisine où une présence mort-vivante était détectable. Quand elle ouvrit la porte, elle fit face à un zombie et lui lança instantanément un exorcisme. Le zombie tomba raide mort.
« Hey! Vous avez tué le vieux Louis! », s'écria un cuistot qui tenait un chiffon ensanglanté contre son avant bras.
« Quelle cruauté! », s'exclama une cliente juste derrière elle.
« Les morts aussi ont le droit d'exister et de travailler! », renchérit un autre client.

Kateria marqua un moment de pause, tentant de comprendre la situation. Le zombie était habillé comme le cuistot.
« Oh... Je croyais que... »
« Dégagez de mon établissement, stupide fanatique! »
« Il faut saisir l'autorité contre la discrimination des non-morts! »
« Mais dans quel monde vit-on... »
Kateria ramassa son sac et sortit de l'auberge.
Kateria se réveilla. Elle réalisa qu'elle ne pouvait pas bouger. Ses yeux ne pouvaient voir que le plafond blanc avec un plafonnier trop lumineux. Aux extrémités de son champ de vision, semblaient avoir été disposées des bandes noires. Soucieuse, elle tenta de replacer les derniers événements dans l'ordre.

La veille, elle avait pu chasser un agresseur, remplacer le repas d'une jeune fille insolente et enfin se faire remarquer dans une taverne en essayant de sauver le personnel d'une attaque de morts-vivants... Les événements suivants restaient encore flous... Elle essaye de se concentrer, et la suite de sa journée lui revint peu à peu en en mémoire. Elle avait décidé de se rendre à la cathédrale de Stormwind. Le ciel commençait à s'éclaircir et la cathédrale éclairée par quelques rayons de soleil était un spectacle grandiose et touchant.

En entrant dans la cathédrale, elle contempla les oeuvres d'art qui couvraient les murs du vestibule. Elle avait déjà remarqué l'une de ces oeuvres d'art, qui lui semblait familière. Elle se demandait d'ailleurs si le modèle n'était pas quelqu'un de sa famille. Le nom du peintre ne figurait pas sur la toile. Et elle savait déjà, grâce à la complicité d'un garçon de choeur, que rien n'était indiqué au dos de la toile. Kateria s'orienta vers le choeur en traversant la nef. Sur les côtés, elle reconnut plusieurs visages familiers. Au fond de l'aide de gauche, elle aperçut l'un des maîtres instructeurs des paladins. Elle lui fit un petit signe mais il ne semble pas la remarquer, étant absorbé dans sa conversation avec une jeune recrue.
Près de l'autel se tenait l'évêque Bénédictus. Kateria se rendait près de lui lorsqu'elle ressentit plusieurs présences morts-vivantes de faible intensité. Échaudée par sa mésaventure à la taverne, elle décida de ne pas agir précipitamment.

« Mon père, je vous salue. »
« Bienvenue ma fille, la cathédrale de la lumière se réjouit de t'accueillir. Va dans la lumière.»

Kateria esquissa quelques gestes dévots en réponse à la bénédiction. L'évêque lui sourit et porta son attention à d'autres visiteurs. En faisant semblant d'admirer les oeuvres d'art exposées à la gloire de la lumière, Kateria rejoignit petit à petit l'entrée des escaliers qui se situaient au fond de la cathédrale. Elle se glissa à l'intérieur sans se faire remarquer. Elle se dirigea ensuite vers les niveaux inférieurs de la cathédrale, guidée par sa perception divine des morts-vivants. Elle ne croisa personne, ce qui était plutôt pour lui plaire car les niveaux inférieurs étaient connus pour abriter un des rites de passage de la confrérie locale des démonistes. Elle avait déjà passé une journée suffisamment pénible pour ne pas avoir envie de croiser un gangregarde ou un chasseur gangrené. Bien sûr, sauf cas exceptionnel, les démons ne l'inquiétaient pas tant que ça. Elle avait eu de nombreuses occasions de parfaire ses talents d'exorciste.

Plusieurs cages se trouvaient au centre d'une pièce aux murs épais et suintants d'humidité. Kateria s'avança vers ces cages pour les examiner. Elle savait que les présences morts-vivantes y étaient enfermées. Horrifiée, elle se rendit compte qu'il s'agissait de zombies décharnés. Un pareil sacrilège dans les sous-sols d'un lieu sacré lui paraissait totalement absurde.

Kateria revint à la nef principale de la cathédrale. Elle devait être particulièrement livide, car l'évêque, se rendit compte que quelque chose n'allait pas et fit signe à ses disciples d'emmener la paladine dans un bureau au calme. Kateria se laissa conduire et accepta la flasque d'eau de vie que lui présentait l'un des disciples. L'évêque demanda à lui parler en privé. Les disciples quittèrent la salle qu'ils fermèrent derrière eux.

L'évêque demanda alors :
« Vous avez l'air troublé mon enfant. »
« Ne vous moquez pas de moi, j'ai vu ces zombies emprisonnés. Je ne vous laisserai pas faire, je me rends immédiatement auprès du roi. »
« Ah. Ah. Ah. », déclara posément l'évêque. « Vous n'irez nulle part. »
« Vraiment? » Kateria tenta de bousculer l'évêque pour se frayer un chemin vers la sortie de la pièce. L'évêque agrippa son bras et parvint à la retenir. D'un coup de pied sec, la paladine projeta l'évêque. Il tomba contre un meuble, et le choc fit chuter un candélabre dans un vacarme terrible et un peu de sang se mit à couler de la tempe de l'évêque. Aussitôt, la porte s'ouvrit et plusieurs hommes d'église pénétrèrent dans la pièce. Ils constatèrent la scène.

L'évêque, l'une des personnalités les plus importantes du royaume, était à terre, visiblement blessé. À côté de lui se tenait la paladine, qui avait encore une bouteille d'eau de vie à la main. Kateria, comprenant qu'elle était tombée dans un piège, activa son bouclier de protection divine pour sortir précipitamment de la salle en bousculant les hommes d'église, traversa la nef puis le hall d'entrée. Sur la place, elle prit la direction du port et courut aussi vite que possible pour prendre le premier bateau en partance.

Elle n'avait aucune intention de prendre le risque de confronter l'évêque devant les autorités. Elle était quasiment certaine que les zombies tout comme les cages avaient déjà disparu. Toute preuve effacée, elle n'avait aucune chance de convaincre le roi, et le piège jouerait en sa défaveur.
La Garde ne semblait pas être sa poursuite. Quelques passants l'observaient avec des yeux ronds.

Le premier bateau prêt à appareiller était pour Gadgetzan. Elle paya sa place pour la traversée et s'installa dans une cabine. Dans sa couchette, elle but une rasade de l'eau-de-vie. Elle allait en prendre une deuxième lorsqu'elle se ravisa : et si cette flasque était empoisonnée?
Mais il était trop tard. Elle ne put même pas purifier son corps de l'effet du poison, la course effrénée dans les rues de Stormwind avait propagé les toxines dans tout son organisme bien au-delà du seuil de guérison personnelle. Et nul prêtre, heureusement, n'était dans la cabine pour la soulager. Elle perdit connaissance.

Kateria était toujours dans cette pièce étrange, où elle ne pouvait pas regarder sur les côtés, et dont le plafond l'éblouissait. Elle avait soif.
Après ces quelques minutes à se remémorer ce dont elle se souvenait, elle comprit qu'elle devait être en bien mauvaise posture. Elle tenta de bouger, mais aucune partie de son corps ne lui obéissait si ce n'est son visage et les muscles du cou. Une porte s'ouvrit, et un gnome apparut devant son visage. Il portait plusieurs outils, certains dans ses mains, d'autres dans les poches de son bleu de travail. Le gnome était souriant, Kateria voulu lui parler mais en fut incapable. Elle ne pouvait pas voir les yeux du gnome, cachés derrière des lunettes à souder. Un instant plus tard, le gnome sortit de son champ de vision et s'affaira dans la pièce avec ses outils mécaniques, lesquels faisaient des bruits divers mais jamais rassurants.
Après un temps infini, le gnome redressa le plan de travail sur lequel Kateria était installée.
« Bien, il est temps de remplir le réservoir avec ce carburant Gobelin.»
Kateria tenta de répondre, ou en tout cas de prononcer une parole. Peine perdue, elle n'avait toujours pas récupéré le contrôle de son corps. Ses yeux néanmoins parlaient pour elle et fixaient le gnome avec une intensité rare. Le plan de travail maintenant à la verticale, Kateria pouvait observer la scène. Elle vit le gnome récupérer un jerrycan au fond de l'atelier. Elle connaissait la marque indiquée sur le bidon : c'était celle qui est utilisée pour les fusées de la zone X. 52.

Elle vit avec inquiétude le gnome revenir vers elle et approcher le bec verseur de ses côtes. Ce gnome était en train de verser du carburant dans son corps! Kateria tentât de grogner, en vain, et ne put qu'assister impuissante à cette scène. L'entièreté du contenu du jerrycan était versée, petit à petit, dans son corps, jusqu'à la dernière goutte. Le gnome reposa le jerrycan. Il s'essuya le front avec un torchon couvert d'huile, qu'il replaça ensuite nonchalamment sur son épaule. Il se déplaça alors derrière la paladine et un déclic se fit entendre. Soudainement, Kateria regagna l'usage de ses membres, et s'exclama :
« Mais qu'est-ce que c'est que ce bazar ! »
« Bien, vous parlez! Le dernier sujet n'avait pas cette chance. »
« QUOI ? »
« Arrêtez de crier ou je vous débranche! », ordonna le gnome. Les yeux illuminés, il commença alors à raconter l'histoire. « Eh bien c'est une longue histoire mais je vais faire court : le bateau que vous avez pris a été attaqué par des pirates. Ils ont revendu la cargaison dans un port franc, et vous faisiez... humm... partie des marchandises. Je vous ai donc achetée pour mes expériences. »
Le gnome sortit son tournevis et procéda à un réglage. Kateria baissa les yeux, et les ferma aussitôt.
« Tiens j'avais oublié de visser ça. »
« Oh noon... »

Kateria rouvrit les yeux. Le gnome semblait fier de lui.
« Ca n'a pas été facile, vous savez! J'ai du m'entraîner longtemps pour arriver à ce niveau! Imaginez que j'ai du rebrancher la plupart de vos connexions nerveuses à la main! »
Kateria eut un haut le coeur. Un goût affreux lui vint au palais, et elle cracha.
« Un peu d'huile, j'ai du en verser au mauvais endroit! »
Kateria le fixa méchamment et essaya de faire un pas en avant. Elle trébucha immédiatement en jurant.
« Il va vous falloir un peu d'adaptation, votre cerveau n'a pas encore appris à se servir des servomoteurs. Enfin je considère que cette phase de l'expérience a réussi : vous avez survécu! Je savais que vous aviez du potentiel. »
« Je vais vous laisser seule un instant pour que vous vous familiarisiez avec votre nouvel organisme. Vous n'irez pas loin de toute façon, le carburant sera consommé d'ici une dizaine de minutes. »

Le gnome enjamba le corps, nu, à terre et sortit de la pièce. Kateria commença à paniquer. C'était n'importe quoi, vraiment dans la lignée de la journée précédente. Elle était tombée à plat ventre et avait encore du mal à bien se rendre compte de ce que le gnome avait fait subir à son organisme. Elle se concentra sur sa main droite, qu'elle arriva à voir en tordant un peu la tête. La peau avait un aspect synthétique qui lui donna un nouveau haut le coeur.

Très laborieusement, elle arriva à faire bouger ses doigts un par un. Avec effroi, elle constata que tous ces mouvements étaient très mécaniques et bruyants. Elle procéda ainsi pour tout son bras, et enchaîna sur le bras gauche. Une fois les deux bras utilisables, elle tenta de soulever son torse. C'était très difficile, il lui semblait qu'elle pesait une tonne. Elle arriva à rouler sur le côté, une odeur d'essence lui chatouilla les narines. Le gnome avait probablement mal revissé le bouchon du réservoir, ce que Kateria confirma en palpant ses côtes avec ses mains. Elle serra le bouchon et reprit ses tentatives pour obtenir le contrôle de ce corps, son corps.

Kateria n'arrivait pas à croire à ce qui lui arrivait. Elle fit une prière rapide et constata qu'elle pouvait toujours accéder à la Lumière. Elle commença alors à réaliser un examen approfondi. Sa structure osseuse et ses muscles avaient été remplacés par des équivalents mécaniques motorisés, alimentés par un circuit d'essence, et dotés d'un circuit de refroidissement. L'ensemble avait été recouvert d'une sorte de peau synthétique de mauvaise qualité, qui était déjà déchirée à plusieurs endroits et était totalement absente sur le torse. Ses organes vitaux avaient été conservés, mais étaient sur le point de cesser de fonctionner.

Elle déchira l'essentiel de la peau synthétique qui la couvrait et se concentra alors, faisant appel à toute sa volonté de vivre pour commencer à guérir les organes les plus touchés. Elle parvint à stopper plusieurs foyers d'infection. Le gnome avait dit vrai, ses terminaisons nerveuses avaient été reliées au squelette de métal. C'était du génie. Pour autant, elle réalisa assez vite que le travail avait été bâclé. Le gnome cherchait uniquement à prouver que son concept était viable. Une preuve de concept.

Kateria essaya de maitriser sa colère, et continua à canaliser les soins. Elle s'efforça de limiter les rejets en bénissant la chair qui lui restait encore. Ce peu d'humanité resterait sain, foi de sainte. Elle commença à faire quelques pas maladroits, quand elle se rendit compte que son carburant était presque épuisé. La motorisation commençait à peiner, alors elle décida de rester en station debout, immobile. Elle eut un soudain élan de compassion pour tous les automates des champs de la Marche de l'Ouest qu'elle avait désactivés dans le passé.

Le gnome entra dans la pièce, et constata que la paladine avait réussi à se relever et donc à contrôler les mouvements de son nouvel organisme.
« Bravo ! », s'exclama t-il, « cette expérience est vraiment un succès, d'ordinaire les sujets ne regagnent pas leur capacité de mouvement si rapidement! Par contre vous avez enlevé toute cette belle peau que j'avais eu tant de mal à agrafer! »
« Espèce de taré! »
« Eh! Je serai bientôt arrivé à mes fins. Vu que vous avez survécu, je pense que je vais m'entrainer sur vous pour la dernière étape.»
« Quelle dernière étape ! »
« L'Immortalité de l'esprit voyons! Je vais transférer votre conscience dans ce module. »
Il secoua alors une petite boîte métallique devant la paladine. Il commença à s'approcher.
« Ça risque de piquer un peu. »
Kateria utilisa le peu de carburant qui lui restait pour saisir le gnome par la gorge et le soulever bien au-dessus du sol. Le gnome s'écria :
« Mais laissez-moi ! Ne vous rendez vous pas compte que vous allez accéder à l'immortalité ! »

Kateria serra un peu plus sur la gorge du gnome et celui-ci commença à suffoquer. Il essaya d'utiliser un de ses clés sur les boulons du bras mécanique de la paladine, mais il perdit connaissance avant d'avoir réussi à desserrer l'étreinte. Kateria resta immobile un instant, les maigres notions d'ingénierie dont elle disposait l'incitaient à limiter ses mouvements pour économiser le carburant. Elle identifia un autre jerrycan de carburant au fond de la pièce, près d'un casier métallique. Elle portait toujours le gnome à bout de bras, tandis qu'elle progressait lentement vers ce jerrycan.

La machinerie complexe qui lui permettait de se mouvoir commençait à peiner et à opposer une certaine inertie. Les moteurs se bloquaient un par un en raison du manque d'essence. Enfin arrivée, elle ouvrit le bouchon du réservoir avec la main droite et commença à verser le contenu du jerrycan à l'intérieur. Avec un mélange ambigu de satisfaction et d'horreur, elle sentit l'essence parcourir son corps pour alimenter les mécanismes. Elle tenait toujours le gnome, maintenant décédé, de sa main gauche. Le casier contenait plusieurs jerrycans d'essence. Elle estima qu'elle disposait au mieux d'une heure d'autonomie avec tout ce carburant. Elle plaça tous les jerrycans dans un grand sac de toile. C'était très lourd, mais la motorisation exécuta les mouvements sans problème. Kateria sortit du bâtiment avec son chargement. L'océan s'étendait devant elle, et derrière, le désert des Tarides. Elle essaya de soupirer, et cela n'eut pas le résultat escompté.
Un kodo broutait paisiblement dans les prairies des Tarides. Le soleil commençait à décliner, baignant le paysage dans une douce chaleur. Un bruit lointain se fit entendre. Le kodo releva la tête et la tourna en direction du bruit. Il continuait à mâcher les herbes hautes gorgées de soleil. Le bruit se faisait plus distinct ; il s'agissait d'une sorte de vrombissement. Le kodo écarquilla les yeux pour tenter de voir un petit peu mieux l'attraction du jour.

A côté de l'atelier du gnome Kateria avait trouvé une moto qu'elle avait décidé d'utiliser pour rejoindre le poste de l'alliance le plus proche, le fort Bael'Dun surplombant la carrière de Bael Modan, contrôlée par les nains.
La nouvelle Kateria, mi-machine mi-paladine, fonçait plein gaz sur la route du sud. Un kodo semblait la suivre du regard, mais elle le dépassa rapidement.

Deux gardes surveillaient l'entrée de la forteresse creusée dans la colline ocre. Kateria arrêta la moto à quelques pas d'eux. Le premier garde tiraillait sa barbe et l'autre se grattait l'oreille. La paladine descendit de la moto et effectua avec peine les quelques pas qui la séparaient de l'entrée. A présent les deux gardes avaient des yeux ronds.
« Salutations. Chevalier-capitaine Kateria, paladine de l'Alliance. J'ai besoin de soins... et de réparations.»
« Par Muradin ! Qu'est-ce qui vous est arrivé ? »
« Une rencontre malencontreuse avec un ingénieur gnome fou à lier. »
« Oh. Vous préférez un prêtre ou notre ingénieur en chef ? »
« Je vais me passer du prêtre. Conduisez-moi à l'ingénieur. »

Le chef ingénieur était en train de réparer la transmission de l'un des tanks à vapeur du hangar. Il vit deux paires de pieds entrer. L'une était habillée de solides bottes de montagnard, l'autre éveilla immédiatement son intérêt...
« Qu'est-ce que c'est ? », prononça t-il en glissant hors du tank. « Oh. ». Il dévisagea Kateria de bas en haut, puis de haut en bas.
Kateria avait renoncé à couvrir sa poitrine avec ses bras métalliques. Ils étaient glacials et puis elle était trop fatiguée pour être pudique.
« Repos soldat, je m'occupe de ça.»
« Ca ? », dit Kateria avec une voix lasse. « J'ai besoin de vous. Et je suis bien humaine. Même si j'ai besoin d'un mécanicien.»
« Comme vous dites ! » Il alluma un cigare, et exhala une bouffée de fumée.

« Et voila l'histoire... »
« Pfiou... Et vous voulez quoi exactement de moi? »
« Vous voyez, soit je passe de longs mois à régénérer mon corps en restant couchée comme un légume, soit j'essaye de faire au mieux avec ce que j'ai, en l'occurrence un gros tas de boulons qui pue l'huile, l'essence et les gaz d'échappement. »
« Je vois. Je vais voir ce que je peux faire. ». Le nain écrasa son mégot par terre.

« Alors voila le tableau. C'est indéniablement du travail de précision gnome. Par contre, comme vous avez pu le constater, le rendement de la motorisation est désastreux. Et l'ensemble est très fragile. »
« Que peut-on faire alors ? », demanda Kateria.
« Eh bien, avec plusieurs coeurs de magma et en modifiant la motorisation, vous devriez pouvoir vous passer de carburant et donc gagner une autonomie correcte, probablement quelques semaines. Evidemment, ça va coûter très cher. » Avec un grand sourire, il ajouta : « Mais vous polluerez moins !»
« J'ai de l'argent au Crédit de Stormwind. Une dizaine de milliers de pièces d'or. Ca devrait couvrir les frais. »
En disant ces mots, Kateria se demanda si son compte ne risquait pas d'être bloqué à cause de l'évêque. La banque était sensée être indépendante, mais à qui Kateria pouvait-elle encore se fier en ce moment ?
« Faites moi confiance, je vais envoyer des hommes à la bourse d'échange de Tanaris pour récupérer les pièces. » Il fit une courte pause pour allumer un nouveau cigare, et reprit : « Il faudrait également faire quelque chose pour la fragilité de la structure et de ses composants. Car vous n'allez pas rester inactive pendant les temps qui viennent, je suppose.»

Kateria repensa à sa fuite de Stormwind, à l'évêque, aux brigands qui avaient attaqué la ferme familiale, aux héros dont elle avait partagé les aventures... A l'avènement du roi liche dans les terres glacées du Nord dont elle avait échoué lamentablement... A la Horde qui menaçait partout les frontières. Aux morts-vivants qui pullulaient jusque dans les cuisines des tavernes. Elle pensa aux orphelins qu'il fallait protéger. Aux pirates qu'il fallait empêcher de vendre des jeunes femmes à des gnomes fous.
« Je suppose que c'est la destinée d'une paladine. », répondit-elle en soutenant le regard du nain.
« Par la barbe des titans, je vous crois ! Nous allons tremper la structure métallique dans un bain de thorium. Je n'ai pas le matériel ni le temps de fabriquer une nouvelle structure... On devrait pouvoir recouvrir l'ensemble avec des plaques de cobalt importées du nord. Je vais demander à notre forgeron de préparer les plaques sur mesure. Il devrait aussi pouvoir adapter une armure existante pour votre buste. »
« Parfait. »
« Néanmoins, sachez que l'ensemble va peser excessivement lourd. Evitez les marais... Ca me fait d'ailleurs penser qu'on devrait pouvoir ajouter quelques accessoires. » Il releva les yeux. « D'origine gobeline, pas gnome, si ça peut vous rassurer. Donc des trucs qui explosent. »
Il tendit un ouvrage à Kateria. « Consultez ceci, c'est un catalogue gobelin. Choisissez ce qui vous plait, il y a du choix, entre les bottes fusées et les lances roquettes. Dites-moi ce que vous voulez avant que j'envoie une équipe aéroportée à Tanaris. Oh, et pendant que j'y pense...»
Il se dirigea vers un établi au fond du hangar et ramassa un autre ouvrage. « L'ingénierie pour les nuls. Je vous le donne, pour votre culture. ». Il attrapa également un manteau long noir qu'il lui tendit. « Un voyageur a laissé ça, ça devrait être votre taille. Vous devez en avoir marre d'être dénudée comme un fil. »
« Merci, vraiment, je vous suis très reconnaissante... »
« Eh bien on n'a pas tous les jours la chance de voir des paladins mécanisés dans cette garnison. »

Un garde accompagna Kateria jusqu'au quartier des officiers où on lui installa un matelas à terre. Elle pesait bien trop lourd pour les couchettes... Une fois couchée, elle ferma les yeux et se concentra sur son corps. Elle invoqua la lumière et s'efforça de régénérer une partie de son épaule. Elle fut rapidement épuisée, et n'avait pu régénérer que quelques lambeaux de chair inutiles qu'elle arracha de dépit, provoquant un léger saignement.
C'était trop difficile. Elle manquait de repères. Elle n'avait pas réalisé à quel point créer était plus difficile que soigner. Il fallait penser à tout... Muscles, os, vaisseaux, nerfs... Elle avait envie de hurler. Deux larmes perlèrent au bord de ses yeux. Elle les ferma et serra le plus fort possible pour s'empêcher de pleurer. Animée de sanglots, la partie organique de son corps tressaillait. La partie mécanique restait immuable.

Elle trouverait de l'aide pour son corps, tout comme ce nain avait commencé à l'aider pour les sections mécaniques. Mais, pitié, pas l'aide de ces prêtres corrompus. Il faudrait qu'elle trouve un druide ou un shaman. Ou un traité de médecine. Elle aurait le temps d'apprendre. Après tout, elle était sauvée, provisoirement. Le flot de pensées finit par se calmer et elle trouva un sommeil perturbé.
Les gardes de l'Empereur observaient cette étrangère se mouvoir dans leur domaine, les profondeurs de Rochenoire.
«Halte là ! », interpella un lieutenant. Les regards inquiets de ses frères d'armes se braquèrent sur lui, et l'étrangère se retourna pour lui faire face.
« Vous ne pouvez pas continuer à traverser notre royaume comme cela tout le temps ! »
« Hmm.» Elle réfléchit un instant. « Vous pouvez toujours déménager ! »
Plusieurs gardes s'emparèrent du lieutenant et le retinrent par la force sous le regard de la paladine qui s'efforçait de contenir un sourire amusé.
« Lieutenant, ce n'est pas une bonne idée. Elle a éliminé tout le régiment des étages supérieurs la dernière fois qu'on lui a opposé une résistance. »
« Mais c'est indécent, que va-t-on penser de nous, les valeureux fidèles du seigneur des flammes Ragnaros, réduits à ignorer nos agresseurs sous prétexte qu'ils sont plus forts que nous ? Les Profondeurs sont-elles un moulin où l'on va et vient à son aise ? »
« L'Empereur lui-même a expressément demandé à ce que nous l'ignorions. »
Kateria écoutait la conversation. Elle n'avait pas tellement laissé le choix à l'empereur, qu'elle avait cloué à son trône par ses vêtements avec les armes rituelles de sa garde rapprochée.
« C'est bon, je peux y aller ? »
Ce n'était pas une question, et elle n'attendit donc pas la réponse. Ces cultistes étaient toujours aussi faibles que dans sa jeunesse, quand elle était venue dans ce domaine pour sauver un maréchal captif.
« Mais vous ne pourriez pas utiliser le cristal d'harmonisation qui est à l'entrée ? »

Kateria se tourna vers le nain noir qui avait posé la question. Il avait l'air brave et sa question était intelligente. Kateria commença à déboutonner son long manteau noir. Chaque bouton enlevé laissait apercevoir un peu plus de métal. Elle enleva habilement une plaque de métal qui couvrait ce qui aurait du être son abdomen et expliqua alors à la petite assemblée :
« Eh bien, j'ai peur de ne plus être complètement harmonisée ni harmonisable. »
Le nain observa un moment l'intérieur du corps et grimaça.
« Qu'est-ce que vous êtes au juste ? »
Kateria remit en place la plaque de blindage bleutée et réajusta les fixations, prenant son temps pour répondre.
« La justice, peut-être. Mais avant tout quelqu'un de beaucoup plus fort que vous qui a besoin de quelques coeurs du magma pour fonctionner. Faites vous une raison. »
Le lieutenant se dégagea des soldats qui le retenaient et se précipita avec une hallebarde prise dans un râtelier à proximité contre l'étrangère. Il porta un coup violent contre son flanc. La hallebarde déchira le tissu du manteau et entailla superficiellement le métal bleuté. Le lieutenant était prêt à porter un nouveau coup au même endroit quand la paladine bloqua le coup au vol et s'empara de l'arme. Le nain était toujours à l'autre bout de l'arme et gigotait en l'air.

« Que fait-on maintenant ? », questionna t-elle ? « Vous êtes prêt à mourir contre moi qui ne fait que passer alors que vous avez un royaume à défendre qui est déjà la proie de multiples groupes d'aventuriers chaque jour? » Le lieutenant jura et cracha par terre.
« Je vous hais ! ». Il sauta au sol et partit vers ses quartiers en rajustant sa cape puis son casque dans un semblant de dignité.

Kateria sortit des profondeurs avec un gros sac sur l'épaule. Elle trainait une carcasse de chien du magma par la queue. Il faisait si chaud dans le coeur du magma qu'elle accueillit l'air brûlant des Steppes Ardentes sur son visage avec plaisir.
Depuis son retour de Kalimdor, Kateria avait évité Stormwind et les lieux où elle risquait d'être reconnue. Elle avait fait le choix d'agir prudemment et de constituer des réserves pour son corps de métal. Elle dormait généralement en forêt ou dans des abris naturels, délogeant parfois des dragons malfamés ou des hors la loi et commerçait avec le comptoir des Steppes Ardentes, où on ne lui posait pas de questions et où elle n'en posait pas plus.

Ce soir là, dans une forêt, elle continuait sa lecture de l'Ingénierie pour les nuls à la lueur vacillante d'un feu de bois. Il s'agissait d'un chapitre passionnant sur les modalités d'entretien des engrenages métalliques dans un milieu humide et donc présentant des risques d'oxydation - de « rouille » précisait l'auteur, soucieux de vulgariser son savoir. Machinalement et malgré le temps sec, elle se rapprocha un peu plus du feu. Elle trouvait la chaleur agréable même si elle ne pouvait la sentir qu'avec sa poitrine, son cou, ses épaules et sa figure. Le reste était toujours désespérément glacial. Elle supposait que les coeurs du magma devaient dégager une certaine chaleur, mais elle était incapable de la sentir avec ses mains, alors...elle saisit le gobelet de thé qu'elle avait laissé un moment dans les flammes. Au moins un avantage d'avoir un corps de métal. Ses lèvres confirmèrent que le gobelet de métal était brûlant. Elle but cependant son contenu avec avidité, satisfaite de sentir le liquide bouillant descendre le long de sa gorge. Cela, elle pouvait le ressentir.

Un peu plus tard dans la nuit, alors qu'elle s'endormait doucement, un aboiement au lointain mit fin à sa torpeur et à ses pensées qui commençaient à devenir des rêves. Kateria se redressa et écouta attentivement les bruits de la forêt. Quelque chose de rapide venait dans sa direction. Juste quand elle réussit à se mettre debout, un loup gris apparut devant elle. Il s'arrêta net et pencha un peu la gueule sur le côté, la langue pendante et le souffle fort.

Kateria lut dans ses yeux jaunes qu'il s'agissait en fait d'une louve « domestiquée ». Un humain avait du la recueillir quand elle était encore un louveteau. Kateria émit un léger grognement en forme d'interrogation. « Hmm ? » La louve tourna sur elle-même, en direction de l'endroit d'où elle venait. Elle regarda alors la paladine, l'invitant à la suivre avec un bref jappement. « Ok, ok, j'arrive ! ». Elle attrapa son paquetage et le plaça dans son dos, et y fixa son épée longue et son bouclier. En quelques instants, elle écrasa le feu et y versa un peu d'eau pour s'assurer qu'il ne reprenne pas.

La forêt tremblait sous les foulées d'une demi-tonne de métal et laissa rapidement et avec soulagement sa place à une clairière. La louve gratta à la porte d'une chaumière. Une faible lumière filtrait à l'extérieur. Kateria ouvrit la porte et trouva un tableau saisissant. Un vieil homme suait à grosses gouttes, ses yeux étaient fermés. Il avait une arme à feu sur ses genoux. Ses deux mains tenaient celles d'une petite fille. « Tu as trouvé quelqu'un... ». Il tremblait de plus en plus. « Vous devez m'écouter, je n'ai plus beaucoup de temps. »

Kateria attrapa une serviette sur la table et épongea doucement la sueur sur le front du vieillard. Elle sentit que sa mort était proche. « J'ai acheté une potion au village. Le prêtre dit que c'est le remède miracle... La petite Akaren a besoin de sa seule famille. J'en ai bu. C'est... impie... Je n'aurais jamais du. » Il fixa la paladine de ses yeux fiévreux.

« Le vieux Georges, il a suivi les conseils du prêtre. Sa chair part en morceaux et pourtant il garde toujours ses chèvres. Ses yeux sont vides mais il semble toujours... un peu lui-même. J'ai cru... j'ai voulu croire que je pourrai continuer à m'occuper d'elle. Mais je ne peux pas. Je ne veux pas élever cet enfant en étant une abomination ! »
« Cette potion, j'ai essayé de la vomir quand j'ai compris sa vraie nature. Trop tard pour moi, mais assez pour que Kara vous trouve... »
« Papy ! », s'écria la petite fille.
« Vous devez faire ce qu'il faut pour que je reste mort. Je n'ai plus le temps... »
Kateria saisit la petite fille en pleurs et la serra contre elle, tandis que le vieil homme braquait l'arme à feu contre sa propre tempe.
« Aimez-la, s'il vous plait... »
Et il y eut une détonation.

Kateria emmena la petite fille à l'extérieur et fit signe à Kara de la surveiller. A l'intérieur, elle détectait plusieurs traces impies, l'une se développait chez le vieillard, les autres étaient dans une fiole et sur la table. Elles s'étendaient lentement mais sûrement, Kateria pensa immédiatement aux paysages désolés des Maleterres. Il était hors de question de laisser cela se propager. « Et il y a probablement d'autres foyers d'infection. », finit-elle à voix haute, tournant la tête avec désespoir.

Elle chercha les affaires de la petite fille dans la chaumière et sortit avec des vêtements et une poupée dans un grand sac de toile. Le vieil homme et Akaren avaient une vie simple et bien ordonnée. Jusqu'à ce qu'un prêtre bouleverse leurs vies. Qu'est-ce qui n'allait pas chez ces prêtres à la fin ! Kateria remplit un sceau à l'aide du puits qui jouxtait la chaumière. Elle bénit l'eau et revint à l'intérieur. La corruption se propageait rapidement à l'intérieur du corps du grand-père. Kateria aspergea abondamment les zones d'infection en récitant quelques prières pour le salut de l'âme de cet homme bon, qui avait été tenté par la non-mort pour protéger l'enfant plus longtemps.

Kateria donnait sa main de métal à la petite fille qui serrait une touffe de poils de Kara. Les flammes dansaient devant elles.
« Je prie pour ton salut, vieil homme. »
Akaren regarda la paladine avec ses grands yeux marrons rougis par les pleurs.
« Je vais m'occuper de toi... Je te le promets.». Kateria se demanda si la gamine aimerait la vie dans la ferme de ses parents. Probablement. Mais un enfant pouvait-il encore être en sécurité quelque part dans ce monde ?
Kateria prit l'enfant dans ses bras et lui dit : «Je suis Kateria, mais tu peux m'appeler Kat si tu préfères.» La petite fille dit « Kat? Merci pour Papy, il doit être au ciel maintenant.»
« Oui chérie, il veille sur toi depuis les étoiles.»
« Woof ! », approuva la louve.
Kateria avait envie de pleurer mais elle se retint et projeta son aura de détection des morts-vivants sur les terres environnantes. Les choses tournaient mal. Elle pouvait presque sentir l'influence de l'évêché de Stormwind. Elle n'aurait pas du fuir, elle aurait dû se battre ce jour-là. Mais elle serait morte empoisonnée, et Akaren serait dans les bras d'un zombie. Et maintenant elle était dans les bras de métal d'une paladine si lasse. Troquer le mal pour du métal. Bah. Kateria mit Akaren sur ses épaules et le petit groupe partit vers le village.
Tandis que le petit groupe progressait vers le village voisin, Kateria s'affairait dans sa chapelle imaginaire. Le lieu était simple, de la pierre, quelques vitraux sans lumière - c'était un endroit hors du monde après tout -, un autel, un encensoir et de nombreux cierges. Vêtue d'une robe blanche simple, Kateria déambulait dans cet espace et allumait les cierges. Elle se concentrait pour faire apparaitre une flamme dans sa main - toujours de chair dans son esprit - et elle appliquait doucement sa paume sur les mèches.

Elle se préparait à sa façon à ce qui pouvait l'attendre dans le village. Une confrontation avec le clergé et ses créations impies. Une foule de gens hostiles aux robots. Sans oublier la milice locale soumise à l'autorité du roi qui s'empresserait de procéder à son arrestation ou son exécution sommaire.
« Kateria...»
Kateria se figea. L'espace imaginaire se brouilla un instant puis reprit de sa consistance. Il y avait quelqu'un derrière elle. Qui parlait avec une voix féminine et d'outre tombe. Kateria soupira et se décida à ignorer cette illusion. La routine la ferait disparaitre... Elle ranima la flamme dans sa paume qui s'était éteinte faute de concentration et elle reprit son activité. Deux mains apparurent autour de son cou. La paladine se crispa un instant mais les mains commencèrent à la masser délicatement, alors elle se relaxa. Une illusion masseuse, pourquoi pas. Son cerveau épuisé avait décidément un bon instinct de survie.

« Tu peux essayer de m'ignorer. Après tout je vais bien essayer de te parler. », dit la voix derrière elle. Puis elle susurra : « Elle ferait une mignonne petite goule. »
Kateria sursauta et se tendit. Aussitôt les mains expertes s'appliquèrent à adoucir les muscles noués de la paladine.
« Akaren... Tu l'emmènes dans la gueule du loup. Et ce loup ne sera pas aussi amical que Kara. »
La voix fit une courte pause.
« Pourquoi l'exposer ? Elle va mourir là-bas.»

Kateria restait muette et se concentrait sur sa petite flamme qui vacillait. Comme sa santé mentale apparemment.
«Je sais que l'idée rôde aux franges de ta raison. Tu ne te poses pas encore les questions mais les réponses y prennent forme. Et l'évidence s'imposera au moment crucial. Pour sauver cette petite fille, tu seras prête à devenir une paladine noire. C'est la seule solution pour vaincre le clergé, l'armée et la population raciste envers les robots impies. C'est la seule solution pour... un génocide.»

«La non-mort... Corrompre les gens en les mettant face à des choix empoisonnés. Répandre des maladies incurables par les méthodes les plus viles. Réanimer des ennemis tombés pour créer une armée des morts-vivants sous commande. Torturer avec volupté. Fasciner par l'infini. Chaque jour j'écrase des adversaires tétanisés par la peur. Ceux-là, je les achève dans une gerbe de sang qui m'embellit mieux que les plus belles fleurs. Ceux qui résistent, je savoure leur baroud d'honneur et je savoure quand leurs os craquent, que leur précieux sang s'écoule sur des terres désolées et que leurs yeux se voilent quand ils sont enfin libérés de leurs corps meurtris.»

Kateria sentit des lèvres au contact de son cou, qui l'embrassèrent doucement. Le contact glacé la fit frissonner.
« L'adrénaline te fera exulter et tu commenceras à perdre l'esprit dès ta première bataille car il n'y a pas de retour possible pour ces crimes. Alors que vas-tu choisir ? La non-mort ? Arracheras-tu ton coeur de ta poitrine pour offrir à Akaren un monde plus sûr, un charnier ? Ou bien la fuite comme si souvent ? La non-mort à tes trousses jusqu'à ta défaite inévitable ?» Elle ressentit un léger souffle sur son cou moite.

« Tu es devenue misanthrope. Tu es seule dans un combat que tu mènes avec lassitude. La corruption t'a déjà gagnée car tu ne sais plus faire confiance. Tu as peur. Tu voudrais arranger le monde toute seule. Tu penses qu'on t'acclamera pour avoir tué quelques prêtres corrompus ? Mais le monde n'est pas d'accord avec toi. Il soutient les prêtres, il soutient les compromis, il les désire même. Le peuple ne veut plus craindre la mort alors il choisira la non-mort... Personne ne t'acclamera. Tout le monde voudra ta peau... »

Les mains qui la massaient s'emparèrent d'elle par les épaules et la firent pivoter. Deux yeux trop bleus dans un visage trop familier la fixaient. «Que vas-tu choisir ?» Kateria ne voyait plus qu'un visage, qui se rapprochait du sien. Elle entrouvrit les lèvres, faisant mine de parler, mais elle ne put dire le moindre mot car elles furent très vite au contact de celles de l'apparition. Kateria avait l'impression d'embrasser l'éternité. Elle avait fui trop longtemps, elle était seule depuis trop longtemps. Elle était faible et si vulnérable. Elle se battait pour des principes qui étaient bafoués par ceux-là mêmes qui les avaient fondés.

« Kat ! Kat !»
« Woof ! »

La chapelle imaginaire se dissipa brusquement et Kateria vit Akaren devant elle. Elle essuya lentement ses lèvres avec un pan de son long manteau noir. « Ca va ? T'es arrêtée au milieu du chemin. » « Oui... Ca va.»
Kateria secoua la tête pour chasser les images qui l'obsédaient encore.
« Faisons une pause, nous devons réfléchir à un plan. »

Ils s'assirent sur une pierre en bordure du chemin. Kateria distribua quelques provisions et, pendant le repas, se plongea dans ses pensées, loin de la chapelle dont elle avait condamné les portes. Son coeur s'affolait lorsque quelques images de la scène dans la chapelle s'imposaient à elle.
... Elle arriva en vue d'une escarmouche... Quatre nains défendaient une tour contre une dizaine d'assaillants orcs; ils se protégaient l'un l'autre et utilisaient leurs boucliers avec une efficacité remarquable. Mais elle savait qu'ils ne tiendraient pas plus que quelques minutes... Elle sauta de son cheval et chargea les assaillants...
"Pour Lordaeron!"
En un instant elle était parmi ses ennemis et se mit à virevolter parmi eux. Sa lame tranchait, perçait; son armure ruisselait du sang ennemi.
Kateria ne sentait plus la douleur des attaques portées vers elle; sa rage était infinie... elle hurla sa colère et tourbillonna encore et encore... Les nains repoussèrent leurs ennemis et la rejoignirent dans une danse mortelle. La guerrière enchaînait les attaques; chacun de ses membres était tendu dans un effort unique, donner la mort. Mais soudainement, le sang du combat ensanglanta le monde.

... Kateria assistait à un concert de l'orchestre philarmonique de Stormwind. Depuis la fin de la seconde guerre et sous le règne du bienveillant roi Arthas, les larmes et les points de suture avaient cédé la place aux arts et à la culture. Le concert avait lieu dans la cathédrale de Stormwind et les majestueux accords remplissaient le coeur du public. Debout dans une loge, l'évêque Bénédictus, ce saint homme, saluait dignement la foule.
Kateria aimait cette musique qui la transportait loin de son quotidien de labeur à la boutique d'alchimie. Elle se prenait à rêver à une vie héroïque, loin des fleurs, des flacons et des philtres d'amour. Mais soudainement, les notes se transformèrent en un tintamarre qui brisa l'harmonie du monde.

.... Kateria essayait de faire remplir sa tasse de café par télékinésie. Ce n'était pas facile, mais à force d'entrainement elle faisait des progrès réguliers. Depuis l'élection de la présidente Jaina Proudmore, la magie était devenue l'un des enseignements obligatoires prodigués par les Etats-Unis de l'Alliance dans le cadre du programme d'éducation pour tous. A grand peine, Kateria réussit à verser son café et à reposer la cafetière sur la table. Elle entreprit de casser un morceau de sucre et d'en déposer un bout dans le liquide brûlant. Elle ajouta alors avec précaution une larme de lait dans le récipient. Mais soudainement, le nuage de lait dans le café explosa, tout comme la voie lactée.

... Un terrible accident était arrivé au port : un navire lourdement chargé d'hydrocarbures puisés en Northrend avait explosé, faisant des centaines de victimes et blessés et provoquant d'énormes dégâts matériels. Le navire était exploité par une multinationale gnome qui avait développé un performant modèle d'ouvrier mécanique utilisé dans toute l'industrie de Kalimdor. La presse évoquait déjà une révolte des robots, mais le service de communication de Gnobotics expliquait l'incident par l'intervention - humaine - de l'autorité portuaire dans le processus de déchargement. L'aide-soignante Kateria s'activait dans l'hôpital de Stormwind, faisant des bandages à certains, faisant boire des potions à d'autres. Il n'y avait pas un instant à perdre pour soulager les victimes. Elle aurait aimé avoir le pouvoir de ces clercs qui s'occupaient des soins. D'ailleurs certains ne la laissaient pas indifférente, mais eux ne la voyaient pas. Mais soudainement, le monde se mit à genoux dans un cri de douleur.

... Kateria était dans la pièce commune de la ferme familiale à la Marche de l'Ouest. Elle vivait maintenant avec son époux et ses cinq enfants aux cotés de ses parents. Ils vivaient en paix, loin des bruits du pouvoir et à l'abri des pillards depuis que l'Armée Royale les avait piégés et massacrés dans un réseau de grottes au sud de la région. Elle avait préparé un bon dîner, son mari l'avait embrassée avant de monter à l'étage pour coucher les enfants. Elle était toujours aussi amoureuse de cet ex-milicien qui avait conquis son coeur de paysanne des années plus tôt. Elle avait débarrassé la table et faisait la vaisselle. Sa mère brodait un noeud en dentelle pour Jaina la benjamine. Son père jouait de la cithare au coin du feu et chantonnait doucement. Mais soudainement, la vaisselle se brisa dans une infinité de fragments scintillants.

Et dans un certain monde plus familier, une louve observait tour à tour un enfant et une paladine. L'enfant marchait docilement sur le chemin. La louve sentait qu'elle pensait à son grand-père, et l'odeur du sel des larmes était si intense que la louve aurait voulu en verser à son tour. Elle appuya légèrement son museau contre les cheveux de la petite fille qui agrippa ses poils par réflexe. La paladine était perdue dans ses pensées. Elle venait d'avoir un choc et palpait encore ses lèvres. Quelques rougeurs animaient ses joues parsemées de tâches de rousseur. Son corps de robot sentait l'huile et les résidus de combustion. La louve n'aimait pas cette odeur et avait compris que la paladine avait peu de temps devant elle. La louve se mit à contempler des avenirs possible et dans celui-ci, l'enfant meurt dans une heure et la paladine bascule de chagrin du côté de la haine.

Alors, elle huma l'air chargé de senteurs. Dans quelques instants elle serait amenée à reprendre sa forme de Draeneï. Elle s'imprégna de la force vitale de la nature et se gorgea de mana avec une intensité incroyable.
Kateria fit volte face, sentant quelque chose d'anormal.
"Kara!?"
Et soudainement, la louve poussa un hurlement déchirant qui résonna dans les univers parallèles les plus proches.
Kateria para le coup impérieux de la Conquérante en croisant ses deux bras de métal... Le monde cessa de tourner un instant pour se restructurer autour de l'onde de choc.
"Mmh", fit la Conquérante, rengainant son épée dans son dos. "Solide."
"Titane."
La Conquérante eut un léger signe de tête comme pour confirmer, mais son attention était déjà ailleurs.
Tleilax, la shamane, posait des totems au sol, où trois silhouettes familières gisaient. Peu à peu, les totems restauraient les forces et apaisaient les peurs des autres doubles de Kateria.
"Elles n'ont pas l'air bien solides, celles-là. Le monde vient seulement de nous tomber sur la tête."
Kateria haussa les épaules. "Oui, et ça m'arrive un peu trop souvent."
La Conquérante jaugea Kateria d'un coup d'oeil puis haussa les épaules. "On ne dirait pas."
"Je dois déjouer un complot menaçant le royaume, je suis recherchée par l'armée royale, je dois protéger cet enfant, j'ai du retrouver les bandits qui ont brulé la ferme de mes parents, et en plus je risque de rouiller et de ne plus avoir de batterie."
"Et la Horde?"
"J'ai fait ma part. De toute façon ils sont occupés au Nord et puis ils attendront que l'armée royale cesse de me chercher des noises."
"Tu te battais pour l'armée?"
"Oui, il y a longtemps, j'étais chevalier-capitaine de l'Alliance. Et toi?"
"Je suis plutôt à mon compte, mais jamais loin des soigneurs! Je n'aime pas perdre du temps à mettre des bandages. D'ailleurs à propos de perdre du temps... "
Tleilax veillait sur les corps allongés. La Magicienne et l'Herboriste avaient l'air vraiment sonnées, mais l'Infirmière et la Fermière avaient repris connaissance.
"Ooh. Il va me falloir un bon grog..."
"Je peux avoir une aspirine?"
Kateria les regarda et lança en un instant une lumière sacrée sur la Fermière et un horion sacré sur l'Infirmière.
"Ouaaah! C'est donc ça le pouvoir des clercs! Je me sens drôlement mieux!". L'Infirmière était radieuse.
"Merci, noble paladine", remercia pieusement la Fermière.
La Conquérante s'exclama alors : "Mais oui bien sûr, une paladine!"
"Métallique.", compléta Kateria.

La Fermière alla s'occuper d'Akaren, qui était en train de regarder la scène avec de grands yeux. "Pourquoi vous êtes cinq Kateria maintenant?" "On va bientôt le savoir, je suppose", répondit la Fermière. L'Infirmière était en train de s'occuper des corps étendus avec la shamane. Tleilax lui expliquait le fonctionnement des totems. "Et celui-là, il marche comment?" "Avec l'énergie de l'eau." "Oh. Moi j'utilise une bassine et des serviettes." "Ah oui, mais c'est pénible à transporter."

Kateria continuait à discuter avec la Conquérante. Elle appréciait son côté déterminé. Elle avait cette confiance en soi que la foi n'arrivait plus à animer chez elle. La puissance de vie qui débordait d'elle lui rappelait ses premières années de combat selon les enseignements de la vindicte et ce sentiment d'invulnérabilité qu'elle éprouvait au plus profond d'elle-même... Chaque coup d'épée faisait reculer l'horreur, les ténèbres, au profit de la vérité, la lumière. Elle avait oublié cela, quand, au fil du temps, presque insensiblement, elle était devenue tacticienne, responsable de ses troupes. Elle commença à observer les combats, faire des choix et à prodiguer des soins décisifs à ses alliés en se faisant discrète. La justicière était devenue un clerc habile et polyvalent et peu à peu, son univers s'était agrandi, elle avait un nom dans l'Alliance. Le roi lui-même lui confia plusieurs quêtes.
Et un jour, cette bataille... Elle n'était pas encore prête à s'en souvenir. Mais pendant sa convalescence, elle avait été terrassée par la révélation de sa vulnérabilité.
"Il faut savoir prévoir chaque mouvement dans un combat. Il faut toujours avoir un moment d'avance et agir avec fluidité. Si on perd l'initiative, il faut savoir se désengager et redonner l'assaut."
La Conquérante disait vrai. Les grands guerriers, même au summum de leur rage, maîtrisent leurs techniques par coeur. Chaque frappe est une nouvelle étoile dans un feu d'artifice parfaitement maitrisé.
"Avant d'être plaquée en titane, je préférais utiliser un bouclier. Utilisé à la fois comme une arme et une protection, c'est redoutable... Et être paladine a quelques avantages pour ce rôle."
La Conquérante sourit brièvement. "Je sais, je sais. J'en ai tué assez." Kateria la regarda de travers.
"Haha. Ca me rappelle cette énigme. Que se passe t-il quand une force irrésistible rencontre un objet inamovible?"
"Rien?"
"Presque... Car si l'un existe, alors l'autre ne peut pas exister. C'est une erreur de croire que l'on peut être l'un ou l'autre."
"C'est... profond.". Kateria essayait de chercher des failles au raisonnement... Parce qu'elle voulait tellement être cet objet inamovible. Ou cette force irrésistible. Ou les deux. Ou rien du tout?
"Aussi profond qu'une discussion de garnison! Pas la peine de chercher un sens caché. Frappe, pare, et gagne! Avoir cette intelligence de la situation, faire les bons liens et en tisser le linceul de son ennemi."

Kateria commençait à comprendre que ce qui la séparait de son double, c'était l'envie de vivre plutôt que de survivre. La Conquérante goûtait chaque instant et son simple sourire trahissait une assurance triomphante. Kateria se demanda si c'était parce qu'elle ne connaissait pas la défaite.
"Est-ce que tu as déjà été blessée grièvement?"
"Je meurs plusieurs fois par jour! Et on me ressuscite. Puis je charge!" Elle accompagna sa dernière phrase d'un mouvement brusque...
"J'aime pas mourir.", dit Kateria du bout des lèvres. "Ce vortex dans le ciel, ces âmes qui s'y perdent..."
"C'est pour ça que tu as un corps de robot?"
"Ah non, ça c'est une mauvaise rencontre..."

Pendant ce temps, l'Apprentie, enfin ranimée, invoquait des croissants, qu'Akaren dévorait sous l'oeil attendri de la Fermière. L'Apprentie avait du mal à doser la cuisson et certains manquaient de beurre. Mais cela, Akaren s'en moquait bien!
Réveillée depuis peu, l'Herboriste avait trouvé une petite soleillette aux délicats pétales jaunes derrière un rocher. "C'est une espèce en voie de disparition chez moi! Quelqu'un peut me prêter un sac? Ou un pot?"
L'Infirmière suivait Tleilax comme un jeune chien son nouveau maître. Elle n'eut pas besoin de se retourner lorsque Tleilax tapa dans ses mains pour gagner l'attention de tous.
La Damnée errait dans le campement improvisé. Personne ne savait qu'elle avait aussi été invoquée par la Shamane. Seule Kateria connaissait son existence, depuis un certain baiser dans une chapelle. La Damnée avait enfin rejoint le plan de l'existence. Sous une forme éthérée, certes, mais réelle. Quelle extase après ces années à louvoyer entre les velléités de justice et la haute moralité de son hôte... Et Kateria semblait différente, maintenant séparée de la Damnée. Elle ne semblait plus perdue dans ses pensées noires.

La Damnée, à travers ses yeux de glace, scrutait les âmes de la petite troupe maintenant rassemblée dans un pré voisin de la route.
La Conquérante était un torrent difficile à déchiffrer... Un instinct de vie puissamment intriqué à des pulsions de mort... Elle serait probablement internée dans un monde pacifique. Mais sur ce monde tout comme sur celui dont elle venait, c'était plutôt une qualité. Les humains ont tendance à fermer les yeux sur les défauts de ceux qui se battent pour eux...

L'Apprentie était la proie des doutes. Trop de beurre dans cette recette ou pas? Trop cuits ou pas? Est-ce qu'il aurait fallu invoquer un plateau, des serviettes et des verres de lait? Tout le monde aime le lait? La Conquérante n'avait pas une tête à boire du lait? Pourtant elle a la même tête que moi... Pourquoi je ne suis pas comme elle? Elle sait ce qu'elle veut elle! Est-ce que la petite a mangé trop de croissants? Elle ne va pas être malade, si? Quelle est la recette pour améliorer la digestion déjà?

La Damnée, n'en pouvant plus, se détourna de l'Apprentie... La Fermière acceptait la situation, et apportait simplement, humblement, sa présence rassurante et aimante. Sa famille lui manquait et devait s'inquiéter. L'Infirmière était totalement fascinée par la shamane, buvant ses paroles et essayant de tout mémoriser. Impatiente de profiter de sa liberté et pas vraiment passionnée par les pensées des autres doubles (l'Herboriste ne pensait qu'à son herbier et fredonnait des airs d'opéra!), la Damnée s'éloigna du camp et se rendit en direction du village de Sombre-Comté.

La Rôdeuse était camouflée très près du camp. Lorsque son monde avait explosé, elle avait su se cacher, mue par son instinct de survie. Elle avait choisi de rester planquée après avoir détecté une présence mort-vivante à proximité. Elle avait également observé la scène. Elle se sentait mutilée car elle avait perdu tout lien avec son familier, sa fidèle louve noire Kara. La présence mort-vivante se déplaçait dans le campement. Soudain, elle s'éloigna, et la Rôdeuse décida de la suivre.

Dans le campement, Tleilax commença à organiser la restauration du corps de la Paladine, car c'était bien de cela qu'il s'agissait. La Paladine désigna la Conquérante comme modèle; les jambes des autres doubles ne lui inspiraient pas confiance... Elles ne supporteraient pas le poids d'un harnois et de l'équipement qu'il fallait toujours se trimballer. Et puis elle n'avait pas le temps de leur faire faire de l'exercice! La Paladine commença à enlever les plaques de métal qui recouvraient son squelette d'acier. Les doubles regardaient la scène avec un sentiment d'horreur mêlé de curiosité. La Conquérante aiguisait son épée.

La Conquérante regarda comment la jonction entre le corps humain et le corps métallique était faite, s'arma de son épée à deux mains... Stoïque, la Paladine ne put s'empêcher de fermer les yeux. La Conquérante sectionna d'un seul coup le tronc de la Paladine. La Fermière saisit le buste et le souleva. Le squelette métallique, très lourd, ne bougea pas mais la motorisation continuait à fonctionner comme en témoignaient les odeurs de combustion.

Du sang se mit à couler mais la shamane intervint aussitôt pour cautériser la zone. La Paladine avait les yeux injectés de sang et un filet de sang coulait au coin de ses lèvres... Pourtant, elle ne perdit connaissance que lorsque la Conquérante sectionna son bras métallique droit au niveau de l'épaule. Le bras tomba avec un bruit sourd sur le sol, marquant la terre meuble de son empreinte. Tleilax intervint à nouveau pour stopper le flot de sang. Elles répétèrent l'opération pour le bras gauche, qui rejoignit l'autre au sol.

La Conquérante déposa alors ce qui restait de la Paladine sur une couverture au sol et s'allongea ensuite à ses côtés. L'infirmière s'installa près de la Paladine avec des compresses et de l'eau pure fournie par un totem. ("Vraiment génial ces totems!"). L'Apprentie essayait de maintenir l'eau tiède. ("C'est pas trop chaud?").
La Shamane plongea la zone dans le noir, et commença à dessiner un réseau de points lumineux dans l'espace.

La Rôdeuse suivait toujours la Damnée, quand elle vit un demi-bulle d'obscurité se former sur l'emplacement du campement. Elle continua à surveiller la Damnée du coin de l'oeil. La bulle cessa son expansion et malgré son excellente vue, la Rôdeuse ne pouvait rien distinguer à l'intérieur.

La Damnée nota également ce changement, mais elle semblait beaucoup plus intéressée par le mur invisible qui lui bloquait le chemin vers Sombre-Comté. Ce mur invisible semblait s'étendre sur les côtés, et la Damnée ne trouvait pas de passage. Elle pesta contre ce manque de chance; coincée dans un esprit, et maintenant dans un carré de campagne paumé! Damnation!
Kateria s'éveilla dans un cocon tissé de racines gorgées de vie. Pendant qu'elle reprenait ses esprits, le cocon commença à se défaire et le visage de la draenei se pencha sur elle. "Tout s'est bien passé. Comme neuve."

Kateria souleva difficilement sa main droite.
"C'est magnifique... Merci de ton mon coeur!". Elle était essoufflée.

"Il va falloir du temps pour que tu réapprennes à utiliser tes membres. J'ai ralenti le passage du temps dans ce bois, tu peux y rester aussi longtemps que tu voudras pour t'entraîner. Il ne se sera passé que quelques heures quand tu en sortiras."
"C'est une bonne idée...", admit Kateria qui peinait à s'asseoir.
"L'apprentie magicienne t'a laissé de la nourriture et de l'eau invoquée. La Conquérante t'a laissé son armure et son arme. Elle a dit qu'elle se débrouillerait à son retour. Tes autres doubles sont aussi repartis dans leurs univers d'origine. Elles ont emporté des souvenirs, Akaren est partie avec la fermière et l'herboriste a de quoi réintroduire plusieurs espèces dans son univers!"
"Oh, bien pour Akaren, elle sera plus heureuse là-bas."
"Sûrement. Elle va me manquer. Elle aimait bien ma fourrure...". Les grands yeux lumineux de la shamane se voilèrent un instant et reprirent leur éclat. "Varenka a besoin de moi, je dois te laisser. Prends des forces."

Tleilax lança un sort de retour et disparut de la clairière.

A quelques centaines de mètres de là, la Rôdeuse surveillait la Damnée. Cette abomination était en train de mijoter quelque chose, la Rôdeuse en était certaine, mais elle ne savait pas exactement de quoi il retournait. La Damnée se rendit compte que le mur invisible s'était transformé en une simple barrière perméable. Le sortilège jeté par la shamane était conçu pour ralentir le temps. Elle réfléchit un instant et manipula avec finesse la trame magique du sort pour en altérer les propriétés. La Rôdeuse décida d'agir lorsque la Damnée fit mine de traverser la barrière. Elle sortit de l'ombre et décocha une flèche infusée de puissance arcanique. La Damnée reçut la flèche dans le dos et tomba au sol. Elle tenta de se redresser mais la rôdeuse était sur elle en un éclair et la transperça plusieurs fois de sa dague en vrai-argent. La scène s'était déroulé en silence et la Rôdeuse quitta les lieux, prête à explorer son nouveau terrain de chasse.

Kateria prit son temps pour récupérer. Elle fit d'abord quelques pas, puis s'alimenta avant de faire une petite sieste. Plus tard dans la journée, elle fit quelques exercices, s'entraînant à contrôler ses membres.

Après plusieurs jours de rééducation assistée d'enchantements de la Lumière, Kateria se sentit prête à enfiler l'armure et à manier l'épée à deux mains de la Conquérante. La Lumière qui l'habitait était plus pure que jamais. Les pas de la danse de la guerre lui revenaient peu à peu et elle appréciait pleinement l'effort physique si sain après ces mois passés dans des odeurs d'huile de moteur...

Kateria jugea qu'elle avait assez profité de cette convalescence et de ces vacances improvisées. Elle rassembla son équipement et les provisions restantes et se dirigea vers le bois. Alors qu'elle approchait de la lisière du bois, elle découvrit le cadavre de la Damnée en piteux état. Elle retourna le corps et se rendit compte avec stupéfaction qu'il s'agissait de l'apparition de ses rêves éveillés. Elle réalisa qu'elle se sentait apaisée depuis le début du séjour dans la bulle temporelle, et elle comprit que son démon s'était matérialisé et avait mystérieusement succombé... C'est donc pour cela que la Lumière était si forte en elle...

A quelques pas de là, la barrière se dressait. Un chemin passait non loin derrière la barrière et devait mener au village de Sombre-Comté. Kateria traversa la barrière.

Aussitôt, le monde changea d'apparence. La végétation et le sol étaient malades, corrompus, le ciel était sombre et parsemé d'éclairs. Derrière elle, la barrière avait disparu.

"Quelques heures auront passé, hein..."

Kateria lança quelques enchantements sur elle-même, prit son épée en main et continua sa route. Elle arriva aux abords du village. Les bâtiments étaient détruits ou délabrés, les champs étaient dévastés et jonchés de corps... Kateria s'approcha du charnier le plus proche en se pinçant le nez de sa main libre. Une main glaciale s'empara de ses boyaux. Il s'agissait de cadavres de zombies et de carcasses de robot dont la ressemblance avec des gnomes horrifia la paladine.

"Visiblement j'ai du rater quelque chose."

Un instant plus tard, des bruits de combat se firent entendre vers le village. Kateria activa sa détection de morts-vivants, et ce qu'elle sentit alors la fit frémir.
Lorsqu'elle activa sa détection des morts-vivants, Kateria fut prise de vertige et s'appuya sur son épée... Ils étaient partout, dans le charnier, dans le centre du village, aux alentours et probablement dans toute la province. Autour d'elle, les membres décomposés commençaient à s'animer, et les pièces détachées se recomposaient.

"Mais c'est quoi ce bazar! J'en ai marre!"

Elle décida de purifier la zone pour s'assurer que ce charnier en reste un. Elle consacra la zone du feu de la Lumière, suppliant les dieux de lui accorder leur faveur et l'énergie d'accomplir ce rituel. Elle parvint à éliminer les traces de non-mort des corps de zombies, mais les pièces mécaniques s'assemblaient inexorablement, mues par un magnétisme qu'aucun exorcisme ne pouvait annuler... L'un des robots acheva sa reconstruction, et déclara :
"Menace mort-vivante éliminée. Objectif suivant en cours." Et il partit vers la chapelle, ignorant la paladine qui décida de le suivre.
La chapelle était proche du cimetière, et les combats faisaient rage entre ossements réanimés et gnomes mécaniques... de part et d'autre du champ de bataille, une liche et un robot réparateur dirigeaient et soutenaient leurs troupes. Kateria fit un petit détour et rejoignit la chapelle par derrière. Elle se glissa à l'intérieur, curieuse de savoir si le combat extérieur était justifié par quelque chose de spécial.

L'intérieur de la chapelle était en piteux état. Les vitraux étaient brisés et le sol de terre battue inégal. Quelques meubles brisés étaient entreposés sur les côtés. L'autel était à peu près intact, et une plaque gravée y était fixée. Kateria enleva la crasse et put lire l'inscription suivante :
"Gloire au pape Bénédictus Ier, fondateur de l'Eglise de la Vie Eternelle."
Une date était indiquée, et Kateria réalisa qu'au moins dix années s'étaient écoulées dans le monde pendant qu'elle était dans sa bulle. Elle se figea un instant avant de faire le lien avec les derniers évènements... L'évêque Bénédictus avait tenté de la piéger à Stormwind quand elle avait découvert les étranges prisonniers de la cathédrale... Ce Louis dans la cuisine de l'auberge, un mort-vivant qui travaillait parmi les vivants. Et le grand père d'Akaren qui avait fait le choix d'accepter le don d'immortalité du prêtre de son village pour pouvoir s'occuper plus longtemps de sa petite fille...
Le culte de la non-mort avait du se répandre comme une trainée de poudre dans les Royaumes, surtout avec le soutien de l'Eglise de la Lumière, dont les prêtres et les clercs auraient dû être les premiers à combattre cette déviance. Le peuple, jaloux de l'immortalité des castes de héros avec leurs "gardiens des esprits", avait obtenu un ersatz... Tant de civils périssaient dans ces guerres, et si peu de héros mourraient au bout du compte grâce aux cohortes bien organisées, soutenues par des guérisseurs capables de rappeler les esprits dans les corps restaurés...

Cette mécanique bien huilée avait permis à Azeroth de défaire des ennemis extrêment puissants, mais elle avait aussi nourri la rivalité entre l'Alliance et la Horde. Et ces héros, où étaient-ils maintenant? Avaient-ils précipité par leur égoïsme le fourvoiement des peuples vers les sirènes de l'immortalité? Elle supposait que les gnomes mécaniques étaient la réponse des gnomes au culte de la non-mort et à celui de la résurrection des héros. Elle était assez bien placée pour savoir qu'ils avaient la technologie nécessaire... Trois factions immortelles se livraient donc une bataille sans merci dans les paysages dévastés d'Azeroth. Pour le moment Kateria en avait rencontré deux. A moins qu'elle soit la troisième, celle des héros, à elle-seule?

La paladine se mit à réfléchir aux options qu'elle pouvait suivre... Les Gardiens du Temps semblaient être la meilleure, mais comment rejoindre l'autre continent et les grottes du temps à Tanaris dans cet univers apocalyptique. Peut-être que Chromie, la magicienne gnome adepte de l'ubiquité spatio-temporelle était en ce moment dans les Maleterres de l'Ouest... qui devaient être une sacrée de zone de guerre! Privée de monture, il lui faudrait plusieurs jours pour rejoindre les ruines d'Andorhal. Et Chromie saurait-elle quoi faire?
L'Outreterre était plus accessible, mais le portail était-il toujours ouvert? Et Shattrath était-elle épargnée et maintenait-elle des portails vers les autres capitales ? Le temple de l'Aldor était-il occupé par ses prêtres ou bien par des zombies, des robots ou encore des démons?
Elle tournait en rond dans la chapelle, comme pour forcer son cerveau à trouver une voie, quand soudain, au dehors, des vrombissements se firent entendre et des projecteurs commencèrent à balayer la zone et à éclairer par intermittence la chapelle à travers les vitraux brisés...
"Ca va? Vous avez l'air indisposée."
"Ca ira, il y avait déjà des machines volantes à mon époque alors je suppose que celle-ci ne va pas s'écraser."
"Ca arrive parfois, mais vous n'avez peut être pas envie de le savoir."
"Non pas vraiment."

"Vous êtes sûr que cette machine ne va pas manquer à quelqu'un?"
"Je renverrai l'hélicoptère en pilotage automatique quand nous serons arrivés à destination, tout le monde fait ça... Quant à moi je suis en permission à partir de ce soir et je n'ai rien de prévu. Les jeunes partiront pour les colonies dès demain."
Kateria acquiesça. "Hmm. Je vois."
Elle ne voyait rien à l'extérieur, le ciel était noir. L'hélicoptère continuait sa progression en pilotage automatique. Le deuxième hélicoptère était reparti avec le reste de l'escouade que le sort de repentir avait rendu docile. Le sergent, John, avait enlevé son casque imposant. Il avait des cheveux noirs, des yeux noirs, une peau bronzée et des traits assez marqués.
Le sergent sortit des cartes. Kateria identifia la zone de Tanaris assez facilement. Des milliers d'années avaient pu passer, mais la tectonique des plaques avait un rythme calme, elle, au moins. Par contre elle ne reconnaissait pas du tout les noms indiqués...

"Je dois vous dire quelque chose..."
"Hmm?"
"Tanaris est une zone très touristique... Elle ne ressemble probablement pas à vos souvenirs."
"La plage y était magnifique." Le regard de Kateria se perdit dans le vague... dans les vagues de cette plage dont elle avait la nostalgie.

"Alors vous vous appelez vraiment Kateria? Cela sonne... exotique."
"Je suis née dans une ferme dans une province à l'ouest de votre zone d'entrainement."
"Une ferme... Avec des poules et des champs comme dans les livres?"
Kateria le regarda de travers. "Voila."
"Hmm mmh."

"Alors à votre époque tout le monde utilisait la magie?"
"Tout le monde, non, mais c'était très commun. Par exemple, il était plus simple et moins coûteux de demander à un mage d'invoquer des bouteilles d'eau plutôt que d'aller en acheter au village d'à côté."
"Pragmatique... Vous ne sauriez pas invoquer des plateaux repas d'ailleurs?"
"Non ! Je ne suis pas magicienne, je suis paladine."

"Vous ne me posez pas beaucoup de questions. Ca ne vous intéresse pas de connaître le futur?"
"Ce futur n'en est qu'un parmi d'autres."
"Mais vous avez peut-être des descendants? Vous n'êtes pas curieuse."
"Je suis fille unique, j'ai voué ma vie à la Lumière et j'ai passé quelques milliers d'années dans une bulle, alors il y a peu de chances."
En fait elle n'avait pas vraiment voué sa vie à la Lumière à la façon des ordres monastiques qui requièrent des voeux, mais elle n'avait pas envie de rentrer dans les détails de sa vie sentimentale.

Kateria restait silencieuse et se demandait ce qui l'attendait à Tanaris. Le sergent essayait encore avec peine de faire la conversation.
"Alors, elle est arrivée comment cette guerre de mille ans selon vous?"
"Elle n'arrivera pas."
"Oui, oui. Eh bien dans les livres d'histoire, les origines sont en mal connues. Deux factions ennemies auraient évoluées en compétition mais leur rivalité n'a fait que les amener à une égalité parfaite sur le plan militaire. Pendant des siècles, le monde est tombé en ruines, le passé a été réduit à néant..."
"Hmm." Kateria grogna légèrement, montrant ainsi qu'elle suivait le discours du sergent.
"Et un jour, des humains sont sortis d'un abri souterrain appelé Dalaran"
"Ah! Ils l'auraient donc enterrée cette fois. Mais il n'y avait que des humains?"
"Euh il faudrait consulter les archives... Donc ces humains ont constaté que les factions robots et morts-vivants se combattaient selon des schémas qui se répétaient inlassablement. Faute de parvenir à un avantage, les stratégies s'étaient taries et les responsables du conflit avaient de toute façon péri depuis longtemps. Alors ces humains de l'abri s'employèrent à enrayer la mécanique, sans avantager l'une ou l'autre des factions. Qui sait ce qu'elles avaient prévues lorsque leur adversaire aurait été vaincu?"
"Qui sait."
"Ces humains, dont la civilisation actuelle est l'héritière, trouvèrent des méthodes pour stopper la guerre, parcelle par parcelle. Le feu stoppait efficacement les morts-vivants, tandis que les ondes électromagnétiques détruisaient la programmation des robots et les empêchaient de se reconstruire. Après des siècles de travail acharné, cette poignée d'humains de l'abri réussirent à libérer le monde de cette guerre et commença à prospérer. Ces hommes choisirent de bannir les arts magiques qui avaient permis l'horreur de la non-mort et de développer au maximum la technologie jugée plus propre."
"Et Dalaran existe toujours?"
"Oui, le Nexus y est installé."
"Le Nexus?"
"Oui, quand on décède, notre esprit est transféré dans le Nexus et accède à l'immortalité artificielle."
"Raaah c'est partout la même chose. Les elfes de la nuit avec leurs arbres géants, les elfes de sang avec leurs cristaux, les gnomes avec leurs robots, les nains avec leurs recherches sur les terrestres, le clergé avec la non-vie, les guerriers avec leurs guérisseurs attitrés, les shamans et les esprits, les démonistes avec leurs sacrifices démoniaques, les chevaliers de la mort qui ne veulent pas rester morts... Ils veulent tous continuer à exister, envers et contre tout, et régner pour toujours."
"Je n'ai pas tout compris, mais je vois où vous voulez en venir. Les gens ne veulent pas mourir. Est-ce vraiment un problème? Il a juste fallu trouver la bonne façon d'arriver à l'immortalité sans mettre en péril l'équilibre du monde."
Kateria comprit que c'était une évidence pour le sergent. Les gens voulaient simplement vivre. Et tant pis si leur vie avait moins de saveur. Kateria sentit un pincement au coeur quand elle se rappela les moments les plus intenses de sa vie... La Lumière, l'extase du combat, les sentiments mêlés, sa solitude, son courage. Et les peuples rejetaient tout cela pour un existence plus sereine. Ils s'épargnaient la souffrance et le deuil...
"Alors je vais contre le sens de l'Histoire."
"Les recrues qui vous ont attaqué tout à l'heure sont en route pour les colonies sur des planètes distantes. C'est la nouvelle frontière. S'ils veulent l'aventure, les gens peuvent y goûter et en faire leur mode de vie. Tout est possible, en quelque sorte."
"Et la magie n'existe plus?"
"Je l'ai dit, la technologie est plus sûre et permet les mêmes résultats."
Kateria se rappela la scène dans la chapelle. Elle aurait pu perdre la raison ce jour là... Pas étonnant que les anciens mages de Dalaran aient préféré abandonner leurs pratiques et favoriser le progrès scientifique après avoir constaté l'ampleur du désastre.

Kateria se sentait toujours investie par la Lumière de façon exceptionnelle. Elle était probablement son dernier avatar et semblait pouvoir accéder à toute la puissance de cette source divine... Elle sentait que son esprit humain ne pourrait jamais se représenter toute cette puissance. Par ailleurs, si la Lumière avait reconnu en elle sa fille, elle risquait probablement de se faire assaillir par toutes les forces occultes qui devaient rôder dans les limbes depuis que leurs représentants s'étaient éteints.
"Je dois me reposer maintenant."
"Très bien. Nous arriverons à Tanaris à l'aube."
Le soleil pointait à l'horizon lorsque l'hélicoptère se posa sur une aire aménagée sur le toit d'un immeuble... Kateria découvrit que Tanaris était devenue une station balnéaire complètement urbanisée.
Les deux passagers sortirent de l'appareil qui repartit peu après en pilote automatique.
Dans l'ascenseur, il y avait une musique douce et quelques informations apparaissaient sur des écrans. La température de l'eau, les conditions météo, les informations locales...
"Alors quel est le plan?"
"Petit-déjeuner.", grimaça Kateria en indiquant son estomac.
Le duo improbable d'un soldat en armure assistée et d'une paladine en plaques sortit de l'immeuble et commença à chercher un café ouvert.

Attablée au café, Kateria éprouva un sentiment de déjà vu. Elle ressentait en effet une présence mort-vivante dans la cuisine...
"Il y a un mort-vivant à côté...". Elle but une longue gorgée de son café.
"C'est une obsession chez vous."
Kateria fit un signe au cafetier.
"Plus de café madame?"
"Oui s'il vous plait." Le cafetier commença à verser le liquide brûlant et parfumé. "Pourriez-vous faire venir le cuisinier, je voudrais le complimenter sur ces pancakes."
"Il est occupé mais je vais lui transmettre!"
Kateria soupira. A nouveau la présence de la lumière emplissait son être. Un léger halo l'entourait... Le cafetier la regarda bizarrement.
"J'insiste."
"Et puis mince à la fin je ne veux pas d'ennuis! LOUIS!"
Un zombie un peu décharné sortit de la cuisine.
"C'est pas vrai..."
"Vous le connaissez?" dit le sergent, sortant de son silence.
"Je l'ai tué il y a un millier d'années."

Le zombie retourna travailler et le cafetier se lança dans des explications. Il l'avait trouvé la veille dans les grottes à l'est de la région - et non il ne dirait pas ce qu'il trafiquait là-bas - l'avait recueilli et le zombie s'était mis spontanément aux fourneaux.
"Si un zombie de mon époque a pu sortir des grottes du temps, qu'est-ce qui empêche les autres d'en faire de même... De plus sa survie prouve que la magie noire est aussi de retour, comme la Lumière."
"Les grottes du temps? On peut y aller facilement... en payant un ticket."
"Un ticket?"
"C'est une visite touristique. Je l'ai faite quand j'étais gosse, je me souviens surtout des dragons empaillés."
"Les grottes du temps réactivées sans leurs gardiens... J'ai peur."

La lumière du jour disparut en un instant et Kateria se précipita dehors découvrant une nécropole aérienne gigantesque au dessus de la ville.
Le regard de Kateria se perdit un moment sur une affiche publicitaire montrant un soleil avec des lunettes de soleil... Un instant plus tard, elle commença à danser avec ses ennemis... Usant d'un porche comme protection, le sergent John faisait office d'artillerie légère, à coup de grenades et de rafales de fusil d'assaut. Il comprit rapidement que la paladine se défendait très bien en mêlée et que le danger venait des scarabées géants avec leurs attaques à distance...

Mais bientôt le sergent n'avait plus de munitions et commença à se battre à coups de crosse, heureusement assisté par les servo-moteurs de son armure. Kateria continuait à se battre, à consacrer le sol et à incanter des exorcismes de zone. Elle disposait de beaucoup d'énergie, mais les zombies et les goules avaient investi toute la zone et chaque ennemi tombé était remplacé et finissait par se relever.

Dos à dos Kateria et John se battaient avec vigueur. Kateria lança une bénédiction sur John qui démembra ses ennemis avec une ardeur renouvelée. Kateria cria pour se faire entendre dans ce monde de chaos :
"Accroche-toi à moi".
Elle déploya ses ailes de Lumière. John la serra. Ils s'envolèrent au-dessus des masses hurlantes. Quelques gargouilles fondirent sur eux mais Kateria les stoppa à coups d'exorcismes, de marteaux vengeurs et de jugements.

Ils se posèrent à l'entrée située sous la nécropole volante.
"Il faut éliminer la liche qui pilote cette nécropole."
"En tout cas, on est mieux ici qu'en bas".
Ils pouvaient voir les rues grouillantes de la ville endormie qui n'avait opposé aucune résistance... Kateria appliqua les paumes de ses mains contre la paroi froide et humide et essaya de détecter la présence de morts-vivants supérieurs dans la nécropole.

La nécropole était d'une architecture classique. Les ailes étaient désertes; toutes les forces présentes avaient participé à l'assaut de la ville. Kateria et John se rendirent sur le pont où des abominations constituant la garde rapprochée de la liche se précipitèrent sur eux.
"Si c'est ça ton monde je préfère le mien." observa John lorsque les abominations succombèrent à la tempête divine de la paladine.

"Bon je pourrais perdre mon temps à poser des questions, mais j'imagine que vous n'en savez pas plus que moi."
Et la liche répondit d'une voix sans intonations "Hélas j'ignore ce que vous savez."
"Pas le temps de jouer au plus malin." Kateria assomma la liche et s'empara du phylactère installé sur le poste de commandement de la nécropole et le jeta au sol. Il se brisa en mille morceaux et la liche tomba au sol.
"Vite il faut partir, la nécropole va s'écraser. Le truc rouge c'était un phylactère, c'est là que les âmes des sorciers devenus liches sont conservées. C'est leur seul point faible."
"Bon à savoir."

Et ils coururent vers la sortie.
La nécropole s'écrasa sur la ville. Kateria et John réussirent à sauter en vol et Kateria déploya à nouveau ses ailes dorées pour finir par se poser sur une dune à l'extérieur de la ville. Des transports de troupes faisaient leur apparition à l'horizon. La paladine et le sergent se tournèrent en direction de la plage pour assister au débarquement.

"Des machines."
"Incroyable! Les mechs du Nexus!"
"Mmh?"
"Ce sont des robots d'infanterie commandés par les esprits du Nexus."
Les robots imposants se rendirent en direction de la ville et engagèrent un combat inégal avec les zombies, les écrasant et les broyant sous des tonnes de métal...

"Il se passe quelque chose..." fit John en réglant sa radio.
"Autre chose que ça?" répondit-elle en montrant la ville d'un geste vague interrompu quand elle se rendit compte que des robots commençaient se battre entre eux... "Euh je suppose que ce n'est pas une technique de diversion."
"Des esprits rebelles ont pris le contrôle d'une partie des machines..."
"Comment?"
"Les morts-vivants que nous avons tués et tous ceux qui ont péri en masse. Leurs esprits ont été collectés par le réseau satellitaire et transférés automatiquement dans le Nexus où ils ont lancé une offensive."

"Je me demande comment cela va finir? Tout le monde dans le Nexus?"
"Probablement."
"La guerre peut continuer là-bas?"
"Elle peut... L'immortalité n'en serait pas remise en cause et c'est à peu près la seule chose sur laquelle les gens tombent d'accord."
"Une nouvelle guerre éternelle. Ca me donne le vertige."
"Je ne sais pas si elle sera éternelle, mais elle risque d'occuper les esprits un bon moment. Un jour on s'amusera peut être à celui qui reste le plus longtemps sans bouger. Une période glaciaire en quelque sorte."
"Tomber d'accord, occuper les esprits... C'est maintenant que vous commencez à faire de l'humour?"

John réprima un sourire sous son casque.
"Cela occupera les gens sur ce monde. Pour les aventuriers, il reste quelques frontières à repousser : l'espace, les colonies, le passé... Les dieux pourraient aussi s'agacer... ou nous accueillir parmi eux."

Kateria ouvrit son âme à la lumière et essaya de savoir si John disait vrai. Elle avait la nostalgie du passé, de ces vies qu'il fallait protéger, des valeurs à défendre. Mais si c'était la fin de l'Histoire, tout ceci devenait obsolète. La guerre perdurerait car si l'infini allait fédérer l'univers, des esprits resteraient fondamentalement opposés. Peut-être même que certains rejetteraient leur immortalité pour regagner le sel de la vie. Mais ils auraient trop peur d'être seuls et de disparaître alors ils créeraient des cultes. Tout recommencerait sans avoir jamais fini.
Kateria se sentit à la fois soulagée et dépitée. Elle avait survécu à toutes ces épreuves pour assister à une impasse, ou plus exactement une autoroute interminable. Aucune surprise à attendre, tout serait donc balisé, étiqueté, connu, répété...
"Je... c'est triste..."
"Ce n'est pas ce qui me viendrait spontanément à l'esprit."
Devant eux, le chaos régnait. Les morts-vivants ressuscitaient ou bien leurs esprits étaient transférés dans le Nexus où ils prenaient contrôle des infanteries mécanisées... Les esprits du Nexus continuaient à affluer dans leurs machines de guerre mécaniques.
"Si nous mourrons, nous serions nous aussi dans ces machines?"
"Ce serait possible, mais le choix appartient à chacun."
"Oh."

Kateria parcourait les rues, ses ailes dorées déployées et flamboyantes. Des débris mécaniques et des morceaux de chair jonchaient le bitume crevassé. Elle repensa à cette simulation qui l'avait trompée quand elle avait quitté sa bulle temporelle. Mais les corps présents dans la ville restaient immobiles. Pour combien de temps?
John était mort, elle avait pleuré lorsque ses yeux s'étaient éteints. Il avait refusé les soins car l'armée avait besoin de lui et il la rejoindrait plus vite par le Nexus. Cette logique implacable avait bouleversé la paladine car elle était aux antipodes de ses valeurs. Elle aurait survécu avec acharnement, luttant seule, avec ses poings s'il le fallait.
"Chacun doit jouer son rôle. Les vivants comme les morts." lui glissa-t-il avant de sombrer.
Elle marchait sur une grande avenue bordée de palmiers calcinés. Des larmes s'envolaient de ses yeux et scintillaient avant rejoindre le sol où elles formaient de petites perles de lumière. Des familles entières massacrées et maintenant dans ce Nexus. Kateria ne comprenait pas ce monde, ne comprenait pas pourquoi ses habitants semblaient s'en satisfaire. Pourquoi vouloir l'immortalité si c'est simplement pour survivre?
Ses très longs cheveux blonds ondulaient dans la lumière aveuglante du soleil couchant. Kateria n'avait jamais ressenti la Lumière avec une telle intensité. Elle croyait pourtant en avoir éprouvé la pleine puissance ces dernières heures. Elle leva légèrement les bras, regarda fièrement le ciel balafré et commença le rituel. Elle réalisa qu'elle avait toujours su ce qui allait se passer, que les gestes du rituel étaient inscrits en elle, qu'elle avait été choisie et entraînée toute sa vie pour ce moment précis. Son corps baignait dans la lumière. Elle eut une vision de son enfance, du soleil et des épis de blés de sa ferme. Elle acheva le rituel et son corps disparut, remplacé par un halo de lumière. Elle était devenue un pur esprit de lumière. Lorsque le soleil disparut à l'horizon, une nouvelle étoile naquit dans les décombres de Tanaris.

John était dans le désert de Tanaris en train d'écraser des zombies à bord de son robot d'infanterie mécanisé. Il arrosait les groupes ennemis à l'aide de la mitrailleuse lourde installée sur son épaule gauche et utilisait généreusement le lance-flammes monté sur son bras droit. Sa mort et sa résurrection s'étaient déroulées sans surprises. Il s'habituait plus vite que prévu à l'absence de son corps organique. Il restait lucide et cela le réconfortait. Il avait toujours craint de perdre son humanité en perdant son corps. Mais ce nouveau corps obéissait parfaitement à ses commandes encore intuitives. Il détecta un phénomène étrange dans le lointain. Autour de lui, les démons morts-vivants furent pris de convulsions, leurs gueules ouvertes vers le ciel comme s'ils allaient cracher quelque chose... Les gigantesques nécropoles volantes se mirent à perdre de l'altitude.
Le Nexus fut débordé par l'afflux massif d'esprits morts-vivants et déconnecta provisoirement les systèmes satellitaires. Les esprits libérés de leurs corps quittèrent la planète et se rendirent vers leur lieu de repos final.
Alors John comprit que Kateria avait mis fin à la guerre qu'elle avait rapporté du fin fond des siècles. Elle s'était sacrifiée pour exorciser la planète, transcendant toutes les frontières connues et prouvant aux hommes que le Nexus n'était qu'une seconde vie et qu'il y avait un au-delà auquel ils pourraient croire.

Dans une tribu nomade d'un désert autrefois appelé Tanaris, une jeune femme tenait la main de son homme tandis qu'elle donnait naissance à une fille sous le regard bienveillant de la guérisseuse du village.
"Voici ta fille. Comment s'appellera t-elle?"
"Kateria."
La guérisseuse approuva le choix de la jeune femme. Cet hommage à la déesse qui veillait sur eux ne pouvait qu'apporter joie et prospérité. Des femmes choisissaient ce nom depuis des générations innombrables.
La guérisseuse emmaillota l'enfant dans un linge et sortit de la tente pour la présenter à la tribu, au désert et à sa déesse.
Lentement, dans la voute céleste infinie, des étoiles luisaient, d'autres filaient, comme font les étoiles, dans leur ennui. Ce jour, cette nuit, une étoile se mit à scintiller et sa lumière rebondit sur mille rochers, et de ces célestes voisins, elle rebondit encore et encore. Un nouveau réseau se formait au sein du maelström de rayonnements dans l'univers. Au développement exponentiel, il fut vite suffisamment développé pour qu'une conscience émerge.

"PAR LA LUMIERE!"

Dans le réseau formé par sa conscience en croissance, quelques points étaient plus marqués que d'autres. Un enfant joueur aurait pu s'amuser à tracer quelques traits entre ces points... Mais soudain ils se mirent à clignoter dans tous les sens. Car la déesse fut prise d'un fou rire quand elle recouvra la mémoire...

"ON M'AURA TOUT FAIT!"

Aussitôt, elle se rendit compte que non. Elle n'avait pas connu d'époux, elle n'avait pas eu d'enfants. Sa vie de chair avait été souffrance et devoir. Et maintenant, c'était trop tard, elle était devenue une...
"PUTAIN DE DÉESSE!"

Elle apprit à déchiffrer les émissions d'autres consciences dans l'univers. Elle commença à explorer ce nouveau monde... Elle retrouva la planète qui l'avait vue naître, et assista au spectacle de la vie dans un désert. Des milliers d'yeux la scrutaient parmi les tribus du désert : il faut bien dire qu'elle n'était pas une nouvelle constellation très discrète...

Elle apprit que les êtres vivants qui meurent laissent tous une trace dans l'univers, un rayonnement parfois imperceptible, dans des longueurs d'ondes encore inexplorées... Elle comprit que devenir avatar de la lumière lui avait permis de conserver une présence plus ou moins tangible, une conscience active et non seulement des rayonnements fossiles. Elle trouva la Source de la lumière, qui était infiniment plus développée qu'elle. Elle apprit que les forces de la destruction étaient présentes elles aussi, dans d'autres plans... Cette saloperie d'archevêque avait rejoint le camp de l'ombre depuis un millénaire...
Elle retrouva les planètes où Tleilax la shamane avait trouvé les doubles qui lui avaient donné un nouveau corps... Tleilax était elle-même devenue un petit amas d'étoiles filantes, voyageuse comme dans sa vie précédente...

Parce que la Lumière se doit toujours d'éclairer, même la nuit de l'espace, elle commença à s'occuper des tribus qui la vénéraient dans le désert de Tanaris. Quand le clair de lune est assez fort, les tribus rejoignent cet être scintillant qui se baigne dans les eaux translucides de la plage de Tanaris...

Décidément, elle ne ferait jamais rien tout à fait comme tout le monde !
L'air était frais. La lumière vive malgré l'heure matinale.
Kateria regardait par la fenêtre ouverte de sa chambre. Elle vit un jardin charmant et la forêt en arrière-plan.
Elle essayait de se rappeler... comment était-elle arrivée là, devant cette fenêtre, s'appuyant ses coudes sur le rebord, délicieusement voûtée. Elle observa le ciel bleu sans nuages...
Elle se redressa, s'étira en emplissant ses poumons de cet air pur et vivifiant, puis exhala avec volupté en entrouvrant les lèvres.

Elle décida d'aller courir. Aussitôt cette décision formée dans son esprit, son corps sembla s'activer, son coeur battit un peu plus vite et elle commença à chercher ses affaires.

Une tunique légère, un foulard pour nouer ses cheveux d'or, des bottines confortables... La simplicité de sa tenue avait un côté dépaysant... Elle était déjà prête alors qu'il lui fallait toujours si longtemps pour se préparer, revêtir cette armure, passer en revue ce dont elle avait besoin...
Ah si justement, un mouchoir en tissu. L'air était frais, elle en aurait probablement l'utilité.

Elle sortit de cette maisonnette qu'elle ne connaissait pas mais qui lui semblait pourtant déjà familière, apprivoisée... Elle garda la clé dans une main, la serrant légèrement, le métal froid contre sa paume. Elle s'attarda un instant pour faire le tour de la maisonnette puis s'engagea sur le chemin. Après quelques pas, elle commença à courir doucement, modifiant sa respiration et un peu excitée: allons explorer!

*


Chaque foulée répondait à un besoin qu'elle comblait avidement, accélérant petit à petit, sentait ses muscles se tendre et libérer leur force... L'air vif contre ses joues, son bruissement aux oreilles...
Le parcours était une découverte, mais la forêt lui semblait familière. Elle traversait la forêt au sud de la capitale. Elle se sentait si libre, sans armure lourde sur le dos, même si elle avait eu l'habitude de son poids rassurant et presque confortable. Elle était légère, et elle accéléra encore.
Elle adapta son souffle, effort semi-conscient. Quatre inspirations, quatre expirations.
"Respire", pensa-t-elle. Elle recentra son attention sur ses jambes... Sur la pointe des pieds, posture griffée, l'équilibre dans la vitesse... Elle accéléra encore... sauta par dessus un tronc mort, prit garde à sa réception, effleura le sol de ses mains et repartit de plus belle.

*


Elle courut pendant près d'une heure et se retrouva aux portes de la ville majestueuse. Elle s'étira rapidement puis décida de prolonger son expérience de liberté dans les ruelles marchandes. Elle se sentait apaisée, contente.

Le quartier était animé, la foule se pressait contre les étals extérieurs et dans les échoppes.
Kateria se fit bousculer plusieurs fois. Le bien-être laissa la place à une sensation de malaise. Elle sentit un goût acre lui venir aux lèvres et tenta de déglutir.
Le flot de passants la contournait à peine et elle était secouée, ballotée...

Un géant apparut soudainement devant elle. Elle l'esquiva de justesse. Elle remarqua que les apparitions et disparitions de gens étaient très fréquentes, et à chaque fois les personnes fonçaient droit devant elles sans regarder.

Elle commençait vraiment à se sentir mal...Elle essaya de regagner la porte de la ville en passant par des ruelles plus étroites mais le phénomène semblait encore plus marqué.
Elle prit sa tête entre ses mains, elle sentait ses forces l'abandonner, chaque pas était plus lourd... La foule l'oppressait.
Elle se blottit contre un mur, claquant presque des dents, les mains tremblantes, son esprit essayait de trouver des réponses aux problèmes, pourquoi ces réactions. Quelles étaient les causes, pourquoi ces haut-le-coeur... Panique, angoisse. Elle ressentait pleinement la substance de ces mots. Leur sonorité expéditive, cruelle, méchante... Elle cria stop, les larmes coulaient, et, enfin, avec une douceur qui semblait perdue, elle se mit à sangloter...

*


La nuit était tombée. Kateria était recroquevillée dans un coin de ruelle sombre et maintenant déserte.
Elle ouvrit un oeil. Son visage la tirait de partout, son corps était meurtri, elle avait mal au dos, ses jambes étaient ankylosées... Elle avait tellement froid, elle tremblotait.
Elle se releva prudemment, membre par membre, fit un effort considérable pour se lancer et reprendre l'équilibre. Et elle s'appuya contre le mur en attendant que sa tête cesse de tourner... Son front était brûlant. Elle essaya de faire appel à ses pouvoirs de paladine mais la Lumière était inaccessible. Il n'y avait rien d'autre que la nuit.

Elle rassembla ses forces pour rentrer à la maisonnette mais elle réalisa qu'elle était perdue, elle ne retrouverait pas le chemin dans la nuit... Elle fit quelques pas dans la ruelle et trouva de vieux cartons et quelques étoffes mises au rebut. Elle s'en empara et essaya de s'installer du mieux possible dans un coin à l'abri des regards... Elle se sentait misérable et elle n'y comprenait rien. Elle voulait juste.... juste dormir...

*


Le lendemain matin, elle se réveilla meurtrie et encore brûlante. La ville s'animait mais la ruelle était encore calme. Elle s'assit sur son lit de fortune, la tête dans ses mains, tenta de réfléchir mais elle avait froid, chaud, faim, pas si faim... soif... très soif. Sa gorge asséchée et ses lèvres gercées la faisaient souffrir quand elle essayait de déglutir...

Un passant lui jeta quelques pièces de cuivre...

Reconnaissante, elle ne put pourtant que l'observer, les traits fixes et le corps raide... Était-elle condamnée à mendier? Qu'est-ce qui s'était passé? Elle avait été riche, puissante, respectée, une héroïne... Elle n'était qu'une ombre, un déchet au milieu des rebuts...

Elle soupira, prit les pièces et se mit debout en faisant la grimace... Elle avait l'impression de grincer de toutes ses articulations... Elle avait encore de la fièvre pensa-t-elle. Elle acheta du pain et du fromage et but un peu d'eau à une fontaine publique, évitant le plus possible la foule qui se faisait compacte dans les rues principales... Elle sortit de la ville et se dirigea vers la maisonnette, elle pensait pouvoir retrouver le chemin dans la lueur du jour.

*


Le trajet lui prit l'essentiel de la journée, elle fit plusieurs pauses à l'abri des arbres. Elle évitait les routes. Elle ne voulait croiser personne, elle ne ressemblait à rien. Elle pouvait se supporter elle-même mais le regard d'autrui serait insoutenable. L'inquisitrice ne supporterait pas d'être jugée, d'être prise pour une misérable...

Une petite porte en bois... Une petite allée pavée de pierres et au fond du jardin, la maisonnette.
Elle passa la porte, entra dans la cuisine et mangea une pomme, un peu de fromage et but beaucoup d'eau. Elle fit sa toilette avec plusieurs seaux d'eau puisés dans le jardin, grelotta à cause de la fraîcheur de l'eau et alla s'envelopper dans un drap de bain. Elle monta à l'étage, titubant, et s'effondra sur un lit où elle s'enveloppa de la couverture.

Quelques pensées traversèrent son esprit - était-ce réel? Qu'est-ce qui lui arrivait? Et le sommeil s'empara d'elle.

*


Le lendemain, elle se réveilla dans de meilleures dispositions, quoi qu'encore un peu fiévreuse et avec des courbatures. Elle fit infuser quelques plantes et munie d'un bol, elle commença à visiter en détail la maisonnette. Il y avait... beaucoup de choses, partout. Des meubles, des bibelots, des livres, des piles de vieux papiers, de la décoration partout sur les murs...
Elle se sentait de plus en plus oppressée...

Elle prit une pile de vieux papiers et l'amena dehors, la posant au fond du jardin, sur un ancien tas de cendres. Elle se sentait un peu mieux... Elle s'arrêta sous la lumière du soleil, goûtant sa douce chaleur sur son visage et ses épaules dénudées.

*


Il y avait de quoi manger dans les placards et le garde manger.
Le jardin était bien pensé, il produisait des fruits et des légumes pour toutes les saisons. Kateria s'installa comme si c'était chez elle. Peut-être était-ce chez elle.

Elle passa un peu de temps le premier jour à nettoyer, à dégager de l'espace en se débarrassant de vieilleries, en classant, rangeant... Ce travail l'occupait physiquement et il lui semblait qu'il mettait aussi de l'ordre dans son esprit. Elle ne supportait plus l'amoncellement de souvenirs qui lui étaient étrangers, l'encombrement de l'espace. L'espace... elle en avait besoin, il était vital. Elle avait besoin de place, de plus de place, de murs blancs, vides... Sur lesquels elle pourrait se projeter, elle, sans pollution extérieure... elle, dans toute sa pureté. Se concentrer sur son essence, loin de toute perturbation. Elle se déplaçait en silence, avec mille précautions, identifiant ce qu'il faudrait encore ranger, jeter, brûler dehors... Étrangère dans cette demeure, sa demeure, cernée par des objets qui prenaient de la place, sa place, qui menaçaient presque de la remplacer si elle baissait la garde. Elle les voyait - ils la voyaient. Une paladine de faïence guettait, cherchait ce qu'il faudrait faire, encore, pour s'approprier l'espace, étendre sa zone de confort, réduire les perturbations le plus possible...

Elle se promena un peu au dehors, revenant vite dans ce lieu familier et étranger à la fois.
Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Avait-elle rêvé cette vie si fort que le rêve avait écrasé sa mémoire? Ce dont elle se souvenait était si discontinu... Elle perdait le fil... Ses longues nuits et ses siestes rendaient ces souvenirs de plus en plus ténus, lointains... Il y avait cette maison, ce jardin... Elle se rendit compte que tout ici était comme elle l'aurait fait, bien pensé, après des années de vie dans ces murs... Utilitaire. Il n'y avait que ces objets en surplus qu'elle ne pouvait pas supporter... Elle ne les comprenait pas, ils étaient une énigme, du sel sur une plaie béante...
Elle restait béate devant des objets simples, utiles. Une tasse de café aux motifs délicats... Une carafe d'eau aux reflets bleutés...
Elle se disait qu'elle avait vraiment un problème, mais épurer son environnement et se réfugier dans des moments de pause, de contemplation béate, semblaient des actions apaisantes... Alors elle continuait cette nouvelle routine de rangement et de repos...
Elle espérait être bientôt remise mais elle savait qu'il lui faudrait du temps... L'idée même de retourner à la ville lui donnait des palpitations et les larmes lui venaient aux yeux... Sa tension semblait chuter, ses pas se faisaient lourds... Alors elle allait se blottir dans un tas de couvertures et de coussins...
Elle se réveilla au milieu de la nuit. Elle se redressa sur un matelas dans le salon où elle s'était endormie en fin d'après-midi. Son coeur battait fort et elle sentait les pulsations de son sang... Elle repoussa un peu le duvet puis le ramena vers elle, cherchant finalement la chaleur...

Elle venait de faire un rêve qui lui revenait peu à peu... Il y avait cette personne, cet homme qu'elle avait déjà vu... Ou dont elle avait rêvé? Elle essaya de se raccrocher à cette présence tenue, mais les images s'effilochaient rapidement... Elle sentit les larmes monter en elle. Elle prit un coussin, le serra dans ses bras et s'enfouit un peu plus profondément dans son abri moelleux.
Elle se rendormit.

*


Une lueur dans l'espace. Une étoile filante peut-être. Elle se mit à grossir, à emplir le ciel de Tanaris... Un frémissement parcourut les légions qui grouillaient au sol. Peut-être que les terres de ces tribus du désert étaient sacrées finalement? Peut-être que l'invasion et les crimes commis ne resteraient pas impunies? Mais personne n'avait le pouvoir de contrecarrer les légions du mal dans cette portion de l'univers... Les forces déclinantes de la Lumière se concentraient sur d'autres fronts et les puissances obscures corrompaient des systèmes solaires par lots... Celui-ci ne pouvait pas résister, aucun ne le pouvait, si loin de la source de la Lumière...

La boule de feu géante s'écrasa sur le sol, formant un large cratère... Les légions s'approchèrent...

Tic. Tic tic. Tic tic tic...

Le premier cran d'un rouage fait du titane le plus pur émit un léger son lorsqu'il se mit en mouvement. Il s'opposa au cran d'un second rouage, qui résista brièvement puis se soumit à sa nature et s'enclencha.
Lentement, les mécanismes se mirent en branle. Les circuits secondaires se lancèrent à leur tour, injectant de l'huile dans les sections mécaniques et du combustible enrichi dans les servomoteurs.
La révolution mécanique s'étendit et peu à peu l'organisme synthétique gagna en vigueur.

Les pistons coulissèrent dans leurs cylindres... Les mécanismes accumulèrent une tension grandissante... les ressorts comprimés à l'extrême.... l'énergie brûlée sans limites, les circuits de refroidissement finirent par s'échauffer eux aussi.

Et soudain, un déclenchement libérateur... mille pièces travaillant de concert avec une énergie volcanique et guidées par des servomoteurs obnubilés par une programmation impérieuse...
Un poing massif se déplaça à une vitesse prodigieuse vers sa cible.

Des chairs se déchirèrent, des os se brisèrent, des organes vitaux éclatèrent.... Un être déchiqueté fut ensuite écrasé par les pieds métalliques d'un robot.

Le robot releva la tête. Plutôt que des mots vides de sens, ce furent des bras de métal qui s'abattirent sur les hordes furieuses.
Kateria se réveilla. Cette fois il faisait jour. Ce devait être le milieu de la matinée. Elle se leva et alla se préparer une infusion dans la cuisine. Ce rêve était tellement étrange... Elle se demandait où était le rêve, où était la fiction, où était la réalité... Le rêve la poursuivit un peu tandis qu'elle travailla dans le jardin jusqu'au déjeuner. Le fait de travailler dans le jardin de la maisonnette lui avait permis de toucher la réalité, la fatigue du travail de la terre... Cela lui permettait de se sentir ancrée quelque part, et elle ne voulait plus bouger. Stabiliser cette existence décousue, pleine de vides, de ruptures... Depuis plusieurs jours, sa vie semblait dotée d'une certaine continuité... Elle était effrayée, jusqu'à maintenant, elle n'avait jamais ressenti le passage du temps, ces minutes s'égrenant doucement avec un bol d'eau chaude dans les deux mains... Il lui semblait qu'elle avait toujours sauté d'évènement en évènement, perpétuellement en activité, en route, en combat... Pause. Elle arrivait à faire des pauses. Petit fille menée par le bout du nez, instinctive, réactive, emplie d'un constant sentiment d'urgence, elle arrivait à dire pause, à s'arrêter, à réfléchir. Cet épisode de sa vie semblait lui permettre, lui donner ce temps pour se retirer et mûrir... personne pour la déranger - tant mieux, elle redoutait la foule après son malaise dans la capitale...

Après le déjeuner, elle décida de faire une sieste - enfin son corps engourdi décida pour elle qui se laissa prendre part une délicieuse torpeur sur une chaise longue dans le jardin.

*


Lentement elle retira son appendice métallique ensanglanté et glaireux du triste cadavre qui put alors enfin reposer à terre non sans emplir la clairière d'un dernier son mat si funèbre. Une première vague vaincue... Mais pourquoi? A quoi servait cette vengeance? Les tribus qu'elle protégeait avaient péri en un instant dans une vague d'ombre. Sous le choc, elle s'était précipitée pour intervenir, choisissant la forme la plus puissante qu'elle pouvait imaginer, son hybridation avec le métal, être de lumière dans un carcan de titane pur... Et puissante elle l'était... Mais cela ne servait à rien, ce monde était mort. Et elle était coincée dans ce corps qu'elle haïssait, dans une guerre qu'elle ne pouvait gagner puisqu'il n'y avait rien à sauver, plus qu'à punir l'irréparable...

La voix synthétique échoua à restituer le hurlement de désespoir de celle qui pensait être libérée de ses chaînes de métal à jamais... Son sacrifice ne prendrait donc jamais fin?

Quelques larmes de sang perlèrent dans ses yeux injectés de sang...
Sa vision s'obscurcit et pendant quelques instants elle perdit l'usage de la vue... la machine prit le contrôle d'un sous-système complémentaire...quelques circuits se mirent sous tension, des impulsions se lancèrent en cascade...
Elle sentait le sang, les tripes, le métal brûlant, le feu, les déchets de combustion.... Elle entendait le chaos, les lames, les chocs, les gémissements, les cris de guerre... Elle souffrait de ses chairs meurtries, sentait son sang couler des flots de son propre sang, de sa peau dont des pans entiers étaient en lambeaux. Le goût du sang, salé, métallique, un goût de cendres, la rebutait mais cracher était un luxe inaccessible.
La vue lui revint en infrarouge... La machine gagnait sur tous les terrains.
Elle était là, quelque part, dans cet océan rouge de chaleur, là, quelque part, au coeur de ce maelström sanguinaire. Les articulations mécaniques sollicitées à leur maximum s'échauffaient à en rougir. Son coeur de magma pulsait intensément. Les circuits de refroidissement répandaient la chaleur des circuits principaux dans l'ensemble de l'organisme synthétique.
Et la machine continuait inlassablement, indestructible, à éventrer, démembrer, empaler les hordes qui se jetaient sur elle. La surchauffe générale ne la rendait que plus meurtrière, enflammant les tissus qui entraient à son contact, carbonisant les chairs à chaque choc...
La machine éjecta l'un des coeurs de magma dont elle tirait son énergie colossale... Il explosa plus loin, augmentant encore le compte de victimes... Le monde semblait tellement brûlant qu'il en devint blanc en vision infrarouge. Tellement lumineux...

Sa conscience intermittente contemplait cette vision, cette lumière intense, un peu familière mais tellement étrangère... Quelle démesure, cet océan rouge et blanc... Ce creuset alimenté des âmes et du sang des ennemis...
...s'ils étaient bien des ennemis...? une pensée éparse, submergée par le flot d'images et de sensations. Elle s'abîmait dans les abysses, mais la machine l'empêchait de perdre conscience... Ballottée entre vie et mort, spectatrice impuissante, poupée de chiffon perdue dans le moteur d'une montagne de métal, elle laissait faire... Rien n'importait, il n'y avait que ce rouge et ce blanc un peu familiers, tellement étrangers... Des âmes, du sang... les abysses... impuissante poupée dans une carcasse de métal... Ballottée... Perdre? Qu'y avait-il à perdre déjà? Ce monde était tellement rouge et blanc... chaud et lumineux.
Kateria se réveilla. La nuit était en train de tomber. Elle rentra la chaise longue et quelques meubles de jardin, arrosa rapidement les plantes. Ce rêve étrange l'intriguait...
Elle ferma la porte, mit un tour de clé et se rendit dans le salon après être passée par la cuisine pour se faire un sandwich. Elle s'emmitoufla dans des couvertures et se blottit dans un canapé proche du feu de cheminée. Elle mangea lentement, secouant les miettes qui tombaient sur les couvertures. Elle but un peu d'eau pour faire passer le pain. Le feu crépitait. Elle sentit ses yeux s'alourdir alors elle s'installa un peu mieux, cala un coussin sous sa tête en arrangeant un peu ses cheveux pour qu'ils ne la gênent pas...

*


Il y eut un dernier scintillement dans son champ de vision et sa conscience s'éparpilla...
La machine avait pris le contrôle de tous ses sens et s'en servait pour mener le combat, pour vaincre enfin, réaliser les objectifs de sa programmation...Le métal en fusion connecta intimement tous les neurones du sujet au coeur de silicium, profitant des nouvelles capacités, gagnant en rapidité d'exécution sur tous ses processus de combat.

Le silicium calculait ses chances... Le monde était autour de lui, parfaitement et entièrement hostile, et il avait beau utiliser toutes ses ressources, démultiplier sa vitesse et le rayon d'effet de ses attaques, ses chances de succès étaient infinitésimales. Ses réserves d'énergie baissaient dangereusement.

Face à ces décimales abyssales, il lui vint une intuition issue de ses nouvelles composantes biologiques. Le silicium décida de se diviser. Des milliards de milliards de fois. Fibres, cellules, molécules, atomes, toujours plus élémentaire.

Alors le monde cessa de s'en prendre à la machine, car elle n'était plus palpable. Les particules commencèrent à mettre en oeuvre leur stratégie...
Elles infectèrent le monde ennemi. Elles se mirent à former un réseau lâche mais suffisant pour transmettre efficacement des données, se regroupant et se redivisant autant de fois que nécessaire. Des nuages invisibles se mirent à transpercer les organes vitaux d'ennemis impuissants... Ils commencèrent à se reproduire en exploitant les ressources des corps conquis et des ressources naturelles alentours. L'ennemi fut vaincu et assimilé. Le nuage commença à se mettre en veille, la menace étant anéantie.

Un réseau de particules fit alors sécession de ce géant ensommeillé et commença à négocier sa re-constitution. L'assemblée formée prit acte de son origine, une majorité de particules d'origine biologique et humaine, laquelle prit le pouvoir et décida de prendre la seule forme qui lui était naturelle.

Elle passa une main dans sa longue, très longue chevelure blonde aux discrets reflets de métal... Et elle se volatilisa.
Elle se réveilla.

Froid.
Ce fut sa première impression. Elle avait froid. Elle était allongée sur du froid lisse et dur. Ce n'était pas son canapé, ni son salon. Et ce rêve dément... Elle se retourna et heurta une masse tiède et molle - alors elle fit un mouvement de recul et son coeur s'interrompit le temps d'une pulsation.

Il faisait noir. Son coeur accélérait. Elle entendait son bruit sourd, ses pulsations amples et rassurantes. Elle posa sa paume sur sa poitrine pour mieux le sentir. Elle prit un court moment pour sentir son rythme et attendre qu'il s'apaise.

Elle se sentait perdue après ce rêve, perdue car elle n'était pas où elle pensait être, perdue, perdue, perdue. Quelque chose s'était passé, quelque chose l'avait rappelée. Etait-elle finalement une paladine, une paysanne, une déesse? L'ensemble? Qu'est-ce qui était réel?

Son sang s'échauffa - il faudrait en finir avec ces incertitudes. Elles avaient assez duré. Il fallait qu'elle décide ce qu'elle était. Elle se demanda si.... oui! Ici, elle pouvait faire appel à la Lumière... Elle invoqua une faible lueur dans sa main libre et regarda en direction de la masse étrange.

C'était un cadavre habillé d'une robe grise. Et il y en avait d'autres. Elle canalisa plus d'énergie et la lumière révéla une vaste salle avec des colonnes.
Les corps formaient des cercles concentriques autour d'elle... Il y avait une dizaine de cercles avec chaque fois plus de corps vêtus de robes et encapuchonnés...

"Ehrmm...". Elle s'éclaircit un peu la voix tout en se redressant. Elle était nue, habillée seulement de ses infinis cheveux d'or.

Elle ignorait ce qu'elle faisait là. Elle ne savait pas ce qui était vrai, vivait-elle dans un rêve? Était-elle un rêve? Réelle? La terre et ses outils, la maisonnette semblaient si vrais... Mais ici la connexion avec la Lumière la faisait douter de la réalité, elle était si essentielle, si apaisante, si belle, fondamentale...

Cette salle... Kateria sentit que des esprits étaient proches. Tous ces corps venaient de mourir... Et elle venait d'apparaître ici.

Elle adopta une position bien ancrée au sol et leva légèrement les bras. Elle essaya de capter un maximum d'énergie sacrée... Et il y en avait... il y en avait tellement... Elle absorba toute la puissance nécessaire et se prépara à ramener une centaine de disciples à la vie simultanément...

* * *


Elle abandonna en exhalant un léger soupir son lien à la source de la Lumière et observa la scène... Les disciples ranimés se relevaient péniblement mais en silence. L'un deux, parmi le premier cercle, lui faisait face.

"Vous nous avez ramenés... Nous avons eu raison d'avoir foi en vous."

Kateria ouvrit la bouche un instant et la referma. Un geste probablement suffisamment explicite pensa-t-elle.

"Vous devez vous demander ce qu'il se passe."

"Mmmh.", grogna-t-elle laconiquement.

"Nous avons un problème."

Kateria le fixa, un mince sourire se dessina sur ses lèvres...

*


Le disciple ne lui avait rien dit, la pressant simplement de rendre à l'extérieur. Drapée dans un long, très long manteau d'or, Kateria s'imprégna de ce monde où elle avait été appelée, se déplaçant lentement dans des terres dévastées. Un instant, elle s'imagina dans des prairies verdoyantes, effleurant les hautes herbes... puis elle comprit que c'était une vision de cette terre, avant.

Elle était là, et regardait autour d'elle les ravages de la guerre. Elle était là, et se demandait quoi faire. Ce monde lui semblait familier. Et elle commençait à détester cette sensation. Pourquoi TOUT lui semblait familier?

Un flottement.
Au loin.

Elle écarquilla les yeux, tentant de discerner quelque chose.
Un nuage s'approcha d'elle et s'organisa en une masse compacte au sol qui s'aggloméra et commença à prendre une forme familière.

Kateria regarda ce spectacle étonnant. Elle n'arrivait pas à faire le tri dans ses souvenirs, démêler le vrai du faux...

"Bonjour", prononça une paladine de métal à la voix synthétique.

"Mmmh. Salut."

"Pourquoi protèges-tu ces gens?"

"Quoi? Qui?", interrogea Kateria, perplexe. Elle ne s'attendait à rien, mais alors pas du tout à ça.

"Ces cultistes. Ces fous capables de ramener le chaos dans ce monde que nous avons purifié."

"Oh."

"Ce sont eux - et d'autres! - que nous avons combattu dans une guerre désespérée pendant lequel nous avons fusionné et uni nos esprits si différents. Nous avons mis fin - physiquement - à la folie de cette invasion totale. Nous nous sommes séparées et tu as disparu. Après ton départ, des poches d'ombre se sont reformées et les légions grouillantes peuvent revenir n'importe où, n'importe quand... Sans ta Lumière nous n'arrivons pas à éliminer définitivement les incarnations du mal sur ces terres, elles se fondent dans la matière, invisibles même pour nous qui sommes infiniment grandes et petites à la fois..."

"Hmmm... "

Kateria commença à se demander si elle devait vraiment faire la part des choses entre fiction et réalité. Peut-être qu'elle avait tout vécu après tout. Si le temps s'écoulait toujours dans le sens qu'elle connaissait, elle se situait donc après son existence de déesse. Quelque chose avait du menacer les peuples de Tanaris qu'elle guidait depuis des millénaires... Quelque chose d'assez puissant pour qu'elle décide de revenir sous cette forme de paladine plaquée en titane qu'elle avait abhorré, mais qui était indéniablement une machine de guerre irrésistible.

"Pourquoi es-tu partie? Nous avions si bien travaillé ensemble... Ce monde est presque en paix."

Kateria fit appel à la Lumière et essaya de percevoir ce qu'il en était. La vie semblait quasi-inexistante.

"En paix... par défaut."

Kateria se demanda où étaient les tribus de Tanaris... Avait-elle participé à leur génocide? Qui étaient ces gens au sous-sol? Pourquoi l'avaient-ils invoquée?

"Je serais donc la part humaine de l'être hybride que nous composions?"

L'être de métal sembla décontenancé un instant. "Oui, bien sûr."

"Et j'avais disparu?"

"Oui, après la sécession, tu t'es volatilisée. Inaccessible dans cet espace-temps."

Kateria commençait à comprendre. Elle s'était réfugiée dans une bulle de temps, dans son passé... Ces disciples mystérieux avaient utilisé une magie indéterminée pour la rappeler, ce que la machine ne savait pas faire, si puissante qu'elle était dans l'espace physique...

"Alors tout est vrai... ces rêves..."

"Pardon?"

"Chère... machine, puis-je m'absenter un instant? Je dois m'entretenir avec ces gens en bas."

"Certes. Rappelles toi que le mal veut toujours s'emparer de ce monde. La paix doit être préservée."

"Euh oui. On en reparle plus tard..."

Le corps de métal se divisa et partit au loin tel un essaim.
Kateria redescendit. Une assemblée l'attendait.

"Bon."

Le disciple du premier cercle s'approcha d'elle.

"Ce monde a été contaminé par le mal. Nous sommes l'une des poches qui resurgissent régulièrement avant d'être détruites à nouveau par votre incarnation métallique."

"Continuez."

"Nous n'avons rien demandé. Le mal perdure sur cette planète souillée, seule la Lumière peut l'exorciser, la destruction implacable dont nous faisons l'objet ne résout rien."

Kateria puisa légèrement dans la source la Lumière, essayant de se faire une opinion sur la corruption de ce monde. Il n'y avait quasiment aucune trace de vie, à part quelques poches souterraines comme celle-ci. Elle balaya différents spectres, cherchant le mal... Oui... il était bien présent, insidieux, accroché à la matière sans être palpable. Elle n'avait jamais observé une telle corruption... Habituellement, le mal se présentait par tâches, plutôt faciles à identifier. Ici, il s'était divisé et incrusté dans le monde entier. Chaque chose de ce monde était légèrement corrompue.
Elle tenta de purifier son propre organisme qui commençait à être contaminé par l'atmosphère vecteur de particules néfastes, tout son système respiratoire était gagné par ces insidieuses particules de mort...
Elle concentra la puissance de la lumière dans son corps et se mit à rayonner légèrement, puis un peu plus fort...
Elle avait purifié cette planète une fois... Dans une autre vie... Mais la source de la Lumière, même forte et accessible, était trop éloignée pour lui donner l'énergie nécessaire...
Son corps se mit à luire plus fort, ses longs cheveux blonds qui l'enveloppaient depuis son arrivée sur cette terre s'écartèrent de son corps et se mirent à onduler.

Elle chercha... Elle pouvait purifier son corps, mais la corruption était omniprésente et elle ne pouvait pas tolérer sa présence dans son corps... Il fallait trouver un moyen...
Elle se rappela... L'armure de John. Cet exosquelette de combat... Un casque intégral, qui isolait le porteur de l'extérieur. Il lui fallait une combinaison complète, qui l'isolerait le temps de trouver une solution plus globale.

Peut-être n'était-ce pas nécessaire? Peut-être qu'elle pourrait attendre encore, patienter?
Elle secoua la tête. Pas de compromis avec le mal. Elle se demanda si les particules mortelles commençaient à affecter son jugement...

Elle se rappela où elle était. Les disciples l'observaient avec attention.

"Je suppose que vous n'avez pas d'armures?"

"Elles ne nous sont d'aucune utilité."

"Non bien sûr, les particules du nuage vous transpercent quand même, et le mal vous imprègne petit à petit..."

"C'est ça."

Kateria essaye de former une barrière de lumière autour de son corps, un bouclier sacré capable de filtrer les particules approchant son organisme. Elle fit quelques pas, analysant la résistance de la protection et son efficacité. Elle la modifia légèrement plusieurs fois et, satisfaite, décida de faire une annonce :

"Je devrais pouvoir purifier les traces de corruption qui vous habitent et maintenir une protection sur chacun d'entre vous. Elle vous isolera de la présence du mal. Si vous y êtes exposés depuis longtemps, préparez-vous à un choc..."

La plupart des disciples se tordirent de douleur et s'effondrèrent au sol, leur vie envolée. Kateria décida de ne pas les ressusciter, ils n'étaient plus viables, trop corrompus dans leurs esprits comme dans leurs organismes.

Les autres, maintenant protégés, enjambèrent avec précaution leurs frères défunts et rejoignirent la paladine qui se dirigea vers l'extérieur.
Kateria était assise sur le rebord du toit de sa maison, face au soleil encore chaud du début de soirée. Devant elle, sur la place de marché, quelques passants faisaient leurs dernières courses avant de rentrer dans leurs foyers.
Elle attrapa machinalement son verre et avala une gorgée de liqueur d'amande amère.

Elle soupira légèrement, ferma les yeux et sentit la chaleur des rayons du soleil sur son visage, redressant son buste et se mettant un peu en arrière...

Un havre de paix... Et pourtant à l'horizon, ces frontières qu'il faudrait repousser pendant des siècles...

Kateria repensa à sa sortie de l'abri... Son premier commandement avait été de lancer une partie des disciples à la recherche des abris partout dans ce monde...

Avec les autres disciples, elle commença à bâtir les fondations d'un village sur une terre assainie où elle passait ses journées à protéger et bénir contre les incursions des particules du mal. Le nuage robotique devait être là, au loin, occupé à on ne sait quoi, mais non hostile, c'est tout ce qui intéressait Kateria pour le moment.

Les disciples revenaient un à un avec des rescapés puis après un temps de repos, repartaient dans leur quête, bénis par la paladine....

Le village devint une petite bourgade, se dotant d'infrastructures...
Des champs alentours commencèrent à être cultivés, sous la protection de la déesse incarnée.

Kateria commença à former certains disciples aux enseignements de la Lumière. Leur aide serait indispensable pour que la communauté continue à croître en sécurité.

Elle battit légèrement ses jambes dans le vide... Il y avait tant à faire dans ce monde renouvelé, et pourtant elle pensait souvent au passé... John. Existait-il encore quelque part? Tleilax... Varenka... Akaren... Ils étaient vivants en elle, leur souvenir avait traversé leur temps...

Elle termina son verre et se rendit dans la grande salle commune pour le dîner.
Elle entendit un lourd craquement et, immédiatement, la lame d'une épée apparut au milieu de son torse. Une cascade de sang se mit à couler. Elle vacilla, tomba à genoux, les yeux fixant la lame... Comment était-ce possible? Trahie? Dans cette communauté qu'elle avait mis tant de temps à construire et à protéger de la corruption extérieure?

Pourquoi n'avait-elle rien vu venir? Etait-elle si aveugle dans sa poursuite du bien commun qu'elle ignorait l'existence d'ennemis mortels dans le sein même de cette ville qu'elle avait nourrie?

Elle se mit à repenser à son enfance mais balaya rapidement ces pensées de son esprit.
Non, elle ne mourrait pas aujourd'hui.

Le sang coulait toujours tandis qu'elle cherchait à détecter si une présence ennemie se tenait toujours derrière elle. Il semblait qu'elle était seule, sur cette place du marché déserte et commençant tout juste à être éclairée par la lumière de l'aube...

Avait-elle rêvé? Personne sur la place... Nul hostile dans les environs... Et pourtant, cette épée dans ses os... Cette mare de sang... Son sang...
La tête lui tournait; elle invoqua la Lumière pour arrêter le saignement...

Elle saisit la lame de l'épée à pleines mains, se coupant légèrement les paumes... Non... Elle ne pourrait pas l'enlever par l'avant, la garde bloquerait dans son dos. Alors elle entreprit de repousser la lame dans son corps... Puis, elle plaça ses mains sanglantes dans son dos et elle continua à extraire la lame, se coupant encore plus profondément... Elle contint l'essentiel du saignement avec un sort de soin, mais la scène était néanmoins horrible à contempler.

Enfin, la lame tomba au sol. Kateria utilisa plusieurs petits sorts de soins pour parer au plus urgent et stabiliser son état, puis elle s'allongea dans son propre sang et regarda le soleil se lever.

Elle verrait donc finalement un jour de plus... Elle sombra dans un sommeil sans rêves, épuisée.
Elle se réveilla en sursaut. Sa respiration était beaucoup trop rapide, elle essaya de se concentrer pour la ralentir, mais en vain. Son coeur battait lourdement dans sa poitrine, des bruits sourds, brutaux. Elle eut un moment d'inquiétude, mais sa condition physique était excellente et cela la rassura.
Sa respiration était toujours trop rapide, alors elle entrouvrit les lèvres pour faciliter les inspirations et les expirations. Elle passa sa langue sur ses lèvres inférieures asséchées, et son visage se crispa sous la douleur et l'horreur d'un goût salé et métallique.
Elle nota qu'un masque semblait coller à sa peau mais craquelait avec ses mouvements...

*


Elle se redressa péniblement et s'assit, une jambe repliée et l'autre tendue, s'appuyant sur ses mains, les paumes contre le sol... les coupures mal refermées étaient douloureuses.
Ses yeux secs voyaient mal, et elle cligna plusieurs fois pour les humidifier.

La place du marché était recouverte de sang noir et encore rouge vermeil par endroits.

"Oh non..." Les larmes qui montèrent aux yeux et ses yeux trop secs devinrent trop humides...

Se soigner de l'attaque fourbe qu'elle avait subi avait drainé toutes ses forces et elle avait perdu connaissance. Les barrières de Lumière qu'elle avait établies patiemment autour de la communauté s'étaient effondrées... Et le massacre avait commencé pendant qu'elle baignait dans son propre sang.
Elle sonda rapidement les environs et cela confirma son intuition. La zone était lourdement contaminée. Quelques maisons présentaient des traces de protection, il s'agissait de celles de ses disciples qui avaient du tenter de résister avant de succomber aux assauts.

Tout était perdu, il n'y avait plus rien de vivant aussi loin que sa perception lui permettait de voir... Elle était seule sur une planète de sang... Elle avait failli, ces gens qu'elle avait sauvés, cette communauté qu'elle avait participé à construire... Tout était perdu.
Les larmes suivaient les coins de ses yeux, ses joues, son menton, et ruisselaient au sol, colorées du sang séché sur son visage et formant de petites tâches plus claires sur la dalle ensanglantée.

Aucun corps n'était visible, il n'y avait que ce sang, partout... Le mal avait entièrement consumé les habitants, les transformant en magma indistinct et la recouvrant entièrement sans oser ou pouvoir s'attaquer à son corps sacré. Tout effort pour ramener les victimes à la vie était vain...

Elle était perdue et choquée, son cerveau ralenti n'arrivait pas à faire face... Elle répétait doucement des formules vaines de dénégation.

Elle tenta après un moment de se relever... Ses très longs cheveux d'or étaient méconnaissables, alourdis par la masse poisseuse, et collaient aux dalles de la place. Elle tira doucement pour les dégager, lentement, elle n'avait rien d'autre à faire...
Finalement, elle attrapa l'épée qui l'avait transpercée, qui gisait à ses côtés, et s'en servit comme appui pour se relever.
Elle trouva un semblant d'équilibre. Elle pensa, cette épée pourrait la transpercer à nouveau, et le cauchemar prendrait fin... Elle eut un haut le coeur et se pencha un peu, la main devant la bouche... Sa respiration s'était à nouveau accélérée.

Une forme familière se composa devant elle.

"Séparées nous n'avions aucune chance."

Kateria releva les yeux et fixa l'avatar métallique.

"Le Mal a utilisé la même technique que nous, se diviser infiniment pour vaincre. Cela n'a pris qu'un instant. Ils n'ont pas eu le temps de souffrir."

Kateria écoutait...

"Il nous faut fusionner à nouveau. Je suis inutile sans la force de ta Lumière, et tu es inutile sans ma puissance."

Kateria soupira. L'avatar avait probablement raison. Elle avait sauvé une portion de terre et quelques centaines de personnes de la corruption pendant longtemps, gardé espoir devant le lent reflux de la corruption et les progrès de ses disciples... Mais ce monde était perdu désormais.

"Il n'y a plus rien ici. Il faut rejoindre la source de la lumière, s'organiser et porter le combat jusqu'aux racines du mal."

Elle observa un instant cette épée dans sa main qui aurait pu abréger cette vie de sacrifice et de douleur... La tâche semblait insurmontable et l'était pour une humaine seule. La proposition du métal incarné était le seul chemin qui n'était pas encore une impasse.
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