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Comme une ombre dans les ténèbres

Par Lothan
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Comme une ombre dans les ténèbres

Le vent transporte une senteur d'épices, mais aussi les fragrances... de poisson. Oui, du poisson grillé. Peut-être des dipneustes de jade, dont la chair à un goût si riche, particulièrement lorsqu'il est mis en avant avec une cuisson à la vapeur. Et les épices ne sont pas clairement identifiables, mais il croit discerner ces fameux piments rouges, comme ceux qu'adorent les hozens.
« Désirez-vous à manger, monseigneur ? ».
Irion sourit, mais sans répondre. Lesher est un fidèle serviteur, qui sait toujours ce que veut son maître une fraction de secondes avant qu'il ne le lui demande.
« Je...
-Monseigneur ? ».
Irion fronce les sourcils, puis se retourne brusquement. Il le sent. Non pas avec son odorat de dragon, mais grâce à sa conscience surdéveloppée. Son esprit sans égal sent cette empreinte typique de la Pandarie, ces relents de peur, de haine, d'orgueil, de...
« Monseigneur ? insiste Lesher en posant sa main sur le pommeau de sa hache. Quelque chose ne va pas ?
-Quelque chose se trame, mon ami. Quelque chose que je n'avais pas prévu ».

Elle boucle sa ceinture, et sourit. Un de ces sourires qui promettent la mort, froide, effrayante, mais au moins définitive.
« Désirez-vous quelque chose, ma dame ? ».
Sylvanas cesse de sourire, et secoue la tête négativement. Elle vérifie son carquois, sa cape, et regarde un instant la lune briller dans le ciel.
« Est-ce une bonne idée ? insiste une dernière fois Lyrlia.
-Bien sûr que non, répond Sylvanas, et sa voix semble en parfaite harmonie avec la nuit froide. Si c'était une bonne idée, je n'y serais pas allé, n'est-ce pas ? ».
La première fois que Lyrlia a entendu l'humour de sa nouvelle maîtresse, elle a été étonnée ; la deuxième fois, effrayée. Maintenant, elle se contente de sourire elle aussi, et d'ignorer l'éternel éclat de douleur qui illumine les iris de la Dame Noire. Le duo, vêtu de capes sombres, grimpe non pas les marches, mais les mottes de terre à côté, camouflées par les hautes herbes. Le sol est dur, et pendant un instant, Lyrlia Noirégide se rappelle ses innombrables combats pour la Horde, dans le centre tourmenté de l'Œil du Cyclone. L'Outreterre n'aura pas été tendre pour elle, mais cela n'aura fait que la renforcer.
Il leur faut une demi-heure pour arriver au sommet. Le calme de la nuit est tout juste troublé par les éclats de rire qui fusent de la taverne, là-bas. Grâce à ses narines mortes, Sylvanas inhale les riches senteurs de poissons cuits, qui arrivent jusque dans ses poumons immobiles. Les gens pensent la vie cruelle, mais ce qu'il y a après est bien pire.
« Allez-vous enfin me dire ce que nous faisons ici, madame ? ».
Encore une fois, Sylvanas reste silencieuse. Elle se redresse de toute sa taille, et grimace légèrement lorsque la blessure de sa poitrine la tiraille. Le froid lui a toujours fait cet effet-là, même dans les geôles sombres de Fossoyeuses.
« Ma dame ?
-J'ai entendu, Lyrlia. Eh bien, puisque tu veux savoir... sache que nous allons détruire la Horde ».

Le premier assassin est un Elfe de la Nuit, parfaitement à l'aise dans cette obscurité. Mais Irion est... il est Irion, tout simplement. Son revers déchire la gorge du kal'dorei, et tâche son joli plastron de mithril. Les deux autres sont des humains, rapidement embrochés par les autres gardes du Prince noir. Lesher s'apprête à lâcher un commentaire sarcastique sur l'entraînement des forces de l'Alliance lorsque son compagnon s'effondre, une flèche à l'arrière du crâne.
« Monseigneur.
-Chut, mon ami, chuuuut. Ne sens-tu pas ça ? Mmmh, oui... les fils de Gilnéas sont parmi nous ».
Les deux worgens d'avant-garde se jettent sur Lesher, tandis que le troisième sort des ombres calmement. Sa fourrure est gris pâle, et son armure recouverte par un tabard arborant le lion du Haut Roi. Un bandeau lui masque l'oeil. Irion ne connaît pas le nom de celui-ci, mais il a entendu dire par ses agents qu'il s'agit d'un membre actif important du SI :7.
Le worgen bondit sur sa cible, cimeterre dégainé. Son premier coup est brutal, mais pourtant mesuré. Irion recule et esquive, guettant l'ouverture suffisante pour y glisser ses dagues. Le Gilnéen est fort, et ne semble pas s'épuiser ; ses coups sont méthodiques et ne tolèrent aucune faiblesse dans la défense.
Irion s'apprête à essayer un revers lorsque sa botte glisse sur une bouteille de verre vide, et le jeune dragon a tout juste le temps de parer avec sa dague. Le cimeterre est à trois centimètres de son oeil.
« Qui... êtes... vous ? ».
Le worgen se contente de grogner, et d'accentuer la pression. Soudain, ses yeux s'immobilisent, et la pointe d'une flèche sort de son front. Irion pivote sur lui-même, les iris brillants d'un rouge inquiétant. Tandis que Lesher finit de se débarrasser de ses deux adversaires, le Prince noir scrute les ombres, d'où commence à émaner un rire léger et cruel.
Une silhouette émerge des buissons, sa cape cramoisie couverte de poussière. La femme qui la porte semble être une Elfe de Sang, comme celle qui la suit. Mais la première est vraiment étrange, sa peau... sa peau semble morte. Elle se meut avec une élégance qu'aucun être vivant ne saurait égaler, tenant dans sa main gauche un arc finement ouvragé.
« Dame Sylvanas Coursevent, finit-il par reconnaître en s'inclinant. Vous me semblez bien loin de couloirs souterrains de votre capitale.
-Et vous de vos cachettes sordides, prince Irion, réplique froidement Sylvanas. Nous avons à discuter ».
Amusé, Irion suit la mort-vivante sur une corniche, sous le regard vigilant de Lesher. La tension est palpable, mais ne fait qu'amuser le prince, et agacer la reine. Sous leurs yeux, la toute beauté de la Vallée des Quatre Vents se dévoile.
« Micolline, murmure Irion. J'y ai goûté quelques spécialités, le saviez-vous ? Les petits plaisirs culinaires prennent toute leur importance dans un monde tourmenté comme le nôtre.
-Je ne sais pas, répond froidement Sylvanas. Et je m'en moque, tout comme vous. Nous savons tous deux qu'il y a des choses plus importantes en ce monde.
-Comme le siège d'Orgrimmar ? sourit le dragon, amusé. Cela fait une semaine que les forces du monde entier se sont tout juste rassemblées devant les murs de la cité, et vous pensez déjà à prendre la tête de la Horde.
-Ça ne m'intéresse pas ! Nous savons tous deux que Garrosh sera mis à mort pour ses crimes, et qu'un nouveau chef de guerre mènera la Horde à de nouvelles conquêtes. Pour ma part, je n'ai pas oublié les combats de l'année dernière, Irion. Les dragons représentent toujours une menace tangible ».
Le Prince noir ne répond pas tout de suite, et savoure l'expression de colère qui brille dans les yeux de la Dame. Dame noire, Prince noir. Deux être mystérieux, si différents et pourtant si semblables.
« J'ai aidé à la chute de mon père, finit par répondre Irion. Et encore après, j'ai surveillé et dirigé le conflit en Pandarie. Je ne prétends pas être sans secrets, douce dame au coeur endormi, mais me laisserez-vous vous poser une question ?
-Je vous écoute, crache Sylvanas.
-Dites-moi... pourquoi vous battez-vous ? ».

Sylvanas se remémore, l'espace d'un instant, le coeur froid de la Citadelle de la Couronne de Glace, et les membres de la Horde et de l'Alliance qui attendaient. Elle se rappelle la peur de Jaina Portvaillant, la haine froide de Varian Wrynn ou encore le calme mêlé de tristesse du vieux Saurcroc. Et lorsque les héros ont été de retours, accompagnés du généralissime, la nouvelle a été rendue publique. Portvaillant a pleuré, Wrynn exulté et Saurcroc est partit sans un mot.
Mais elle n'a rien éprouvé, non. Un certain vide, peut-être, comme lorsqu'on obtient le Faucon-pérégrin rapide après des mois de farm, mais c'est tout.

« Ma dame ? répéte Irion. Pourquoi vous battez-vous ?
-Pour les Réprouvés, répond Sylvanas en partant. Pour notre futur. Et, par-dessus tout, pour moi ».
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